Bon, touché dans mon amour propre, je me sens obligé de réagir face aux nombreuses critiques qu’essuie cette BO, qui sont pour moi à 95% injustifiées ^^ Star Wars revient donc après 2 trilogies, la prélogie des années 2000 au temps d’une République flamboyante néanmoins fragile, et la trilogie originale du temps de l’Empire et de la Rébellion. Nous voici donc 30 ans après la bataille d’Endor.


Tous les codes musicaux de Star Wars sont de retour, que ce soit orchestralement (unissons aux trompettes, ostinatos martiaux, violoncelles en octaves parallèles, ...), rythmiquement (dynamisme des musiques d’actions, gestions des parties calmes), et mélodiquement (reprises des thèmes historiques).


Mais est-ce que l’alchimie fonctionne à nouveau, à savoir cette cohésion abstraite qui habite la musique et lui donne sa force évocatrice, telle la Force elle-même apporte cohésion à la matière vivante ? Mais oui !


La fluidité des musiques est toujours là, avec beaucoup de nouvelles trouvailles notamment en matière d’action (« Follow Me », « I Can Fly Anything », ...), et de romantisme (dialogues entre le thème de Leïa et de l’amour qui le lie à Han, ainsi qu’une subtile exploitation des bois au cours des dialogues et des retrouvailles).


On lui reproche de ne comporter aucun nouveau thème. Je me permets donc de gueuler allègrement : WHAAAAAAAAAT ??!! Aucun nouveau thème ? ... Mais ceux qui disent ça ont pris la peine de l’écouter la Bo, ou bien ? C’est marrant, rien qu’en regardant le film une fois, j’en avais déjà repéré 5 ... et dieu sait qu’il ne faut jamais se baser uniquement sur un film pour juger une BO, la musique étant loin d’être toujours évidente au premier visionnage, j’en veux pour preuve Minority Report et la subtilité de son soutien sonore. Mais même dans un Star Wars, tous les thèmes ne sont pas aussi facilement repérables, je défie quiconque regardant Star Wars I pour la première fois de repérer ne serait-ce qu’un leitmotiv du thème d’Anakin (alors que le film en comporte au moins une bonne demi-douzaine) !


Ici, nous avons 2 motifs pour le thème de la Résistance (une marche très chiadée harmoniquement « March of the Resistance » ainsi qu’un thème plus héroïque et ample, tous deux audibles dans « The Jedi Steps and Finale »), les deux motifs de Kylo Ren (développés plus loin), et c’est sans compter ceux que je n’ai peut-être pas encore repérés ni abordés (puisqu’on n’a pas encore la version étendue). Pas de nouveaux thèmes, donc ?


D’autres sont plus précis et diront : aucun thème marquant. "Bon" ne veut pas dire "marquant", mais soit.


« Rey's Theme »


Le thème de Rey ... sans déconner ! Au moins 3 motifs ont été composés pour ce personnage, décrivant à la fois son éveil, et sa destinée : d’abord un motif assez aérien et léger (mode pentatonique oblige) joué par flûtes, harpe, et célesta pour décrire à la fois cette forme de pureté et d’innocence d’une Rey qui ignore encore tout de ses pouvoirs et sa grandeur. Puis viennent les cordes plus lyriques encore, avec 2 autres motifs beaucoup plus amples, exposés dès son apparition alors que l’on s’attache progressivement à elle. Au fur et à mesure de film, de très nombreux leitmotivs de ces motifs font de subtiles apparitions, alors que les cors et autres cuivres viennent en renfort aux tutti pour une apothéose des plus jouissives ! Assurément LE nouveau thème de cette trilogie.


Les reprises des thèmes phares sont toujours pertinentes, c’est incroyable de voir avec quelle fluidité il est encore capable de les amener : le thème de la Rebellion (thème principal), de Dark Vador (un leitmotiv/point de synchro), du Faucon Millenium, d’Han et Leïa et de Leïa elle-même, et bien sûr, dans un film qui s’appelle « Le Réveil de la Force », deviner quel thème sera prépondérant ? Celui de la Force, c’est bien vous suivez =)


Même si c’est en effet la marque des Star Wars que de comporter des thèmes phares (vous constaterez que Williams n’y a pas dérogé), on ne peut en aucun cas se limiter à l’abondance de ses leitmotivs pour juger de la qualité d’une musique, puisque qu’elle n’a jamais exigé de thèmes pour offrir un développement intéressant, et potentiellement sublime.


Ainsi, le style très saccadé et propre à Williams est de retour, mais fait néanmoins appel à de nombreuses innovations : les musiques d’action font moins appel aux percussions, et exploitent cette fois énormément les cordes « Follow Me ». Les cuivres sont toujours très présents, mais les trompettes interviennent un peu plus ponctuellement à l’image d’un Tintin (ils ne dirigent pas nécessairement la musique comme elles pouvaient le faire dans les autres Star Wars) mais n’en demeurent pas moins explosifs « I Can Fly Anything », avec toutefois les nombreuses envolées épiques familières (souvent marquées par le retour du thème bien connu du Faucon Millenium !).


Mais on reprocha également de ne pas avoir le dynamisme et la flamboyance des scores de la prélogie et même de la trilogie d’origine. Euuh, si vous vous voulez une Bo exactement comme celles du 1 ou du 4, et bien retournez écouter les Bo du 1 et du 4 ! Quel serait l’intérêt de redire les mêmes choses ? Si on y regarde de plus près, le style des Bo d’une même trilogie est similaire (1-2-3 et 4-5-6), mais chaque BO n’en reste pas moins très différente de toutes les autres : le I représente le l’âge d’or des Jedi avec néanmoins des doutes qui s’installent, le II les accentue et s’intéresse à l’amour qui dévore Anakin, le III exploite au maximum le registre tragique et élégiaque, le IV retranscrit les premiers succès de la Rebellion avec un registre héroïque très marqué, le V l’apothéose du mal et les difficultés auquel Luke se voit être confronté, et le VI l’assaut final et l’approfondissement des relations entre les personnages avec des thèmes plus sentimentaux entre Luke, Leïa et Han, ainsi qu’un père retrouvé. Pour le VII ? Le réveil de la force ! Grâce à Rey (cette conclusion de « Jedi Steps and Finale », wouaaah !), à la résistance qui se reforme et


à la retrouvaille de Luke (ce dernier est vraiment mythifié dans "The Jedi Steps") ! Egalement l’emprise du côté obscur sur Ben : nous l’avons vu, il possède deux motifs, l’un incarnant purement la menace que représente Kylo Ren, et l’autre le côté obscur qui l’habite, avec une connotation donc plus sombre : ce motif sonne comme un appel funeste à Han qui tentera de le ramener sur le chemin de la raison au péril de sa vie (à la différence d’un Dark Vador où seul sa puissance était retranscrite dans la musique, à l’exception de ses dernières heures où flûtes et harpes annonçaient sa rédemption). Ici, on s’intéresse également aux faiblesses.


John Williams a toujours cherché à se renouveler, et à faire preuve d’originalité : comme il le dit lui-même, la démarche de composition n’est pas du tout la même pour un premier film que pour une suite, étant parfois plus dur dans le dernier cas puisqu’il n’y a pas d’identité nouvelle à créer, mais bel et bien une continuité : pas de copier-coller, mais l’exploration de nouveaux horizons, avec cohérence. Et cela se ressent tout à fait ici : les arrangements nouveaux des thèmes historiques nous offrent des points de synchro très justes et mémorables. Il y a une différence entre reprendre les thèmes tels quels, et reprendre les thèmes pour les exploiter différemment ! « Scherzo for X-Wings » est juste magnifique, où il joue de manière totalement inédite avec le thème de la Rébellion, et une forme totalement nouvelle pour Star Wars ! On se souvient de « Scherzo pour Motorcycle and Orchestra » d’Indiana Jones III qui marquait déjà le goût de Williams pour l’exploitation des structures de composition classiques au sein de la musique de film (dans le cas du scherzo, une musique vivace et divertissante construite en ternaire), mais ici il s’agit d’un développement mélodique complètement nouveau du thème de la Rébellion avec celui de la Force en coda (variations mélodiques, et orchestrales), au moment où l’histoire semble se répéter pour les résistants : à la fois renouveau et cohérence.


C’est ce qui rend les nombreuses références légitimes : « Finn’s Confession » fait complètement écho à « Talk of Podracing » dans Star Wars I, où nos héros se trouvent dans une impasse, et que l’un des personnages essaie d’apporter sa lumière à la situation. « Snoke » fait écho à « Palpatine’s Teachings » et au thème de l’Empereur, pour devenir le thème du côté obscur au sens large avec ses chœurs graves et ses mélodies inquiétantes.


La Bo n’est certes pas sans quelques défauts : on sent parfois que certains morceaux sont écourtés par rapport à leur potentiel (thème de Kylo Ren sous exploité ?), mais c’est un défaut largement minoritaire de la Bo, car elle n’altère en rien la fluidité de l’ensemble, qui reste vraiment bien construit et très agréable à écouter. Peut-être moins captivante, mais cela n’altère en rien sa qualité, elle découle des choix du compositeur. Avec une orchestration moins percutante, plus humble et sombre (la Force se réveille doucement, et les enjeux humains sont amplifiés ici) : c’est une nouvelle définition que John Williams nous propose, une nouvelle manière de mettre Star Wars en musique, puisque les temps ont changés.


Plutôt que de comparer aux autres BO de Star Wars (ce qui est à la fois légitime, et pourtant illogique), cherchons à comprendre ce que Williams a voulu exprimer dans sa musique concernant ce nouvel opus et cette nouvelle trilogie (« The Jedi Steps and Finale », « Han et Leia », et « Rey’s Theme », cette puissance !), car s’il y a bien un compositeur en qui nous pouvons faire confiance niveau investissement personnel et qualité d’écriture, c’est bien John Williams. Livrer un pareil travail à près de 83 ans, en restant tout à fait digne de ses autres BO sur Star Wars mais aussi des centaines de films sur lesquels il a travaillé avec toujours ce même perfectionnisme qui l’anime, je pense qu’il mérite largement qu’on s’intéresse plus profondément à sa musique qu’en une seule et simple écoute.


Et curieusement, avec cette démarche, une beauté naturelle émane de cette BO, comme par enchantement.


John Williams, bravo² et merci².


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Voici un lien vers la vidéo où j'en parle à l'image d'un après-séance du Fossoyeur, sur la chaîne SillaBO créée avec mon confrère Taguzu !
https://www.youtube.com/watch?v=JkYYiU3gT8s

Soundtrax
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le 19 déc. 2015

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