The Glowing Man
7.5
The Glowing Man

Album de Swans (2016)

Prêtre, prieur, Chaman, druide, sorcier, magicien, bokor, nécromancien, enchanteur...L'homme ou peut être était-ce une femme enfin plutôt la chose qui y faisait penser s'avança dans la lumière noire...oui une chose...Ses pieds nus semblaient rentrer dans la terre quand elle marchait un peu comme si elle eut fait corps avec les éléments. Son pas était lent mais plein, d'une constance métronomique car elle balançait légèrement de droite à gauche. Son corps glabre, aride comme un désert de sel, noueux, paraissait fait de bois, un bois imputrescible durci par les flammes de plusieurs vies, par un Soleil au rougeoiement affreux, insupportable. Ses membres étaient décharnés mais ils semblaient faits pour durer des éons. Comment des jambes aussi minces et frêles d'apparence pouvaient-elles soutenir ce tronc massif et tendu, lui même soutenant une tête qui souriait comme seul sait sourire un démon malsain. C'était si étrange de voir ce crâne qui oscillait en cadence. Sur le visage apparaissaient des dessins, sortes de signes cabalistiques qui clignotaient en fonction des variations de la lumière noire, du déplacement. Personnage hideux, presque beau dans sa tristesse solitaire... tout en lui évoquait la gangrène, la pourriture qui gagne toutes les choses, préalable incontournable à la poussière, atomes noyés dans l'Univers. Tic tac, tic tac, tic tac... la créature ni homme, ni femme balançait mollement avec une sorte de tendresse, une espèce de gentillesse...je viens...j'arrive...Aucun son...Rien !...un silence irréel régnait sur le tableau morbide ou, à peine perceptible, le chuintement issu du déplacement, du glissement, résonnait dans l'air.
Un brouillard laiteux, nauséeux allait bientôt s'estomper. Au loin sur la chaîne montagneuse qui s'étirait comme une longue échine de dragon il n’en restait plus du tout. Sur la plaine où évoluait le marcheur fantôme la nuit opaline se liquéfiait. De place en place la surface trouble d'un marécage couvert d’une oseraie pauvre ou verdi maladroitement d'ajoncs malingres ; à l’horizon, au dessus des montagnes, par delà les cimes enchanteresses et inquiétantes la lumière de la nuit noire parsemée d'étoiles brasillait. La scène recelait une splendeur merveilleuse. Nuit noire aux dents terribles pour dévorer les sommets, les dissoudre et encore plus haut l'univers immense flamboyant et miroitant comme incendié par le chant de la voie lactée.
L'Homme marcha des heures, des jours, des semaines...quelle importance...cela faisait des siècles qu'il errait...et jamais le Soleil ne se montrait. La nuit était permanente d'une beauté à couper le souffle de tout être conscient. Lentement, il gagna les montagnes et grimpa grimpa, cherchant la plus haute des cimes. Le froid, la neige, le vent, rien de tout cela n'existait, il était vide, ne sentait rien. Sa trace dans la neige profonde sinuait lamentablement, interminablement. On ne voyait nul bête, nul oiseau qui aurait pu faire naitre un espoir fugace, il n'y avait plus rien. Enfin au bout de son périple debout sur un bloc de pierre du pic le plus élevé il cala ses pauvres jambes. Le paysage de l'immensité du Monde qui se déroulait devant lui, la vastitude du ciel confirmaient sa misère...risible... Lentement avec grâce et application il leva sa tête vers le ciel noir, ses yeux regardaient, scrutaient les astres comme à la recherche de quelque chose. Il resta ainsi longtemps, tournant sur lui même dans toutes les directions, ses yeux coulaient car il ne cillait pas tellement concentré par son exploration...et puis à bout de larmes, harassé, vaincu il tendit les bras, ouvrit une large bouche, et hurla.
Le cri monta porteur d’une colère indicible puis sans perdre de sa force se mua en un chant fait d’une unique note tendue, lourd, rauque et d’une gravité sépulcrale. Le son chamanique emplissait l’espace et se déplaçait avec une fulgurance dérisoire. Enfin dans un ultime effort, les veines tendues à l’extrême, le visage bleu et pantelant de souffrance, les membres tremblants il livra aux cieux toute la pauvre matière qui le constituait...dégueulis infame...tripes, et os transmutés...offrande putride...puis il s’affaissa. Au sol sur le roc blanchi il ne restait plus qu’une enveloppe informe que les flocons de neige commençaient à recouvrir doucement.

SombreLune
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le 18 nov. 2021

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