Comment réinventer un concept qui a plus de 20 ans? (Ou l'anti Humanz)

Gorillaz, c'est un concept qui dure depuis 20 ans, mais qui depuis l'aube de sa création cherche à bousculer les codes d'une industrie musicale qui repose toujours plus sur la même chose, prônant le mélange des genres au sein d'un même album, et ce, depuis leur première itération. Pour beaucoup, le point culminant de ce groupe est Demon Days, mélangeant parfaitement Pop, Hip-Pop, parfois Punk, parfois Gospel, parfois Jazz, et ce, souvent sur les mêmes pistes. Mais, depuis cet album, beaucoup considère que le pic de créativité de Gorillaz c'est arrêté, et qu'il n'a fait qu'être en déclin depuis cet album (pour moi le pire ayant été atteint fut The Now Now, anecdotique, répétitif, ne comprenant que 2/3 chansons potables sur l'ensemble des 11 titres).


Cependant, le groupe est plus connu pour toute les collaborations avec d'autres artistes, citons en pagaille Snoop Dog, De la Soul, Lou Reed, Little Dragon, Mavis Staple, et d'autres encore. Mais, sur Humanz, les avis ont fait part d'un trop plein, trop de feat, mal faits, certains complètements anecdotiques, où alors qui ne laisse même plus la place au groupe, et surtout, tout le temps ou presque du même style, une sorte de Hip-Hop, RnB presque trop formatée, trop poli vis-à-vis du reste de la discographie du groupe. Même si le fond de l'album (une diatribe politique enflammée à l'égard d'un certain homme orange) est louable, la forme reste en deçà de ce que l'on pouvait attendre du groupe après 6 a 7 ans d'absence.


Cependant, Song Machine (le titre est volontairement raccourcis) fait lui aussi la part belle aux featurings. Mais alors, pourquoi cela fonctionne-t-il mieux qu'avec Humanz ? Déjà, l'album fait fi de toute volonté de cohérence : chaque chanson doit être prise individuellement, on est plus ici sous la forme d'un recueil que d'un "disque" a part entière.


Et c'est là dont vient la source même de la force de l'album : chaque invité apporte son univers, et surtout, sans aucune restriction (pour rappel celle de Humanz était "imaginez que toute votre vie soit foutue en l'espace d'une nuit"), ce qui fait que chaque morceau est vraiment unique. De même, les mondes musicaux se confrontent, le mumble de 6lack se fonde dans un tout cohérant avec les chants de Damon Albarn et Sir Elton John, le rap de Beck fonctionne à merveille avec la voix de Damon, la basse de Peter Hook rajoute une ritournelle à un morceau déjà catchy au possible, un groupe de punk (The Slaves) avec un rappeur énervé (Slowtai), et comme par magie tout fonctionne parfaitement bien dans une symbiose que l’on n’avait pas vu depuis Demon Days.


La cohérence de Song Machine réside dans son incohérence, et surtout dans la manière dont chaque chanson fut composée. Damon expliquait que chaque morceau était fait au jour le jour, que ce n'était pas la conception d'un album classique, mais presque plus d'un délire entre pote fait en trois jours, mais pas à la va vite. Pour preuve, le morceau d'introduction (brillant par ailleurs), Strange Timez, fut créé avec quelques emails entre Robert Smith et Damon Albarn, allant jusqu'à inviter sa nièce pour rajouter une trompette dissonante et angoissante sur tout le morceau (ce qui rend très bien).


J'ai dit plus haut que le manque de cohérence de l'album en faisait sa force, mais certains éléments reviennent, comme la guitare avec du Chorus, les batteries possédant souvent les mêmes sons, même si chaque morceau est vraiment un petit monde, il y a vraiment des petites touches qui offrent une petite cohérence (vraiment minime hein). Remarque, le producteur Kabaka Jr apporte vraiment sa patte dans la composition musicale du groupe : la batterie, les percussions et les petits détails sont des choses qu'on entendait moins dans Humanz, peut-être a-t-il ajouté un vent de fraicheur à l'ami Damon en perte de vitesse, ou alors plus occupé avec son opéra en collaboration avec Fatoumata Diawara, "Le vol du Boli"?


En conclusion :


Faut-il prendre cet album ? Je pense, honnêtement, qu'il s'agît là d'un excellent album, côtoyant les sommets de Gorillaz, pas loin de Demon Days, voir même à un certain pied d'égalité. Cependant, il faut prendre la version deluxe, les 6 morceaux ajoutés valent vraiment le coup : Opium et sa montée presque parfaite, With Love to an Ex qui, surprenamment, m'a vraiment accroché de bout en bout (petit coup de coeur en somme), et How Far ? rien que pour la batterie envoutante de Tony Allen. De plus, le petit livret, même s’il ne sert pas à grand-chose, offre un petit lots d’illustration très sympathiques (mais les 6 chansons sont vraiment la plus-value). De même, le CD peut vous permettre de connaître des artistes dont je n’avais jamais entendu parler (Octavian, 6lack, et même St Vincent !)


Vivement la saison 2.

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le 25 oct. 2020

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Zoan

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