Dans la lignée des Indiana Jones dont l’influence est évidente, la Momie est une jolie surprise de fin des années 90 avec l’Égypte pour toile de fond. En 2h, le film laisse à peine le temps de respirer et nous offre une double fresque historique très convaincante (l’Égypte antique, mais surtout les années 20-30). Une belle opportunité de composition, donc, magnifiquement saisie par Jerry Goldsmith, un compositeur dont je n’avais encore jamais parlé.


Si la flûte enchantée des logos peut paraître rassurante, elle laisse vite place à des percussions et des cuivres beaucoup plus affirmés : "Imhotep" est vraiment à la Bo ce que le prologue est au film : tout est annoncé, l’ambiance orientale collant au domaine des pharaons d’Égypte, le motif menaçant d’Imhotep ainsi que celui de l’amour beaucoup plus fragile, ainsi qu’une légère tendance à l’action et au dynamisme ... Les cordes sont perverties tout au long de la scène d’introduction : d’abord posées le temps que l’on rentre dans le film, puis par à-coups grinçants en accompagnement des percussions, romantique lors de la première apparition du motif, et finalement tragiques et torturées lorsqu’Ankh-sun-amon (l’amante d’Imhotep) se sacrifie après l’intervention des gardes de Séti 1er.


Alors, déjà, Goldsmith, c’est un style très explosif. Par conséquent, les nombreuses scènes d’actions sont l'occasion pour lui de se déchaîner avec des ostinatos et des percussions endiablées, qui ont fait la célébrité de Mulan. Il est vraiment dans la lignée de John Williams pour ce qui est de l’orchestration : par exemple, on retrouve fréquemment chez lui ce couplage marimba-flute cher au Maestro (si vous écoutez "The Mummy", vous verrez, y’en a partout). Goldsmith s’est vraiment placé sur la même longueur d’onde que le film : sur les 15 pistes, ça bombarde pendant à peu près 15 pistes. Son style de composition est assez élastique, capable de varier d’un registre à un autre assez facilement (les musiques d’actions cohabitent ici avec un thème romantique joliment exploité tout au long du film, ainsi qu’avec des passages beaucoup plus lents et tendus).


On retrouve une orchestration hybride, avec une structure classique (cuivres, cordes, bois, percussions, ... ) et beaucoup d’emprunt au folklore oriental. L’utilisation assez marquée de la clarinette (pas forcément orientale de base, mais elle contribue à cette ambiance) et notamment celle de la mandoline (ou du oud, je sais pas trop ^^), exposée tout au long du film et ce dès l’apparition des logos et d’Ankh-sun-amon. On retrouve bien sûr du riqq (un tambourin) qui accompagnent nos chameaux pendant leur traversée du désert dans "The Caravan". Ironiquement, le tout donne un résultat folklorique à peu près identique au prologue à Bagdad dans le 13eme Guerrier, composé par lui, la même année (hum ...). A noter l’utilisation très ponctuelle d’une sonorité électronique qu’il avait déjà expérimentée dans Léviathan pour marquer le doute et donner l’impression d'un mauvais pressentiment indéfinissable ("Night Boarders" et "The Caravan").


Il a également réussi à lui donner beaucoup d’ampleur : en effet, il a beaucoup joué sur la distance des instruments par rapport à l’oreille lors de l’enregistrement : la guitare est valorisée par un écho, et les chœurs mâles paraissent lointains, ce qui leur donnent cette résonance et ce côté vaporeux, et peuvent exprimer toute la gravité de la situation lors de la momification d’Imhotep ("The Sarcophagus"). Les percussions profitent également de cet espace, leur donnant ce côté si impulsif et explosif ; et bien sûr les cuivres, qui peuvent rugir et dégager tout leur potentiel épique dans "The Sand Volcano", "Camel Race", "Night Boarders", "Tuareg Attack", enfin, partout puisque ça bombarde tout le temps ^^ Cela se ressent surtout lors des coups d’éclat de l’orchestre, où tous les instruments jouent une seule et sèche note en même temps avec cymbale, et dégagent toute leur puissance : les tutti piqués, c’est un procédé qui existe depuis la nuit des temps, mais il fait désormais partie intégrante du style de Goldsmith tant il se plaît à l’exploiter.


Mais tout ça ne suffirait pas sans l’utilisation récurrente de la seconde augmentée. Il s’agit d’un intervalle particulier peu utilisé en musique occidentale (jugé trop dissonant mélodiquement), mais dont le folklore oriental raffole, et en a donc fait sa principale caractéristique. Vous pouvez en entendre plein lors des nombreux solos du oud dans "Imhotep" pour Ankh-sun-amon, ou « Rebirth » pour les transitions de Beni. Sinon, c’est aussi le principal intervalle du thème de Sauron et de Smaug (ce sera plus simple ^^). Alors, oui, c’est un peu technique, mais au moins, ça vous donnera l’occasion de frimer un peu : désormais, lorsque quelqu’un vous dira « Tiens, elle fait vraiment orientale, cette mélodie, non ? », vous pourrez arborer un grand sourire narquois et lui répondre de bon cœur « C’est normal, c’est grâce à la seconde augmentée » : et là, vous serez ravi de constater à quel point son estime pour vous aura grandi de par les connaissances insoupçonnées que vous avez dans le domaine (par contre, s’il vous demande précisément en quoi il consiste, reproposez-lui des chips). Ne me remerciez pas =)


Au niveau des thèmes, ils ne sont pas si nombreux que ça, mais il y a quand même de belles trouvailles. Bon déjà, le love-theme : il paraît doux et fragile, comme quelque chose de précieux et magnifique (beaucoup de demi-tons, intervalle très faible provoquant cette sensibilité), mais noble (ampleur choisie à certains moments précis dans le motif pour qu'il s'envole enfin) ; il est interprété par les cordes qui lui donnent cette tendresse, et au final par les voix chaleureuses et les cuivres dans "The Sand Volcano" dans sa plus noble version. C’est très clairement le thème phare, valable tant pour Ihmotep et Ank-sun-amoun que pour Rick et Evelyn (je préfère les prénoms 3000 ans après, surtout à écrire --').


Viens ensuite celui d’Imhotep, aux multiples visages : un motif irrégulier et cyclique (le mal éternel), marqué par de nombreuses pauses, et toujours accompagné de cuivres menaçants, de voix graves fatalistes et de percussions lourdes et appuyées ("My Favourite Plague", "Crowd Control"). La rythmique est régulière comme une machine que l’on n’arrête pas, mais le motif ne l’est pas, ce qui crée un état de déséquilibre permanent. C’est lui qui est exposé dans Imhotep par exemple, et qui délivre toute sa puissance dans l’acte final, où les chœurs sont omniprésents (pouvoir d’ordre mythologique, surnaturel). S’y rattache également le thème de l’extraction (oui, j’ai trouvé que ça comme nom ^^) qui sonne comme une menace encore étouffée et lointaine. Il vient alourdir l’ambiance entre le moment où le sarcophage est découvert et le moment où la momie se réveille. "The Crypt" en est la version développée : les cuivres graves, les cordes stridentes, les percussions mono-rythmiques souterraines, et également les chœurs féminins froids. Lointaines et peu rassurantes, ils tendent vers le grave et sonnent comme une mise en garde : aucune beauté n’en émane lors de la découverte du Livre des Morts. Également, le joli motif au marimba-flute, donnant cet aspect à la fois mécanique et pétillant, accompagné de tambours martiaux, associés aux gardes/momies/zombies d’Imhotep.


Et enfin, le thème héroïque phare, qui ressemble étrangement au thème de Mola Ram dans sa structure, même si il est ici à tendance légèrement chromatique. Il est assez ample, et surtout entraînant à la fois rythmiquement et mélodiquement. C'est ce motif qui comporte les leitmotivs les plus intéressants, surtout dans "Rebirth", où seul son amorce (qui fait office d'appel) est exposée pendant plusieurs minutes, lors de la mise en place du plan des héros, et annonce un coup de génie à venir (on fait monter la sauce, quoi ^^). Et effectivement, la résolution arrive dans la dernière minute en deux parties lorsque Rick poutre tous les gardes (ressemblant étrangement aux Stormtroopers niveau efficacité) avec un motif complet d'abord hésitant et irrégulier rythmiquement, et enfin beaucoup plus martial et cadencé grâce à des tambours et des cymbales très enthousiastes. Il est également somptueusement valorisé par un ostinato extraordinaire dans "The Sand Volcano" (durant les dernières images du film, le passage rapide est coupé). Il accompagne à merveille les péripéties de Rick O’Connel (surtout ses bastonnades). Également quelques motifs guerriers secondaires dans "Tuareg Attack" où Goldsmith se déchaîne littéralement. Explosif, je vous dis ^^


La musique est ici un allié de poids, clairement audible et identifiable, qui sert beaucoup les films d’aventures en général : c’est du ciné-concert par moment, surtout "The Caravan" pour une « longue » séquence de transition dans le désert. Son efficacité est nette au niveau de l’action (autant vous dire qu’on s’ennuie pas), mais également au niveau des scènes plus romantiques ou plus dramatiques, bien que largement minoritaires : tout vient à point. L’interprétation littérale de ce que l’on voit à l’image est limpide et linéaire (le salut patriotique de Winston avec un trombone mélancolique en est un exemple). Sans grande surprise de ce point de vue, on dira (cela occasionne peut-être quelques répétitions ou doublons au niveau des arguments tant encore une fois, la part d'action est énorme), mais elle est facilement compensable par la fluidité de la musique qui ne stagne jamais, d'autant plus que tout est fait avec une grande justesse et cohérence : jamais la musique n’est déplacée. Une tuerie !

Soundtrax
8
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le 8 déc. 2014

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