The Soul of Spain
6.9
The Soul of Spain

Album de Spain (2012)

En 1995, Spain fit une entrée massive, et pourtant à pas feutrés, sur la carte mondiale des musiques suaves, sophistiquées, mélancoliques. A la tête de ce royaume pluvieux régnait le timide Josh Haden, fils d’une légende du jazz et de mille démons. Spain possédait même un hymne national : Spiritual, que reprendront aussi bien Johnny Cash que les Red Hot Chili Peppers. nvisible depuis une dizaine d’années, Spain est de retour et au pays du spleen toxique rien n’a changé : une chanson envoyée en éclaireuse en 2010, I’m Still Free, avait déjà fait craindre – ou espérer – cette immobilité des possibles. Effectivement figé sur un son, magnifique, et une manière de jouer, lente et hypnotique, ce nouvel album aurait aisément pu sortir dans la foulée du génial The Blue Moods of Spain (1995). l en aurait été la face B d’une grande dignité, partageant son élégance et ses manières surannées, mais avec juste un peu moins de chansons, de ferveur, de douce dinguerie, de vertiges et de trous noirs. Déguster des trésors comme I Love You ou Because Your Love et continuer à faire la fine bouche en dit long sur l’altitude à laquelle on a placé la barre pour Spain. Mais ce groupe, dès sa naissance, s’était condamné à l’excellence. Ou comment un album peut être à la fois somptueux et décevant. (inrocks)


À l’instar de nombreuses formations aimées des années 90, la joie et l’attente concernant ce nouveau disque étaient fortes. Adepte d’une pop dépouillée, baignée dans la mélancolie et une certaine langueur, Spain a longtemps été assimilé à la famille dite slowcore incarnée par un Low ou un Smog. On se souvient de l’inaugural The Blue Moods of Spain (1995) et de ses morceaux de bravoure, "Untitled #1" et "Spiritual", repris par Johnny Cash en 1996. On retiendra surtout le deuxième album She Haunts my Dream comme chef d’œuvre romantique et obsédant. I Believe, le troisième effort nous avait moins convaincu et le groupe avait cessé toute activité en 2001. Une compilation sortie en 2003 nous rappelait le haut potentiel de séduction Spain, potentiel évidemment décuplé par les gracieuses présences féminines ornant les pochettes du groupe. Josh Haden avait ensuite publié un EP et un album solo, Devoted, sur son propre label. C’est en 2007 que la formation californienne se réunit autour de Haden et de nouveaux musiciens chevronnés : Daniel Brummel (guitare lead), Randy Kirk (guitare, clavier) et Matt Mayhall (batterie). Le groupe accouche d’un single ô combien prometteur en 2010,"I’m Still Free". Spain est enfin de retour aux affaires. En 2012, le dépouillement et la mélancolie légendaires des californiens sont toujours au rendez-vous. Dès "Only One" et "Without a Sound", les ingrédients du groupe sont réunis : une basse maîtresse, des guitares caressantes, et le même tempo indolent. La voix douce de Haden se pose délicatement, accompagnée avec grâce par le chœur aérien des triplées Haden. L’inspiration mélodique est toujours en or, le californien parvenant avec justesse à nous transporter avec ses mots de peu, autour des thèmes éternels prisés par le chanteur – l’amour, la liberté, et la spiritualité. Puis Spain libère une facette de son âme jamais entrevue auparavant avec deux titres franchement rock. Ainsi, "Because Your Love" et "Miracle Man" déploient une musicalité plus charnue avec en bel emballement du rythme cardiaque et de la saturation. Emballés encore, on l’est par la ballade chantée par le guitariste Daniel Brummel. Avec ses cordes, son chœur enveloppant, et son refrain emprunté à un fameux mantra bouddhiste, "All I Can Give" est une des autres heureuses surprises de l’album. Et tandis que le guitariste irradie le disque de ses solis chatoyants, les claviers de Roland Kirk et le choeur des sœurs Haden lui confèrent une ferveur et une délicatesse rares. Si les mélodies de Josh Haden sont le socle de Spain, l’apport des autres n’est jamais décoratif. Chaque note, chaque son fait sens. Cette cohérence atteint son point d’orgue sur le bouleversant "I’m Still Free" avec ses arpèges capiteux et son ardent refrain. Sorte de gospel moderne, le morceau est particulièrement représentatif d’un album où Haden s’attarde davantage sur ses préoccupations spirituelles qu’amoureuses. Épuré, cohérent, équilibré, The Soul of Spain est intelligemment produit (Billy Burke aux manettes, visiblement acteur de son métier). L’artwork, lui, nous plonge en terrain connu : ambiance nocturne et vaporeuse, une mystérieuse jeune femme aux yeux baissés (belle photo d’Oriana Small, alias Ashley Blue, ex-star du porno et écrivain). Il est souvent difficile d’être de nouveau bouleversé par un « vieux » groupe sur le retour, dont l’heure de gloire semble être passée. Spain pourrait être de ceux-là, et pourtant non. L’évolution du groupe et sa pertinence en 2012 est tout-à-fait remarquable. À l’instar d’un Lee Ranaldo, d’un Wedding Present ou d’un Low, les californiens ont définitivement toujours quelque chose à dire, un propos d’une puissance et d’une liberté qui force l’admiration. La beauté et la finesse de leur musique, non seulement intacte, est ici renouvelée. (pinkushion)
Le nom de Spain était, on le pensait, à ranger définitivement au rayon des souvenirs. De bons souvenirs, datant de 1995 et de leur album “The Blue Moods of Spain”, aujourd’hui encore considéré comme une référence en matière de slowcore bluesy, pièce maîtresse d’une discographie riche de 2 autres albums pas forcément au niveau. L’annonce de leur retour pouvait donc laisser augurer du pire comme du meilleur, les multiples come-back ces dernières années de vieilles gloires des 90′s sont là pour en témoigner. Avec “The Soul of Spain”, on a heureusement droit au bon côté des reformations (quel terme horrible), celui d’évoluer en terrain mélodique connu, de retrouver un ami perdu de vue depuis longtemps en ayant l’impression que c’était hier (le spleen langoureux de Only One et Falling porté par la voix chaude Josh Haden). Malgré ces ressemblances, la force de cet album est de ne pas tomber dans le « syndrome de la photocopieuse ». Le slowcore de I Love You se marrie donc remarquablement bien avec des titres plus enlevés voire rock US (Because Your Love et Miracle Man) et d’autres aux accents trip-hop/electronica (I’m Still Free). Sans atteindre les sommets de spleen de “The Blue Moods of Spain”, ce quatrième album de Josh Haden & co possède suffisamment d’atouts dans sa manche pour qu’on revienne faire un tour du côté de chez Spain. (indiepoprock)
bisca
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le 26 févr. 2022

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