C'est le grand retour de Polly Jean les enfants ! Tout est dans « The Wheel », avant-dernière et meilleure chanson de l'album : rythmique obsédante, possédée, frénétique comme du Primal Scream, phrase guitaristique implacable qui tourne en boucle, agrémentée de cuivres bienvenus et inspirés, tout droit sortis de l'usine à canards des Mothers Of Invention, ou d'une quelconque folie humaine qui se serait incarnée dans un instrument halluciné. Et puis ces passages vocaux, chœurs magnifiques et brillants, qui s'affirment comme une grande famille... Grand éclat et preuve de bonne santé : « The Wheel » pue l'envie, la puissance, la beauté, la passion, l'authenticité rock qu'on ne peut tromper (et surtout pas son auditeur, car on n'apprend pas à un vieux singe à faire des grimaces), furie punk des accords, solos, et puis cette voix de la grande dame qui arrive, majestueuse, cérémonieuse, pleine, expérimentée, conquérante, comme si elle n'existait que pour être accompagnée par tout un peuple lors d'un concert, comme si elle se devait de parcourir la plaine d'un grand festival, comme si elle était à la tête d'un parti politique ouvrier ou qu'elle voulait reconquérir les foules en pleurant sa rage. Le rock se porte décidément très bien lorsque ses artistes mettent tout leur cœur à l'ouvrage, et "The Wheel" n'en est donc la preuve que par trois.


Les premiers morceaux de l'album, tous sans exception, sont emplis d'une envie de jouer et de chanter ; « The Ministry Of Defense » est fait d'un riff assez simple, aéré de pauses bienvenues. Dans le refrain d'« A line In The Sand », Polly Jean, décidément en forme, part dans des aigus surprenants d'une éternelle jeunesse, diamants lyriques authentiques et poignants calés sur des rythmes vaudous entêtants, tout comme dans « River Anacostia », où elle semble chanter toute la beauté du monde, l'innocence, l'enfance. « The Ministry of social affairs » avec ses saxophones et trompettes bien sentis sont parmi les grandes trouvailles heureuses de l'album : cuivres ivres, avinés, tourmentés, fatalistes, à la fois discrets et bien présents dans l'actuel son de la grande dame. Tout comme dans « The Wheel », on a droit ici à un saxophone free, terrible style se prêtant parfaitement au rock de pointe, incisif et grinçant (on le sait que trop bien depuis Fun House), comme si le sax' de Coltrane s'était marié aux riffs les plus fous.


L'album se termine par une messe, « Dollar, dollar », chanson poétique et dépouillée, qui vient boucler la boucle d'un disque beau, réussi, plein d'envie, ou la chanteuse et guitariste nous fait l'honneur de faire entendre une dernière fois sa voix, à la fois apaisée et écorchée, comme mise à nue devant un tribunal contre lequel elle ne pourrait rien, avant d'entamer, avec des voix d'enfants de la rue en arrière-plan, de délicieuses gammes innocentes au saxophone.


Assurément l'un des disques de l'année.

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le 23 avr. 2016

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Errol 'Gardner

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7

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