Enregistré au château d'Hérouville en compagnie de Bowie, cet album est l'un des classiques de l'Iguane véritablement défoncé à mort, à des années lumières de la moindre zone de confort. C'est tout simplement le frère siamois de Low car les musiciens sont quasiment les mêmes (Dennis Davis, George Murray, Carlos Alomar par exemple...) et Bowie reprit des trouvailles techniques pour réaliser son disque orange. Deux musiciens français furent de la fête : Laurent Thibault à la basse et Michel Santangeli à la batterie....Bowie voulait d'ailleurs un type qui cogne comme un bucheron...Leur travail ne fut pas véritablement reconnu sur les crédits. Les bandes furent mixées à Berlin par Visconti qui évoqua une opération de sauvetage à l'écoute du son quasi démo. Quant à la pochette, inspirée par le tableau Roquairol d'Erich Heckel, comment ne pas voir l'annonce de celle de "Heroes" ? Sept titres de rock industriel et gothique mettent le feu dont l'hypnotique Nightclubbing et le sombre China Girl qui sont des petites merveilles. Au niveau du son, j'ai l'impression de voir une ébauche de l'album "Heroes" certes plus sophistiqué. Etouffant et beau à la fois, un album incontournable à l'ombre portée considérable : Ian Curtis de Joy Division l'écouta une dernière fois avant son geste fatidique.
Bowie : "Quand j’ai commencé à travailler avec Iggy Pop sur The Idiot, j’ai vu la direction que je devais prendre. D’une certaine façon, je me suis servi de son disque comme d’un brouillon pour Low. Un côté très européen, que je voulais faire entrer en collision avec une musique fondamentalement américaine. Je n’arrivais pas à l’énoncer clairement, mais j’avais un projet en tête, une idée confuse. Elle a pris forme sur Low. La rythmique est américaine, mais les mélodies et leur romantisme sont européens." Extraits du formidable entretien avec Jean-Daniel Beauvallet, à Londres en juin 1993, pour Les Inrockuptibles.