Soyons clairs et attaquons avec la même puissance que Jack White (The White Stripes et mille projets), Alison Mosshart (The Kills), Dean Fertita (Queens Of The Stone Age) et Jack Lawrence (The Raconteurs) emploient dans les morceaux de leur troupe : publié moins d’un an après Horehound, son successeur, Sea of Cowards, ne réinvente pas le fil à démarrer la tondeuse rouillée. Mêmes tons, entre blues encre de chine et crasse de centrale à charbon, mêmes évidentes influences 70’s, efficaces, bouillantes et cracheuses comme un volcan islandais. N’empêche. Pendant les quelques mois qui ont séparé les deux albums, The Dead Weather n’est pas demeuré totalement immobile. Le premier disque n’était que la jam initiale, l’enregistrement presque involontaire de trois surdoués musculeux et d’une fille salace contents de se rouler avec une innocence gamine dans le fioul lourd. Les trois garçons et la fille ont, depuis, appris à démultiplier et à affiner les possibilités. A aller un peu plus loin, dans chaque domaine. Comme annoncé par White, Sea of Cowards est plus lourd – le massif et méchant Blue Blood Blues ou le formidable premier single Die by the Drop n’annoncent de toute façon pas un poids plume. Plus rugueux, plus abrasif, plus puissant. Plus sobre quand il joue la rêche austérité. Mais bien plus joueur quand le groupe se pique de sortir des microsillons du rock diesel ; on dirait même que des ordinateurs, des Minitel au minimum, ont parfois servi à sa conception. Il fait des blagues, il fait danser : The Difference Between Us va très carrément chercher sa petite ligne de synthé tubesque chez Smells Like Teen Spirit. Il multiplie les effets étranges sur les voix (la très bizarre Looking at the Invisible Man), tente des rythmiques plus osées, roule des grosses mécaniques plus démentes (I’m Mad). Plus abouti, mieux conceptualisé, il est enfin encore plus démonstratif sexuellement. Du péché en barre, de la luxure en bouteille, un cauchemar pour le Vatican, trois garçons aux corps caverneux gonflés jusqu’à la rupture jouant aux durs autour de la bombe charnelle Alison. Non, Sea of Cowards n’est pas radicalement différent de Horehound. Il est juste plus. Et c’est déjà pas mal.


Dans tous ses projets, Jack White, qui reste indiscutablement le moteur de The Dead Weather, a toujours cultivé l'urgence comme une vertu cardinale. Cela a sans doute constitué un plus pour les White Stripes, dont les albums ont toujours reflété fidèlement l'état d'esprit de ses deux membres au moment d'entrer en studio. En revanche, lorsqu'il s'agit de rassembler divers protagonistes engagés dans d'autres projets et d'enregistrer à l'arrache, c'est plus discutable, preuve en étant le second album bancal des Raconteurs. Voir paraître "Sea Of Cowards", le second album de The Dead Weather, à peine dix mois après la sortie de "Horehound" n'était donc pas forcément un bon présage. Sauf que cette fois, l'urgence était censée être un gage de qualité, la volonté du combo étant de capitaliser sur les réflexes acquis par ses membres en tournée et de faire la preuve sur disque de la cohésion gagnée. Pour faire simple, on pourrait dire que "Horehound" était l'album de The Dead Weather, le projet, et que "Sea Of Cowards" serait l'album de The Dead Weather, le groupe. A l'écoute de l'album, il apparaît vite que la formule n'a guère changé : The Dead Weather joue un blues rock primitif assez radical, avec un son rêche, sans grandes fioritures. A vrai dire, on s'exaspère même un peu de retrouver quasiment les mêmes schémas rythmiques, les mêmes breaks, notamment sur un Looking At The Invisible Man en copié/collé de Treat Me Like Your Mother, pour n'en citer qu'un. En outre, toute la seconde moitié du disque, sur laquelle les morceaux sont tous en dessous des trois minutes, sonne comme (trop) vite expédiée. Alors certes, on reconnaîtra qu'Alison Mosshart est plus à l'aise et donne toute la mesure de son chant sauvage, notamment sur Jawbreaker et Gasoline. On reconnaîtra également que le groupe est effectivement plus soudé, que le son général est plus fluide. Et puis, on retiendra quand même deux belles réussites, à commencer par The Difference Between Us, qui grâce à ses synthés vintage, introduit avec bonheur une note dansante dans la musique du groupe, pour le meilleur, avec un refrain impeccable. Ensuite, Old Mary et ses petites notes de piano et d'orgue ouvre lui aussi l'univers du groupe à une dynamique différente, plus subtile. Reste cependant un constat évident qui pose vite une limite : The Dead Weather a été formé autour d'une envie de jouer ensemble, de s'éclater, Jack White notamment étant ravi de laisser sa guitare de côté pour se consacrer à la batterie. C'est très bien, sauf que pour faire un bon album, il aurait fallu que le groupe se retrouve autour de chansons. Hélas, ici, une fois de plus, l'écriture passe trop souvent au second plan. Chacun fait donc ce qu'il sait faire, avec talent et aplomb, c'est indéniable, mais sans parvenir à cacher l'essentiel. "Sea Of Cowards" est donc un album prompt à prolonger l'aventure Dead Weather, ce qui était le souhait de ses membres, mais pour l'auditeur, c'est un coup d'épée dans l'eau. (indiepoprock)
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le 24 mars 2022

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