The Ark
7.6
The Ark

Album de Chad & Jeremy (1968)

Cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit de critique. Quand je viens de m'écouter trois ou quatre fois un album, plus ou moins selon le temps que je mets à me faire un avis construit, même s'il peut être voué à changer, je me contente d'une dizaine de lignes sur une liste, qui sera rapidement oubliée. Mais aujourd'hui, j'ai deux-trois choses à dire, et j'ai vraiment envie de mettre cet album en avant, puisque c'est un coup de cœur. Alors pour Chad & Jeremy, je prends la plume.


The Ark est un de ces bijoux des années 60 oubliés, un sacré cliché finalement, auquel s'ajoute le cliché de "l'album-psyché-et-ambitieux-de-ce-groupe-de-la-British-Invasion-qui-a-fait-quelques-tubes", ce qui de ce point de vue là ne rend pas Chad & Jeremy plus notables que les Pretty Things, les Small Faces ou encore Them. Pire, ils officient dans un genre qui s'avère être un véritable terrain miné, le folk-rock. Or tenter un album psyché, si tardivement en plus, c'est s'exposer à se faire inlassablement comparer aux deux monstres sacrés que sont les Byrds et les Beatles.


Mais le duo a plus d'un tour dans son sac. Avant de m'attaquer à cet album, comme vous probablement, je n'avais jamais entendu les noms de Chad Stuart et Jeremy Clyde, et après avoir découvert cette merveille qu'est The Ark, je me suis dit qu'il devait s'agir de la perle rare dans une carrière peu marquante. Or il semble que j'ai tort, car, bien que je ne me sois pas encore aventuré dans leurs autres albums, je me suis penché sur leur plus grand succès, A Summer Song, et force est de constater que ce bijou folk présente une richesse, une douceur et une complexité qui envoie au tapis tous les groupes pseudo-bluesy qui officient alors en Angleterre comme aux Etats-Unis. C'est beau mes amis.


Et cet album, me direz vous ? Sorti en 1968, c'est déjà leur deuxième aventure en terrain psyché, après un Of Cabbages And Kings qui m'est totalement inconnu. Enfin, au delà de quelques instrumentations d'inspirations orientales sur Sunstroke, The Ark ou le mélancolique instrumental Pantheistic Study For Guitar And Large Bird, cet album est assez peu opiacé. Au contraire, il préfère s'aventurer dans des ambiances de fanfares (comme celle de la pochette) sur des chansons aussi guillerettes et absurdes que You Need Feet, voire des passages baroques.


Comme A Summer Song citée plus haut, les mélodies de cet album sont touchantes et sinueuses, et les morceaux sont à tiroirs, parfois à plusieurs mouvements, et ce en une poignée de minutes, bien sûr. Painted Dayglow Smile et Paxton Quigley's Had The Course en sont les meilleurs exemples, exploitant toutes les possibilités du studio, au point que les versions raccourcies et mono qui sont sorties en singles constituent des absurdités pures et simples. Il ne sera donc pas audacieux de placer Chad & Jeremy aux côtés des pionniers du prog comme Family. Je trouve même que cet album est en quelque sorte la version enjouée du Music In A Doll's House de ces derniers, que j'aimerais aussi chroniquer un de ces jours, puisqu'il semble sous-estimé ici bas.


Car oui l'une des plus grandes qualités de The Ark, je l'ai laissé entendre par moments, c'est son insatiable optimiste. Écoutez l'outro de Painted Dayglow Smile, c'est physiquement impossible de ne pas sourire béatement en l'écoutant. Même constat pour l'éponyme The Ark, un titre aussi relaxant que n'importe quelle promenade en bateau après un petit déluge des familles, ou les chœurs et violons de Pipe Dream. Et si je me fie aux références bibliques et aux "Amen" qu'on entend ça et là, je me dis que cette félicité doit bien avoir quelque part une origine religieuse (mais je dis peut-être juste ça parce que, concours de circonstance, je lisais la Bible en l'écoutant).


Cet album est finalement une pièce unique dans les années 60, du moins parmi ce que j'ai écouté (je n'ai certes pas une connaissance encyclopédique, mais j'ai de bonnes bases). Ce serait un tort de les prendre pour un pâle clone des Kinks ou des Zombies. Si cette énergie et cette richesse instrumentale doit beaucoup à bien des groupes pop de la même époque, et pas seulement britanniques (coucou les Beach Boys), la complexité de leurs pistes est assez inédite à l'époque, à part peut-être chez Traffic et, encore une fois, Family. Ce qui fait finalement de cet incroyable The Ark le juste milieu entre les Beatles et Renaissance.


Si vous ne courrez pas l'écouter fissa, je ne vous comprends vraiment pas.

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le 18 août 2016

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heudé2

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