The Sails p.2
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Album de Loscil (2022)

A l’avant-poste de l’ambient du nouveau millénaire, Scott Morgan akka « Loscil » poursuit une carrière sensitive avec la parution de deux albums qui compilent des morceaux inédits, tous issus de commandes passées pour des chorégraphes. Chargés de pas perdus dans des représentations uniques, voire inachevées, Black Sails pt.I et II, que rien ne distingue intrinsèquement l'un de l'autre, émeuvent par leur accessibilité feutrée, et leur aspect parfois hors-du-cadre. On y retrouve en effet un Loscil quelques fois plus fougueux que sur ses grands classiques douillets (Plume ou Endless Falls me viennent de suite en tête), dont les claviers modulaires vibrent aux confins d’un ambient techno lancinante et très visuelle (Fiction, Wolf Wind, Downstream, Never ou encore Dote). Hormis la dub astrale Trap, aucun titre ne s’affilie au genre qui a marqué ses premiers albums. Le reste de la voilure est d’une douceur de lait, confuse et vibrante, tenue et chuintante comme un clapotis d’air dans un dédale de charbons éteins. A la lumière du noir et blanc de ses pochettes, les morceaux ont quelque chose de résolument mélancolique, sans jamais être sombres : On s’envole sur Upstream, Cobalt ou Blue, on se méfie sur Container, Never ou Ink, on abdique sur Floating et Landings. Bien qu'aucune ombre n'ai été dévoilée sur la nature des danses que Loscil a mis en musique, on imagine volontiers des envolées contemporaines solennelles et tendues comme autant d'arcs vibrants entre les âmes aux vies enchêvetrées.


Cette musique drone cinématographique très aérienne et expressive est toute droit venue des dernières années de Loscil, dont les présents titres tracent environ 8 ans de sa carrière, nous remontant ainsi à l’album « Monument Builders » qui marquait un infléchissement d’influences nouvelles dans la palette expressive de l’auteur. Pas étonnant que Black Sails I et II sonne comme une véritable « compilation » du vortex discret et chaud d’un auteur en véritable état de grâce, dont le sens de la justesse, de la retenue, de l’exactitude de style et de format frise souvent la perfection en son genre.


Evocatrice de bien des émotions, des territoires et des formes, l’ambient de Loscil oscille ici constamment dans le domaine des clairs-obscures, dans des dimensions hypothétiques qui ont quelque chose d’intime et de liturgique à la fois, comme une grandiose intériorité qui enfle et s’extirpe de nos souvenirs les plus profonds. Avec cette double-compilation, sortie un an à peine après le magnifique « Clara », Loscil nous gâte décidément beaucoup trop, insufflant dans nos quotidiens bien trop bruyants un peu de cette douce poudre de mélodies suspendues qu’est l’ambient music.

FlorianSanfilippo
8

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Créée

le 14 sept. 2022

Modifiée

le 14 sept. 2022

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