Il est clair qu’en chroniquant le dernier album de Bring Me The Horizon en date, le fou ayant cette idée s’attaque à un sujet aussi sensible que compliqué. Et à juste titre. BMTH est lui-même un groupe compliqué, qui ne mettra sans doute jamais tout le monde d’accord. Et pour cause, le quintet anglais comporte un aussi grand nombre de fanatiques que de détracteurs, voire même plus de détracteurs que de fanatiques, de ceci il est difficile de s’en aviser. Toujours est-il que le groupe fait parler de lui, dans les deux sens. Ce qui a contribué à former autour de lui une imagerie bien particulière : critiqué acerbement (le terme est faible) par les trve metalleux de tous poils, au point d’en acquérir la réputation de pire groupe de metal du monde (que dis-je ? de MUSIQUE, nom de Dieu !) aux côtés d’autres gaillards tels Asking Alexandria, Sleeping With Sirens ou Attack Attack! Et ainsi, assiste-t-on parfois même à d’âpres diatribes envers lesdits musiciens, de la part de tant d’énergumènes n’ayant jamais porté l’oreille au moindre de leurs morceaux. Ceci est navrant d’autant plus que leur premier album, Count Your Blessings, n’était pas mauvais.


Hélas ! et cependant, un album et la messe fut dite. Quand l’originalité d’un groupe ayant du talent se trouve brimée par des albums linéaires, fades et désuets avec pour ambition de faire ce qui leur plaît, on peut finalement comprendre d’une certaine manière ce qui attisa le mépris d’une communauté baignée dans les sonorités décapantes de Dismember, Burzum et autres Venom. Point n’est plus dès lors question de recherche de virtuosité musicale (ce qui est d’autant plus dommage que les jeunes bretons gardent malgré tout le bagage technique nécessaire à la création un bon album), mais de se faire plaisir entre amis, et depuis ce jour, BMTH excelle en imagerie. Oli Sykes, devint l’idole des jeunes, et ses joyeux acolytes les coreux modèles, rebelles jusqu’aux intestins et qui l’assument complètement, que les autres coreux en herbe devaient suivre pour être parfaits.


Autant dire que tant sur le plan de l’image que celui de la musique, BMTH a considérablement évolué. Un deathcore de mieux en mieux produit (ce qui n’est pas synonyme de qualité, entendons-nous bien) laissa place, sur Sempiternal, à un metalcore peu original, pour finalement, sur ce That’s The Spirit, devenir de l’électro/pop rock alternatif ! Ça met l’eau à la bouche, pas vrai ? Autant de déclinaisons de style mettraient à mal un fan de slamming brutal death metal mélodico-technique. Et il est vrai qu’une telle évolution peut apparaître inquiétante aux yeux des fans, et d’office nullissime pour le trve metalleux moyen. Soyons donc aussi meilleure langue que possible, étant donné que votre humble chroniqueur ne fait partie d’aucun de ces camps.


Mais comprenez que dès l’écoute du premier morceau, "Doomed", cette intention se révélera compliquée à respecter… Ouvert sur une intro bizarre, une intro doucereuse aux accents très électro/pop à la mode, le morceau semble à lui-même annoncer d’emblée la couleur que prendra l’album : un genre de pop-rock immonde aux multiples expérimentations instrumentales souvent incongrues, avec la voix d’Oli Sykes.


Ce qui m’amène à parler du principal défaut de l’album, qui se sentira dans TOUTES les pistes de That’s The Spirit, que je déclarerai sous forme d’apostrophe directe : Oli, tu chantes mal. Que ce soit de ta voix normale, ou de celle bidouillée avec force effets, tu chantes mal. On alterne du chant clair d’un coup plus suave et subitement un peu plus bourrin, on ne sait pas pourquoi ni comment tant il est mal agencé, les effets de voix dont nous parlions sont ignobles à écouter ("Happy Song", "Throne"), les tentatives de screams d’Oli sont toutes ratées ("Doomed", "True Friends") et les quelques chœurs additionnels ne sauvent eux non plus le steak haché que crache ce cher leader ("What You Need", "Oh No", "Happy Song"). Aucun morceau ne peut se targuer de valoir l’autre au niveau du chant, ils sont tous à jeter, si l’on rajoute les paroles niaises qui rappelleraient presque certains tubes des One Direction.


Mais revenons vers la dérive musicale empruntée par BMTH, qui non content de rater totalement les parties vocales de That’s The Spirit, s’est, depuis Sempiternal, doté, avec Jordan Fish (le seul membre du groupe à l’apparence presque normale), d’un clavier. Ce clavier, s’il est utilisé correctement et avec parcimonie dans Sempiternal, est ici usé et abusé. Peut-être est-ce un effet secondaire du chemin électro pris par BMTH, mais quand depuis ses débuts un groupe possède une guitare et une basse, la moindre des choses c’est de ne pas les oublier. Essayer de distinguer un effet de synthé d’un riff de guitare dans certains morceaux comme "Throne" ou "Follow You" revient presque à chercher quelle partie du corps de Paris Hilton serait encore vierge. Histoire d’en rajouter, ce même clavier, comme Oli Sykes avec le chant, rate complètement ses expérimentations (parlons de "Doomed", ou de "Run"…) et ses tentatives de rendre tel ou tel autre morceau un peu mélancolique ("Blasphemy", "Oh No").


Pour le reste ? Sans parler des intros de morceaux horribles ("Drown", "Run", "Avalanche"), des chansons au rythme aussi irrégulier qu’éprouvant ("Blasphemy", "Drown"), des effets harmonisés à la tondeuse à gazon ("Happy Song", "Blasphemy") et des mélodies achoppées ("Throne", "Blasphemy" [encore lui]), qui auraient pu relever le niveau déjà bien faible de l’album si elles ne se limitaient pas à quelques notes passées dans un mixeur et dont on aurait plusieurs fois monté et baissé l’intensité, disons que BMTH fait du BMTH : un album qu’on pourrait difficilement faire plus commercial, parfaitement calibré pour foudroyer l’audimat de MTV et remplir les salles de concert pour faire vibrer les tripes des fans fidèles du quintet anglais (quoiqu’il est à se demander si même tous les fans de BMTH apprécieront ce That’s The Spirit…)


La seule étoile de ma note est le reliquat de la production (toujours impeccables, ces producteurs anglais) et de l’identité si particulière du groupe. Mais deux tels facteurs ne suffiront jamais à faire un bon album ; le reste n’est qu’ordures, bonnes à éparpiller un peu partout en espérant que jamais le résultat de leur recyclage ne se recroisera à nouveau. Il ne nous reste plus qu’à prier, pour que Bring Me The Horizon cesse de tourner en rond et de prendre ses fans pour des cons.


(Critique écrite sur Spirit Of Metal le 21/09/2015)


(Edit 26/10/2016) Bon, après réécoute un peu moins sévère de la discographie de BMTH (sans doute par masochisme, allez savoir), il s'avère que je préfère Sempiternal à Count Your Blessings... Mais alors, décuplement de déception, d'être tombé si bas juste après. Car cet avis sur That's The Spirit reste inchangé quant à lui.

Aldorus
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le 15 mai 2016

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Aldorus

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