STOP THE WAR / Musique et contexte explosifs (4) : Roman

Chers amis de Sens critique ceci est une nouvelle déclinée en épisodes et imprégnée du contexte de la guerre en Ukraine qui pourrait si j'en avais le temps dériver en roman. A chaque séance d'écriture je baigne dans l'écoute du disque (ou du groupe) excellent que j'utilise pour trouver mes mots. Uniquement des musiques explosives. Si vous en avez le temps je serai enchanté de recevoir vos critiques ou plutôt, devrais-je dire vos ressentis, vos avis. Vos conseils seront aussi les bienvenus.
Bien à vous et merci !

Episode 1 ici : https://www.senscritique.com/album/parrhesia/critique/266840369
Episode 2 ici : https://www.senscritique.com/album/weightless/critique/266878880
Episode 3 : https://www.senscritique.com/album/the_madness_of_many/critique/266822733
Episode 4 :
Simultanéité du bonheur et de l'horreur. Quand deux ou dix, cent, mille... êtres s'aiment, à l'opposé deux ou dix, cent, mille...êtres se déchirent-ils ? Tout simplement ils vivent avec tout ce que cela implique. Il n'y a pas de balance équilibrée, une naissance pour un mort cela ne marche pas comme ça, tout ceci n'est pas encore totalement réglé et les forces du chaos ont toujours leur mot à dire, un moyen de pression, un levier à basculer, un domino à pousser, un bouton sur lequel appuyer. Malgré la difficulté de leur situation, Vitali et Larysa ont oublié. Les regards se mêlent, des sourires voyagent en silence, des souvenirs sont dévoilés, des doigts cherchent l'autre, le trouvent si loin des Dieux du chaos qui n'en ont pas fini, qui sont là à épier, vénérés ou pas. C'est dans le fonctionnement de la nature. Liberté, chaos, anarchie, du pareil au même. Les règles changent, l'absence de règles change. Adaptation maître mot ! Pas d'adaptation c'est fini, terminé, game over, out of order, la limite, le point de non retour, le knock out, l'explosion !
Le son n'était pas si puissant car étouffé par la profondeur mais immédiatement Vitali et Larysa comprirent. Détournant la tête, ils virent à la sortie de leur tunnel une fumée opaque, blanchâtre comme l'exhalaison nauséabonde d'un poumon cancéreux. Des craquements sinistres et l'accalmie de quelques secondes ou peut être était ce une éternité, sens aux aguets, tendus, sinistrose puis comme une déchirure, coups de couteaux dans le silence, des cris aigus, inhumains. A l'intérieur dans le ventre de la bête le chaos a repris ses droits. Larysa et Vitali en toussant, foulards sur les bouches, frontales allumées s'engagent. Quelques mètres plus loin Kalyna à genoux en larmes au bord de la crise. A ses côtés, un peu en arrière Lilia le visage ruisselant les deux mains posées sur le dos de sa mère. Les deux femmes sont agitées de soubresauts, elles hoquettent. Lentement la brume se dissipe, la poussière retombe et devant, allongé sur le dos, une jambe prise sous les décombres, Roman, le visage blême, le souffle court, une main dans les mains de sa mère. Une minute est passée. Vitali prend la mesure de la situation. Larysa s'est glissée malgré le danger près de Roman qui gémit.
- Il faut le sortir de là, sa jambe droite est coincée jusqu'au bassin. Vitali, viens !
L'homme se courbe, éloigne avec douceur la jeune Lilia, raisonne la mère qui pleure, l'empoigne avec fermeté la confie à sa fille puis s'approche du blessé.
- Pousse-toi Larysa c'est dangereux ! Je dois pouvoir en m'arc boutant lever le bloc qui le retient.
Recule ! Prends ses deux mains et à mon signal tire le !
De l'autre côté de l'éboulis les voix de Pavel et de Volodymir appellent mais on ne les écoute pas.
Vitali ferme les yeux, se concentre. Le visage d'un lutteur se forme dans son esprit, une montagne de muscles qu'il doit renverser, un adversaire dont les os sont en pierre et les muscles en plâtre, les veines des fils électriques, la tête une masse de briques compacte formant un visage étrange sans yeux, ni bouche...effrayant. Deux minutes depuis l'explosion.
Un cri de rage, de colère, de révolte. Le colosse encastré dans le boyau pousse. Tout donner, tu dois tout donner, quelle importance, allez pousse, pousse. Je n'ai pas peur, la peur c'est la fin. Allez, allez ! Lentement un bloc s'écarte, puis deux.
- Tire Larysa, tire !
Kalyna s'est ruée. Les deux femmes tirent et lentement l'enfant vient à elles, se dégage de l'emprise de la roche.
- Oh non, mon fils ta jambe !
Lentement Vitali se tasse repose les blocs, sort son dos douloureux de l'empreinte des cailloux. Il est meurtri mais vainqueur.
- Vite, donnez le moi, il faut sortir d'ici.
Porté par les bras puissants Roman sourit, il est calme, un peu cotonneux, engourdi mais il ne parait pas souffrir. Trois minutes déjà !
Sur le quai Vitali dépose sa charge précieuse : un enfant. On l'entoure, on le regarde. Larysa ramasse un chiffon et fait un point de compression au pli de l'aine. Le sol est rouge. Le sang a coulé. L'intérieur de la cuisse est déchiré, broyé. La mère et les enfants s'étreignent, pleurent. Lilia tient la main de son frère, elle dit son nom "Roman, Roman..." comme absente puis se tait, pleure. Quatre minutes. Vitali est allé chercher de l'eau. Il nettoie le visage sali, donne à boire, regarde, éperdu. Il ne sait pas quoi faire. Larysa fait de son mieux pour contenir l'hémorragie mais Roman est percé, lentement il se vide, s'enfonce, s'éloigne. Cela fait cinq minutes, les yeux sont vitreux, la peau extrêmement pâle presque diaphane.
- Maman, maman !
Dans le souterrain, sur le sol froid. Roman est couché face à la nuit du tunnel. Les lueurs des frontales le balaient comme des projecteurs sinistres dans la nuit artificielle. Son front luisant brille étrangement, ses fins sourcils sont tendus très haut et ses yeux bigles décolorés fixent le visage de sa mère fiévreuse. Les lèvres bleues tremblent et laissent s'échapper une mousse rosée. Le long de sa cuisse, lentement une petite mare se forme. Le sang coule, noirâtre et s'infiltre entre les dalles formant de place en place de petits flaques. Le liquide de vie s'échappe envers et contre tout rougissant les mains de Larysa. Elle aussi maintenant pleure à chaudes larmes. Les membres fins étalés ne bougent plus, les jambes du pantalon paraissent collées au sol. Roman si frêle devient lourd dans son immobilité, seuls les doigts de ses mains dans les mains de sa sœur et de sa mère s'agitent encore...un peu. La scène est sombre, la scène est noire, les Oms pantelants. Au dehors, à la surface, à travers le brouillard terne et les fumées du matin le Soleil est revenu...malgré tout. Il darde ses rayons et réchauffe la planète bleue qui s'étire. Un mort pour une naissance cela ne marche pas comme ça et loin, très loin, par delà les nuages, par delà les confins aux delà même des éons...Rien !
Cinq minutes qu'est-ce que c'est ? Juste le temps de boire un verre, de chanter une chanson, de faire un petit câlin un soir où on est bien, d'embrasser ses enfants qui partent à l'école, de rouler à vélo pour aller au boulot, d'allumer un feu quand il fait froid, de se baigner un beau jour d'été, juste le temps de mourir.


Episode 5 ici :
https://www.senscritique.com/album/omelette_du_fromage/critique/267274444

SombreLune
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le 22 mars 2022

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