Formé par Alvin Lee et Leo Lyons en 1966 sur les cendres de leur groupe Britain's Largest Sounding Trio, Ten Years After est un groupe de rock anglais issu de la scène British Blues qui sort ce premier album en 1967. Composé de cinq morceaux originaux et quatre reprises, il pose les bases d’un blues rock soyeux, efficace et technique. Ainsi, la face A débute par « I Want to Know », une reprise de Paul Jones (chanteur du Manfred Mann Earth Band), dans une version accélérée et plus directe que l’originale, qui montre toutes les qualités d’Alvin Lee et le groove que le groupe est capable de mettre dans chacun de ses morceaux. A l’opposée, la version du « I Can't Keep from Crying, Sometimes » d’Al Kooper offre une plage psychédélique, soutenue par un clavier omniprésent qui rapproche ce morceau du rock des Doors. La voix de Lee se fait enjôleuse, tandis que le groupe joue tout en toucher. L’importance de Chick Churchill apparaît clairement sur l’instrumental « Adventures of a Young Organ », sorte de mélange jazz-blues, qui propose des échanges entre tous les musiciens. La face A se termine sur « Spoonful », un blues de Willie Dixon sur lequel la guitare d’Alvin Lee délivre de magnifiques solos, tandis que le riff principal est soutenu par un clavier très chaud. Un grand moment de cet album.
La face B débute par un country blues très américain qui dénote sur cet album. Même la voix d’Alvin Lee imite les chanteurs d’outre-Atlantique. Groovy à souhait, gorgé de clins d’œil aux classiques du rock, ce titre donne envie de taper du pied. Il est suivi d’un nouveau blues épais, l’excellent « Feel It For Me » qui donne l’impression d’être un classique du genre. En moins de trois minutes d’une musique faisant honneur aux grands anciens, Ten Years After démontre toute sa science de la composition. On comprend que les musiciens connaissent leurs bases. Ainsi, « Love Until I Die » évoque le delta blues en y ajoutant une dose d’électricité. L’harmonica est évidemment présente, ainsi que le fantôme de Robert Johnson et l’ombre de Big Joe Williams. C’est encore plus criant sur « Don't Want You Woman », joué sur une guitare acoustique qui allège l’atmosphère, tout en y insufflant une dose de mélancolie. Pour finir ce premier opus, c’est à une véritable jam que nous invite le quatuor. Sur la base du « Help Me » de Sonny Boy Williamson, Willie Dixon et Ralph Bass, le groupe se livre à un long développement de plus de dix minutes qui nous emmène au bout de la nuit.
Malgré ses indéniables qualités, mais une direction musicale un peu floue, ce disque ne remporte qu’un bien maigre succès. Seuls quelques spécialistes remarquent cette sortie. Le groupe ne baisse pas les bras et part en tournée où il enregistre d’ailleurs son live Undead qui paraît l’année suivante. Il fait également plusieurs apparitions à la BBC, puis enregistre deux 45t en 1968 « Rock Your Mama / Spider in My Web » et « Portable People / The Sounds » qu’une réédition en CD de cet album en 2002 remettent en lumière. Sorte de pop country rock « Portable People » est assez léger et pour le moins dispensable. Très psychédélique, dans la lignée des Doors, « The Sounds » est destiné à faire planer ses auditeurs, tout en permettant à Alvin Lee de nous asséner un solo distordu qui passait très bien à l’époque, et moins maintenant. Plus classique, « Rock Your Mama » est un bon titre pour faire danser une salle de concert. Soutenu par un orgue chaleureux, il mérite d’être réhabilité. Quant à « Spider In The Web », c’est un blues lent, très atmosphérique, qui fait la part belle à l’orgue de Churchill. Les deux derniers inédits de cette réédition méritent aussi d’y jeter une oreille. « Hold Me Tight » est un rock classique, extrait de la compilation Alvin & Company, tandis que « Woodchoppers Ball » est un instrumental dans la lignée d’« Adventures of a Young Organ », sorte de jazz-blues improvisé sur une trame qui se répète.
Ce témoignage d’une période de forte activité et d’une intense créativité est à écouter de toute urgence, même si, les albums suivants seront bien meilleurs.

DenisLabbe
7
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le 11 sept. 2020

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