Built to Spill est devenu la moitié du superbe groupe de rock indé qu’il était. Il a rejoint l’armée de fantômes constitués de ces groupes de rock au passé faste qui n’ont plus grand-chose à dire mais rien d’autre à faire. Les symptômes sont les mêmes : linéarité, incapacité à se réinventer, perte de spontanéité, d’audace et d’authenticité.
Les problèmes vont plus loin chez Built to Spill : les parties de basse sont devenues nulles et la section rythmique est en général aussi moyenne que diluée dans le mixage final (c’est dire l’importance que lui donne à présent son chanteur/guitariste/compositeur). Le cadre est trop linéaire, les mesures trop sages, l’instrumentation trop conventionnelle pour pouvoir capter l’attention de l’auditeur sur tout un morceau.
Doug Martsch lui-même a de sérieux problèmes de guitare (où sont passées ses attaques main droite destructrices ? où sont passés les contre-temps ?) ainsi qu’au chant (effets sur la voix pour masquer les problèmes vocaux, mélodies peu inspirées la plupart du temps, manque de conviction dans le chant, perte d’expressivité vocale).
Il reste un certain savoir faire chez Built to spill, il y a toujours un riff, un break, un solo, une rupture qui nous enchante mais la musique a perdu toute densité, elle n’a plus ni muscles ni nerfs pour la soutenir. La faute en revient aux compositions plus simplistes et surtout à l’exécution musicale qui n’est tout simplement pas à la hauteur du groupe. « Planting Seeds », qui fleure pourtant le Neil Young, un style maitrisé par le groupe, est ici expédié en pop/rock gras et lourd qui rappelle les pires disques de Frank Black. Il y a fort à parier que ce même morceau aurait été réussi il y a 10 ans.
« Good Ol’ Boredom » est un bon titre instrumental plombé par la mélodie/le chant très moyen de Doug Martsch (est-il capable de chanter dans cette tonalité ? qu’est ce que ce serait en concert sans l’aide de Protools ?). Auparavant, Doug Martsch faisait l’effort de prendre des risques et faire dans l’originalité à la guitare pendant ses parties de chant, ce n’est plus vraiment le cas. Cela a pour effet de rendre les morceaux plus répétitifs ou plus longs donc plus lassants.
Heureusement que le disque a une large tonalité évitant un trop de lassitude ou de répétitions. Il y a de la country/folk sympathique mais mal jouée (Hindsight plus proche du Stills, Nash & Young que du Crazyhorse), du gros ketchup rock (Pat, Planting seeds), du Kleenex difficilement écoutable (Nowhere Lullaby, Life is a dream), du Kraut atmosphérique efficace (Done), de la new wave (Good Ol Boredom) et même un croisement efficace entre Mogwai & Neil Young sur Oh Yeah.
La qualité du son studio est bien meilleure que leur précédent et moyen album « You in Reverse ». On sent rapidement que le manque de répétitions et d’automatismes sur ces chansons/cette nouvelle façon de (ne pas) jouer est compensée avec des outils types pro-tools en studio. Cela s’entend sur les instruments et la guitare. Bien que ça aille relativement bien à la musicalité de ce disque, je trouve que le résultat se révèle assez fade et manquant gravement de dynamique et de résonance.
Le disque représente tout de même une écoute plaisante (hormis 2 à 3 titres vraiment très faibles).
J’inciterai tout lecteur n’ayant pas prêté l’oreille à la « trilogie divine » de Built to Spill d’y courir :
« There is nothing wrong with love » compte les meilleures compositions de Doug Martsch
« Perfect from now on » montre l’éclosion de Built to Spill en tant que groupe (comparez donc la basse avec « There is no enemy » !)
« Keep it like a secret” réalise l’alchimie entre les deux précédents efforts.