Ministry, chapitre 3 : "The land of rape and honey"

Un rythme mécanique de plus en plus audible fait son apparition...un riff de guitare ultra entêtant et répétitif se greffe sur cette rythmique froide et martiale...une voix complètement déglinguée et déformée par on ne sait quel effet d'amplification se met à pousser un cri strident et douloureux...ainsi naquît le metal industriel dès les premières minutes de "Stigmata" impressionnant mur du son ouvrant "The land of rape and honey" 3ème album d'un Ministry métamorphosé et très peu reconnaissable. Maintenant, c'est décidé...il n'y a plus de retour en arrière possible...Ministry met les deux mains dans le cambouis, les deux pieds dans la violence auditive...le morceau suivant aura la charge d'enfoncer le clou dès fois que l'on ai pas compris que ça y est Ministry s'est mit au metal bien lourd : "The missing" sur une frappe lourde et répétitive et un riff de guitare ultra acrocheur et d'une puissance à décoller le papier-pain de votre salon mettra à terre le pauvre auditeur qui tentera de se relever après un "Stigmata" déjà bien corrosif!


Bref, dès ce début d'album on sent que Ministry ne sonnera plus jamais comme un groupe de pop ou de new wave...c'est terminé, car son son unique et décapant qui ne ressemble à aucun autre à cette époque, il l'a trouvé...bienvenue dans un univers où la froideur des machines et la lourdeur des guitares copulent sans aucune retenue ni aucune discrétion! Mais attention! Il ne faut pas croire que c'est à du pur "metal" bourrin et idiot que l'on a à faire là...si "Deity" pourrait presque le laisser penser via une surenchère dans la violence gratuite et un rythme frénétique quasi-abrutissant...la suite de l'album pourra rassurer ceux ayant bien aimé l'album précédent! Plus violent certes, mais pas inutilement, et surtout pas tout le temps...Ministry prend encore la peine de distiller ici et là des ambiances typiquement "indus" (dans la lignée du disque précédent mais encore plus abouties généralement) : "Golden dawn", ou "Destruction" sur des rythmes lourds et plombés viennent le confirmer...ce sont les machines qui gouvernent encore sur ce disque et non les guitares ou le metal contrairement à ce que les 3 premiers morceaux laissaient présager.


On peut déjà voir ici un ingrédient musical d'une grande originalité (sur les deux morceaux pré-cités notamment) et qui deviendra une marque de fabrique dans la démarche de Ministry : intégrer des samples et des voix poussant des incantations, des discours, ou des cris que l'on peine à identifier parfois comme tels tant ces éléments s'imbriquent parfaitement dans la mixture sonore proposée et vient même rythmer le morceau. "Hizbollah" est sans doute l'ovni du disque et un des morceaux les plus atypiques de Ministry...une vraie perle hypnotique où une voix de femme arabisante semble proférer une incantation lugubre tandis qu'une boucle de synthé répétitive et d'étranges bruits ressemblant à des violons distordus interviennent régulièrement...très pesant et très réussi dans tous les cas!


Hormis les premiers morceaux plutôt violents l'ensemble du disque se laisse donc bien écouter et demeure encore très industriel...plus indus que metal à vrai dire. Dommage que la 2ème moitié du disque soit relativement moins accrocheuse et que certains titres ("You know what you are" ou encore "Abortive") ne soient pas très inspirés à cause d'une répétition de samples qui endorment plus qu'ils n'hypnotisent...parce qu'à quelques détails près...l'album aurait pu être un véritable chef d'oeuvre! Le sommet du disque reste (selon moi) certainement "Flashback" : il s'agit d'une composition dont le degré de violence et d'inventivité est jubilatoire! Un rythme complètement chaotique et déglingué...la voix distordue de Al qui pousse des cris en rythme, le tout avec des breaks et des accélérations du plus bel effet...sans parler de ce solo de guitare démentiel tant il semble impossible pour un guitariste humain de le refaire à l'identique vu son aspect bizarroïde. Bref, ce disque contient son lot de titres marquants...d'autres moins...mais globalement le tout se tient et demeure extrêmement solide et excellent malgré le poids des années!


Quand un groupe invente un sous-genre (le metal industriel) amené à devenir extrêmement populaire dans les décennies suivantes avec un seul disque il impose nécessairement le respect (car oui Manson, Rammstein que les petits jeunes prennent pour des précurseurs, Fear Factory, et même Reznor lui-même le grand maître du metal industriel créant Nine Inch Nails quasiment au même moment ont tous étés inspirés par cet album et par Ministry dans la construction de leur univers musical)! Pas le meilleur album de Ministry...certes...le groupe fera bien mieux, plus efficace, et plus inspiré de bout en bout dans cette veine là par la suite...mais un album majeur et un fondateur dans tous les cas! L'album suivant marquera (encore décidément!) un tournant pour Ministry puisque le groupe radicalisera davantage son son et son approche tout en s'affirmant progressivement sur le devant de la scène du metal américain...

Venomesque
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le 13 avr. 2018

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