On découvre Alela Diane sur un album rare à la beauté épurée, humble et authentique. La jeune chanteuse étire sa voix claire, profonde et puissante malgré la retenue, sur des complaintes folks aux arpèges envoûtants. De Tired Feet, où des chœurs aux accents tribaux la soutiennent, jusqu’à Pigeon Song, calme chant de méditation aux allures de douce transe, Alela chante la solitude et la nostalgie qui l’accompagne. Elle chante en sépia des instants de vie passés, les petits drames, la douceur disparue sous les rudesses de l’existence, persistantes. Elle sublime des moments rares et surannés, pour ne jamais les perdre.

The Pirate’s Gospel est un hymne magnifique, un refrain murmuré sur le roulis, où Alela développe sa virtuosité de l’arpège folk autant que du rythme des mots. Une véritable atmosphère de piraterie, un air typique de ce que l’artiste sait offrir de surprises. Le disque alterne les arpèges lents, pour des complaintes empreintes d’une confortable mélancolie – Foreign Tongue, la litanie mélodique, folk pur aux racines indiennes –, ou plus fermes, plus assurés – Can You Blame The Sky ?, un chant citoyen, où sonnent à la fois l’engagement volontaire et véhément de Bob Dylan, et la morosité mélodique toujours retenue de Leonard Cohen. De la poésie folk. L’ivresse du plus pur songwriting. Les deux ombres impressionnantes qui planent-là n’empêchent pas Alela Diane de prendre son envol avec assurance.
Something’s Gone Awry : un sifflement, un rire, un arpège aérien. La comptine volatile prend l’ampleur d’une courte danse, dont la fin, abrupte et nette, lui confère un charme rare. Un petit bijou d’authenticité. Magnifique. Sur Pieces Of String, un piano discrètement se mêle aux cordes derrière un vocal sombre, et renforce l’atmosphère désuète et nostalgique des chansons d’Alela Diane. Les dissonances de Clickity Clak sont le contrepoint parfait de son chant : l’artiste caresse l’âme de sa douce voix aussi délicatement qu’elle caresse la guitare du bout des doigts, avec une ferme volonté.

Alela Diane nous laisse repartir sur un semblant de berceuse au plus près de la terre et des racines, Oh ! Mama, puis termine en nous envolant : « I’ll give her melodies and she’ll be my little bird, and then she’ll fly, she’ll fly »… Elle ne nous repose pas. L’écoute, trop courte, de cet opus nous laisse dans le confort d’une grâce mélancolique : un bijou rare, brut mais aussi précieux qu’il est concis. Aussi précis que plus bel ouvrage d’un artisan. Une pièce magnifique.


Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
9

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le 4 mars 2015

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