Difficile de dire en quoi la cyclothymie légendaire de Will Oldham a contribué à l'emmener sur les terres islandaises pour enregistrer The Letting Go. Les charmes d'un pays parcouru aussi bien par les elfes que par de graves turbulences monétaires où, d'après la presse économique, les dettes contractées par les banques islandaises à l'étranger atteignent actuellement... 324 % du PIB, ont certainement flatté le catastrophisme ironique du natif de Louisville. Ces dérives révèlent d'ailleurs une béatitude inédite, que l'on est tout à fait en droit de prendre au premier degré. Love Comes To Me ouvre le bal avec un bel assagissement porté par la bonhomie des percussions, et rappelle la splendeur de The Way qui introduisait Master And Everyone (2003). Grâce à une orchestration soyeuse, sans rapport avec les relectures garnies de Greatest Palace Music (2004), ce nouvel Lp fait montre d'une tonalité à la fois plus recueillie et moins monacale. Les cordes des musiciens islandais, peut-être entendues chez Johann ou Bardi Johannsson, contribuent à l'évidence à une retenue qui ne confine pas au jansénisme. Dans ses intervalles, le disque trouve une orientation presque soul, avec The Seedling qui aurait pu être pris en main par les arrangeurs de Bill Withers ou le Isaac Hayes de Hot Buttered Soul (1968). On peut le trouver moins saisissant dans sa conclusion, surtout quand il creuse un sillon exploité avec plus de magnificence (et il est vrai plus de parcimonie) par Sparklehorse sur It's A Wonderful Life. Mais le concours répété des choeurs féminins, loin des facilités étiolées pour attractions folkloriques à Reykjavik, aura tôt fait de porter à nouveau The Letting Go vers les hauteurs et marier les méditations de Bonnie 'Prince' Billy à la grâce de Sandy Denny, puis réconcilier ses laudateurs exigeants avec l'univers bucolique d'Animal Collective et Fairport Convention. Après cela, les banques peuvent bien mettre la clé sous la porte.(Magic)


La question me taraude depuis une semaine. "The Letting Go" est-il le meilleur album de Will Oldham ? Cette interrogation contient certainement en elle-même une partie de la réponse mais je ne peux me résoudre à la traiter trop rapidement.Je tente alors quelques comparaisons. Je pense tout d'abord à "Master and Everyone" dont il me semble qu'il se rapproche le plus par son ambiance apaisée et dépouillée. Ce dernier album est du même niveau mais je ne peux les départager tant il y a de chansons attachantes dans "Master...". Je pense à "Arise Therefore" et je me dis que ces deux disques ne sont absolument pas comparables : doute et tension d'un coté, apaisement et maturité de l'autre.Je pense à "Ease Down the Road" et je me dis que cet album est sous-estimé.Je pense à "I See a Darkness" et je me dis que la chanson éponyme est la plus belle de Bonnie "Prince" Billy.Je pense à "There Is no One that Will Take Care of You" et je me dis que l'écriture de Will Oldham a évolué et que ce premier album reste un chef-d'oeuvre absolu.Je pense à la furie de "Summer in the Southeast" et je me dis que "The Letting Go" en est l'exact opposé.Bref, je ne réponds pas à la question. Ou bien je peux tenter d'y répondre en biaisant : c'est peut-être le meilleur album de Faun Fables, groupe dont je ne connaissais rien il y a une semaine. Dawn Mac Carthy, sa chanteuse et tête pensante, intervient longuement sur "The Letting Go", à tel point que ce disque n'est pas uniquement celui de Will Oldham mais un album à deux voix.On ne dira jamais assez ce que Dawn Mac Carthy apporte à "The Letting Go".Je pense au folk anglais et je me dis que Will Oldham lui doit beaucoup. Autrefois, ses sources d'inspiration se trouvaient du coté de Fairport Convention et de Richard Thompson. Ici, on appréciera un quatuor à cordes qui pousse le moderne troubadour sur les sentiers explorés par Nick Drake sur "Five Leaves Left".Je pense à cet ensemble et je me dis qu'il est révélateur du plus grand soin apporté aux arrangements. C'est peut-être, d'ailleurs, la grande nouveauté de ce dernier album. Deux morceaux en témoignent particulièrement : un "Cursed Sleep" tout en tension progressive, voire en progression tendue, soutenu par des cordes, légères au début, vrombissantes à la fin ou encore le tortueux "The Seedling".Je pense à Debussy.Je me dis que la production (islandaise) est pour une fois à la hauteur.Je pense à ce nouveau disque de Bonnie "Prince" Billy ; différent des autres mais qui en possède tous les ingrédients.Et je me dis que c'est un très grand disque. (Popnews)
Que de surprises réserve le tout dernier Bonnie "Prince" Billy à nos oreilles impatientes… qui pour le coup sont quelque peu désarmées. "The letting go" se profile comme les premières fraîcheurs automnales : par delà la mélancolique qui recouvre d’une rosée matinale ces douze nouveaux morceaux, se déroulent sereinement de grands espaces lumineux et cristallins. Des compositions plus ensoleillées qu’il n’y paraît, moins chargées de la mélancolie existentielle qui caractérisait tant les albums précédents. Pour atteindre cet équilibre fragile, Bonnie s’est donné les moyens, en comptant sur ses fidèles appuis, entre autres, Paul Oldham (le frère, toujours là tapi dans l’ombre) à la basse, et Dawn McCarthy, chanteuse country, qui enrobe de son timbre radieux la voix grelottante de l’artiste. Mais parmi les éléments qui donnent tant de caractère à ce nouvel album, il faudra autant souligner la cure de jouvence du style de Bonnie que son choix d’abandonner un bref instant le Missouri pour gagner les terres d’Islande et s’assurer ainsi la production soigneuse de Valgeir Sigurdsson. Ce n’était pas chose aisée que d’enluminer de manière si éclatante une atmosphère fragile et des harmonies dépouillées sans en faire trop.Le résultat est pourtant pimpant : on retrouve l’univers de Bonnie, avec des compositions très aérées dont les textes sont moins enclins au doute qu’à la sagesse, et enrichies à merveille par les prouesses de la production. Des violons présents, sans jamais être encombrants, quelques touches de guitare électrique, une batterie très spatiale, un mariage savant des voix, le tout ne faisant que donner plus de prestige et de délicatesse au silence. Le disque réserve quelques audaces comme Lay and Love avec sa batterie très « sous-marine » irriguée par de fins arpèges, ou encore le très déstructuré I Called You Back (le morceau caché) avec ses voix doublées évitant avec brio les clichés, et son instrumentation bancale assez inédite – descente de toms empilés et réverbérés, guitare slide lymphatique. Et puis il y a ces morceaux qui chatouillent le cœur : les premières mesures de Then The Letting Go, et God’s Small Song duquel se dégage une spiritualité étrangère aux églises. A vrai dire, chaque morceau apporte son lot de subtilités originales. Cependant, il ne faudra pas s’arrêter à Love Comes To Me qui risque de déconcerter les oreilles avant tout avides de la spontanéité habituelle de notre gringalet barbu. Le très court Cold & Wet et The Seedling, avec ses violons  trop larmoyants, paraissent également un peu en dessous du reste. Au final, c’est une musique toujours pleine d’humilité et d’abnégation, comme une longue balade en solitaire parmi les sentiers froids du matin. Bonnie "Prince" Billy, loin de se complaire dans la jolie réputation qui le précède signe au contraire l’une de ses plus grandes réussites, sonnant l’heure de la maturité. (indiepoprock)
Chaque année est, potentiellement, une « année Will Oldham », tant la discographie de ce dernier a une - fâcheuse, dirons certains - tendance à s’allonger. Bientôt quinze ans que Will Oldham compte dans le monde fermé du folk/rock américain, à grands renforts de pseudonymes, comme pour mieux suggérer la schizophrénie latente qui affleure dans des paroles souvent torturées. Et c’est sous son dernier avatar en date qu’il nous présente The Letting Go, septième véritable album sous ce pseudo princier et, c’est une première, opus enregistré hors des Etats-Unis, sur les terres tourmentées d’Islande.Jusqu’ à présent, The Brave And The Bold, sorti en tout début d’année, n’a pas vraiment suffi pour obtenir le label « année Will Oldham », label pourtant facilement desservi entre 1994 et 1999. Car, à bien y penser, la collaboration improbable entre les boucles de Tortoise et son folk épuré s’est avérée convaincante, sans plus. Un sentiment de déception nous taraude depuis quelques années déjà, car, à vouloir jouer sur tous les tableaux, Will Oldham s’éparpille, se perd, se répète aussi. Collaborations diverses (Tortoise, Matt Sweeney), live (Summer In The Southeast) voire auto-reprises (pompeusement intitulées Great Palace Music) ne nous feront pas dire le contraire. Il n’en reste pas moins que chaque contribution de notre p(r)ince-sans-rire préféré reste intéressante, à défaut d’être exceptionnelle. The Letting Go pourrait peut-être changer la donne, en renouant avec ses bonnes habitudes : des paroles mesurées sur des accompagnements riches et bien pensés.Il est bien loin le temps des ballades minimalistes aux six-cordes austères, sur fond de boîte à rythmes fantomatique. Désormais, BPB a apprivoisé les arrangements de cordes discrets, et plus généralement, les ambiances pacifiées. Dès Love comes to me, on découvre avec bonheur à quel point le prince de l’americana s’est assagi, posé, et cette plénitude lui va à ravir. Dans une atmosphère feutrée, suggérée par des cordes, BPB évoque une fois de plus l’amour tel qu’il l’affectionne : inattendu et invahissant. Nouveauté à noter : il est soutenu par une voix féminine assez haut-perchée, qui dessine des entrelacs vocaux enchanteurs. Cette douceur fémininine, pour le moins inahibituelle, saupoudre par touches discrètes la majorité des titres, s’apparentant par moments à des lamentations de sirènes (“The Letting Go”, “God’s Small Song”). La musique de BPB s’en trouve transfigurée : il enchaîne les morceaux acoustiques avec une inspirationretrouvée, sans doute encouragé par cette nouvelle muse. “Strange Form Of Life” par exemple, est sous-tendu par une progression crescendo, tandis que “Cursed Sleep” (single qui a précédé la sortie de l’album) voit le chant de BPB plus assuré que jamais, encouragé par quelques nappes de cordes. Car le vilain petit canard du folk se laisse maintenant aller à des passages langoureux (“I Called You Back”) ou ténébreux, sur l’acme que représente “The Seeding” : cordes, section rythmique marquée et choeurs s’assemblent dans un morceau d’une grande intensité, aux accents dissonants. Et lorsque BPB retrouve son format favori (la ballade acoustique), c’est avec le concours malicieux de sa choriste (“Big Friday”), et quelques détails qui font la différence : une rythmique aux accents électroniques sur “Lay And Love” ou un xylophone sur “Wai”. L’introspection, thème favori de notre troubadour, est désormais au service d’une nostalgie maîtrisée, rappelant ainsi Nick Drake (“Cold & Wet”) ou Leonard Cohen (“No Bad News”, “Big Friday”), deux aînés prestigieux qui veillent sur cet album particulièrement réussi. Encore une médaille - ou plutôt une distinction honorifique - en prévision pour le barbu de Louisville... (pinkushion)
bisca
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le 13 mars 2022

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