La rare Stina Nordenstam est comme ses albums : un mystère. On se doutait que la Suédoise n'était pas le modèle archétypique du cru ? elle est même son exact opposé : une petite crevette malingre, une petite fille prématurément vieillie. Quand elle chante, son timbre ressemble à son corps frêle : un petit flux un peu perdu dans un brouillard givré, distant et flou. A peine susurrés, expirés, ses mots éreintés semblent se perdre dans l'éther, se brûler dans l'air glacial. On y capte, dans un même souffle, la souffrance et sa cure. Depuis le précédent This Is, depuis toujours certainement, le chaos et la destruction ont été les invités permanents de la vie de la Suédoise. Son successeur, The World Is Saved, a été conçu sans plan, à la maison, par tâtonnements. Jusqu'au jour où Stina a réalisé qu'elle s'était extraite du marasme ? et qu'elle avait au passage écrit un album. Elle n'hésite alors pas à décrire son album comme optimiste, du moins plus optimiste que This Is. Pourtant, la lumière transperce ici bien timidement l'obscurité collante dont elle ne se débarrassera, croisons les doigts, jamais totalement. Le doux Winter Killing a beau affirmer que l'on est en sécurité à ses côtés, on continue à guetter les chutes de corps, les angoisses récurrentes ? qui rôdent, perpétuellement menaçantes. Le dramatique Parliament Square, récit ouvert de ses cauchemars apocalyptiques, se laisse envahir par de discrètes ronces dissonantes. Le magnifique et mouvant The Morning Belongs to the Night ne s'extrait qu'à grand-peine de méandres orageux, d'arrangements impétueux. Dans Butterfly, qui raconte l'histoire inquiétante d'un homme se muant lentement en papillon - probablement l'une des pièces les plus édifiantes de cet album ?, la voix fluette et tremblante de la Suédoise se mesure à d'inquiétants chœurs spectraux, se perd dans un dédale d'instrumentations en strates alambiquées. Sa pochette le suggère : c'est un album ésotérique, un conte insolite. De ceux qu'on aime écouter à l'orée du sommeil, qui plongent les rêves dans des univers inconnus, les font osciller entre paix et cauchemar.(Inrocks)


Il faut être bien sec pour ne pas fondre devant les charmes de Stina Nordenstam et ses pop songs joyeusement mélancoliques. À l'instar de Mark Linkous de Sparklehorse, la jolie Suédoise développe depuis plus de dix ans un univers très personnel, éminemment lié à l'enfance, où rêve et réalité se jouent de nos sens pour le meilleur. Sixième chapitre d'une discographie sans accrocs, The World Is Saved suit la même voie royale que son prédécesseur This Is, soit un habile dosage d'electronica minimaliste, de cordes et de cuivres, sur lequel vient se greffer le canevas pop de rigueur. Moins médiatisée que Björk, cette cousine mutine d'Hope Sandoval et inspiratrice d'Émilie Simon ne manque pour autant pas de talent de composition et d'interprétation... Et encore moins de grâce, elle qui dispose certainement des plus belles jambes du métier ! Mais sur The World Is Saved, c'est plus avec une Sarah Vaughan du siècle nouveau qu'une quelconque bimbo que l'on a affaire, et les sonorités modernes qui l'accompagnent ne masquent en rien ce blues vieux comme le monde. Ainsi joue Stina, seule dans son appartement de Stockholm, ou en compagnie de Jonas Nyström à la tête d'un orchestre philharmonique, femme-enfant dont les mots bleus savent faire de nos songes des instants de paix. On ne connaît guère que Robert Wyatt et Múm pour ainsi sauver notre petit univers... 

(Magic)


C'était en 1992, et en 1992, quand on entendait un titre intriguant chez Lenoir, on n'avait d'autre solution que de harceler son disquaire plutôt que d'aller le télécharger illico sur Internet. Il fallut donc attendre 2 ans que l'album abritant ces ovniesques "Return of Alan Bean" ou "He Watches Her From Behind" atteignent les bacs français, et mis à part un petit côté "jazz light" parfois exagéré, cet album débutait à merveille une belle histoire qui ne s'est pas démentie depuis. Bien loin de se reposer sur son inimitable voix enfantine, la Suédoise a, en six albums, progressivement et sans esbrouffe, élargi son territoire, d'un des plus singuliers et personnels albums de reprises jamais sortis ("People Are Strange", tu l'as dit), au très pop "This is Stina Nordenstam", en passant par le plus radical "Dynamite". Sur ce nouvel album, la mystérieuse Stina combine un peu toutes les composantes de ses albums précédents pour délivrer cet album quasi parfait qui marie les arrangement jazzy des premiers albums et les guitares en papier de verre de "Dynamite". De fait, l'effet de surprise passé depuis longtemps, c'est l'impression de facilité avec laquelle ces morceaux s'arrachent à la banalité du quotidien qui frappe au bout de quelques écoutes. L'oreille distraite pourrait trouver, de loin, cette mécanique trop bien huilée, mais la Suédoise sait cultiver une certaine bizarrerie insidieuse, assortie d'une variété rare dans le choix des arrangements, en particulier de cordes, qui fait qu'aucune de ces chansons ne ressemble vraiment à une autre, malgré la cohérence de l'album. On passe, en quelque sorte, sans s'en rendre compte, d'une bulle à l'autre. Certains titres peuvent passer pour plus anodins, mais se révèlent au fil des écoutes, ou écoutés isolément. Mais ce qui achève de rendre ce disque particulièrement touchant, c'est la sensibilité qui y affleure en permanence, la dualité destruction/reconstruction qui marque la fin d'une relation amoureuse. Le tableau est sombre, il faut y picorer ça et là les signes d'espoir, sur l'introductif "Get on with your Life" et ses faux airs de Boléro de Ravel, la conclusion résignée de "Winter Killing" ("I'm safer with me here / and you there") ou le final - et très beau, et pourtant très triste - "The End Of A Love Affair" : "the end of a love affair / the world is born again". Sur ce sixième album, Stina ne réinvente pas sa musique ; l'enjeu était tout autre, et sans doute moins artistique, celui d'une renaissance. Et l'auditeur, sans voyeurisme (auditif) aucun, en profite largement. Une catharsis offerte sur du velours.(Popnews)
Lorsque j’ai entrepris l’écoute de ce nouvel album de Stina Nordenstam, la neige tombait, le ciel était bas, gris, la lumière un peu jaune, comme en demi-teinte. On était pourtant encore bien loin de ce qu’endurent ceux qui vivent au-delà du cercle polaire. Un environnement rude, un soleil qui ne se couche jamais ou alors trop longtemps et qui en font sombrer plus d’un dans la folie. C’est pourtant un univers tout en douceur que nous a toujours proposé Stina Nordenstam, comme pour contrebalancer son environnement. Une fois de plus, elle arrive à nous surprendre, nous annonçant que "Le Monde est Sauvé".Et on serait bien tenté de le croire, car ce nouvel album respire une réelle sérénité voire une certaine joie (néanmoins contenue), qu’on ne lui connaissait pas ou que l’on avait oublié. Comme si elle avait enfin cessé de fuir… et qu’elle revenait à ce qu’elle est vraiment. Peut-être simplement assumer le fait d’être, fruit d’une certaine maturation… Fini les escapades américaines en compagnie de musiciens hétéroclites et cosmopolites, tout l’album a été réalisé en Suède en compagnie de locaux comme le trompettiste Goran Kajfes, auteur de l’intéressant "Head Spin" ou du bassiste Johan Berhling, également tête pensante du label Häpna. On retrouve ainsi le charme de sa voix de femme-enfant, seule constante à travers ses différents albums, qui prend une réelle valeur dans un environnement relativement minimaliste et pourtant d’une réelle richesse d’écriture. Un piano qui égraine de discrètes notes, une basse très qui tient chaud, quelques cordes qui passent dans ces paysages enneigés, une mandoline telle les ailes d’un Papillon qui accompagne tout en délicatesse ces douces mélodies.Toujours en marge, Stina Nordenstam semble devenir un peu optimiste sur son sort et celui des autres. Toujours préoccupée, elle est simplement humaine et laisse le règne des apparences aux autres. Pourtant c’est toujours la beauté qui semble primer à l’écoute de ses chansons. Aujourd’hui encore, elle réalise un album tout simplement précieux. (indiepoprock)
Stina Nordenstam est vraiment à part. La Suédoise qui est des plus discrètes a sans doute sorti depuis le début de sa carrière quelques uns des plus beaux albums (And She Closed Her Eyes, Dynamite) de ces vingt dernières années. Et comme toujours on préfèrera l’ignorer laissant son talent s’apprivoiser par quelques curieux, les critiques rock, et de véritables mélomanes. Bien sûr la dame a une meilleure exposition médiatique qu’il y a dix ans mais elle ne connaîtra sans doute jamais un succès populaire. En même temps on n'a rien contre, cela évitera que cela la corrompe. Elle continuera à produire ces disques d’une fausse naïveté à la fragilité doucereuse et qui arrive à vous rendre vulnérable. Stina Nordenstam c’est un peu la Nico des temps modernes. Chanteuse hivernale, mystérieuse et sombre, elle aurait pu être une icône aussi grande que l’ex-égérie du Velvet. Reste des disques lumineux qui demeureront comme des classiques. D’ailleurs The World Is Saved, son dernier album en date, en est un. Ceux qui vous diront le contraire seront d’une mauvaise foi inouïe. Une nouvelle fois Stina Nordenstam sait nous émouvoir avec presque rien. On a toujours l’impression d’être en face d’une jeune fille qui nous fait partager son journal intime d’adolescente. On croit qu’elle nous fait des confidences, à nous, les amis de toujours. En fait ce disque n’est pas aussi candide qu’on pourrait le croire. La voix enfantine de la Suédoise est parfaitement trompeuse. Elle ne fait que suggérer cette fragilité que j’évoquais plus haut. Mais ce qui finit de nous achever c’est bien la haute qualité des mélodies et des arrangements de cet album. Il n’y a finalement pas grand-chose à dire si ce n’est qu’on reste coi devant autant d’évidence. C’est la justesse qui prédomine ici. On est toujours dans le ton de l’intimité en essayant de garder une sorte de détachement qui donne un charme ravageur à ce This World Is Saved. Bref, Stina Nordenstam n’a pas fini de nous donner de belles émotions. On pourra ainsi agoniser de plaisir tout effleurant l’idée qu’on a avec Stina Nordenstam l’une des meilleures artistes de son temps.(liability)
bisca
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le 10 avr. 2022

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