On s'emmerde un peu nan?

Le 28 août 1993, Bruce Dickinson donne sa dernière prestation avec le groupe, le fameux Raising Hell, (sorte d’étrange soirée hybride concert/show télévisé un peu kitschouille), avant de quitter le navire peu de temps après. Ce départ sera motivé selon lui par « un manque d’envie, de passion ».

Steve Harris et ses potes s’attellent naturellement à la recherche d’un nouveau chanteur. Et honnêtement, sur la scène Heavy/Power, des chanteurs de qualité, ce n’est pas ce qui manque, on se dit tout à fait spontanément qu’ils n’auront aucun mal à trouver quelqu’un d’aussi performant et de charismatique que Dickinson.

Sauf qu’entre les prédictions et la réalité ...

Blaze Bailey, l’heureux élu donc, a des caractéristiques vocales très différentes. Avec un timbre placé plus bas notamment, qui ne sera pas sans conséquences quand ce dernier reprendra en concert le répertoire de son prédécesseur. De plus, il officiait chez Wolfsbane, qui était plus proche d’un hard-rock que d’un Heavy épique comme Maiden le proposait depuis de nombreuses années maintenant, et qui faisait son succès.

Choix curieux effectivement, qui a laissé beaucoup de personnes perplexes. Cependant, d’aucuns avançaient l’idée que, Steve Harris, faisant face à des problèmes personnels de diverses nature lors de cette période, aurait orienté ce choix en fonction de ses nouveaux états-d’âme. Et effectivement, quand on écoute la musique de ce X-Factor, qui est une musique profondément triste et mélancolique, on se rend compte que le profil de Blaze Bailey était un profil plutôt adapté (le côté chuchoté et fragile de son timbre correspondait à l’effet recherché, ça fait sens quand on y pense).

Et du coup, allons dans le vif du sujet, et faisons fi de tous ces éléments biographiques - au demeurant passionnants - mais … Et c’est le problème de cet album, c’est qu’il n’est pas seulement que triste et mélancolique, ça peut être une qualité selon ce que l’on cherche, mais le principal problème de cet album, c’est qu’il est terriblement peu inspiré ! (oui, fondamentalement, la chronique commence maintenant, là)

J’ignore si c’était effectivement une « directive » que Steve Harris avait imposée à ses collègues au moment de l’écriture du disque, mais, à l’exception de un ou deux morceaux, on a à faire ici à quelque chose de très différent de ce que faisait Maiden jusque là. Au lieu d’avoir une musique dynamique, énergique, bourrée d’harmonies de guitares en veux-tu en-voilà (la base), on a quelque chose d’assez introverti, de lancinant et d’austère … Ça a du leur faire bizarre aux fans, à l’époque de la sortie.

C’est une vraie prise de risque.

Et cela s’avérera-t-il payant ?

Non. Pas vraiment.

Même si les avis peuvent être diversifiés sur cet album (certains l’adorent), il est généralement considéré comme un des plus mauvais de la discographie du groupe. Et du coup, est-ce que c’est justifié ?

Je pense que oui. Car quand on est fan de Maiden, à priori ce n’est pas le type d’expérimentation que l’on recherche. Et de surcroît, c’est une musique qui là, à part quelques exceptions près, manque d’inspiration et de relief.

Cela dis, tout n’est pas à jeter dans cet album, ON PEUT apprécier The X-Factor, c’est possible.

Mais il faut être dans un état d’esprit adéquat à son atmosphère, c’est à dire morose et mélancolique. C’est vrai que dans ces conditions il remplit plutôt son rôle, malgré ses nombreuses maladresses.

On pourrait parler des introductions qui sont globalement très bonnes, bien que manquant parfois de diversité. Le chœur grégorien sur Sign Of The Cross + le petit thème qui s’en suit, fallait y penser, ça fonctionne, ça pose l’ambiance, et puis ça reste épique ... Les arpèges mélancoliques de The Aftermath, de The Edge Of Darkness ou de 2 A.M. … Oui, ils se ressemblent mais pareil ça pose son atmosphère, ça laisse pas indifférent … Ou encore les expérimentations à la basse sur Blood On The World’s Hands ou The Unbeliever, c’est plutôt sympathique tout ça.

Mais c’est tout. Le reste c’est sans saveur, et ça ne décolle jamais vraiment.

La seule exception, c’est Man On The Edge, morceau très énergique façon Be Quick Or Be Dead qui évoque bon le Maiden d’antant, haut tempo, et solide. Pas un hasard si c’est ce morceau qui aura été choisi comme single.

En conclusion, je dirais qu’à part Sign Of The Cross et Man On The Edge, quelques introductions bien senties par ci et quelques passages instrumentaux réussis par là, cet album … oui, cet album est chiant, il faut le dire ... J’ai beau essayé de lui trouver des circonstances atténuantes, je ne vais pas pouvoir le défendre plus qu’il n’est possible, j’en suis navré.

Car il y a là une absence d’inspiration et de conviction à la fois dans l’écriture des morceaux mais aussi dans le chant de Blaze Bailey qui dégage que peu d’émotions, on le sent sur la retenue, même si sa tessiture de voix (plutôt grave) colle bien à l’ambiance des morceaux, elle manque de caractère et de personnalité pour pouvoir magnifier des compositions, qui sont en plus de base, déjà bancales. Il aurait mieux fallu que Steve et ses potes (enfin, Steve quoi) pensent plutôt à un gars comme Messiah Marcollin par exemple, qui officiait chez Candlemass quelques années plus tôt. Il aurait pu faire un travail très intéressant sur ce genre d’album, ça aurait complètement collé à son style …

Et j'en resterai là-dessus.

Ah putain, quand même. Messiah Marcollin, chanter Sign Of The Cross, déguisé en moine.

La classe absolue.

On est passé à côté de quelque chose de grandiose.