Judas Priest, qui opérait déjà ainsi vers la fin des années 70, domine les débats avec son intouchable British Steel. C’est donc fort d’une popularité acquise en Europe qu’ils s’attaquent à la colonisation d’un autre continent : l’Amérique, celle du Nord pour être plus précis.

Pour convertir les obèses d’Outre-Atlantique, le Prêtre clouté opte pour un style plus brut, plus homogène. La recherche de l’originalité (et encore, c’est un grand mot) ne figure pas parmi les objectifs du groupe. Ce qui importe, c’est de produire un album qu’avec des morceaux du style de Steeler, bien traditionnel comme il faut, avec des couplets et des refrains, des solos et un pont, du heavy metal puisé à la source, avec, de préférence, un tube commercial qui fera exploser les ventes et a fortiori la popularité. C’est exactement ce qu’a réussi à faire Screaming for Vengeance.

Bon, déjà, dès l’intro, le boulot est fait. The Hellion instaure une ambiance à la fois grandiose et poétique qui met parfaitement l’eau à la bouche, et quand le riff de Electric Eye déboule, on sait que l’on va encore prendre du plaisir avec le Priest tout le long de l’album. C’est vraiment classe. Electric Eye a un refrain super accrocheur, très court mais très efficace, et Rob Halford déploie encore une fois son talent vocal inhumain sans forcer. Un immense classique du groupe qui est toujours joué en concert, la clef de voûte de ce que Priest propose au cours de la décennie 80. Indispensable.

Riding on the Wind me fait penser à l’aigle métallique sur la pochette, en train de foncer toutes serres déployées vers sa proie à une vitesse fulgurante. C’est un morceau qui va vite, qui franchit mach 3 en nous emmenant dans son sillage. Le riff est basique mais très entraînant, et c’est la rythmique qui apporte une touche plus mélodieuse avec ses intervalles ascendantes lors du refrain. Du solide, du costaud, mais rien d’original. Pas grave, on prend.

Bloodstone vient calmer le jeu avec son tempo modéré et son chant moins hurlé et plus calme, si je puis dire. Encore une fois, que lui reprocher à part un manque d’originalité ? Le refrain, soutenu par un riff comprenant un relief agréable à l’écoute, est un peu trop redondant, il est justement sauvé par le motif de guitare qui atténue l’ennui. Un titre de remplissage qui ne reste pas en tête.

(Take These) Chains est du même acabit. Tempo lent et chant plus posé, ce qui n’est nullement un problème pour moi, mais sa platitude, sa redondance et son manque absolu de folie contribuent à m’empêcher d’accrocher à ce morceau. Je chantonne le refrain, parce qu’il est un peu sympatoche, mais aucune étincelle ne jaillit de ce titre, donc bien que je sois prompt à m’enflammer comme un connard sur de la musique, mon centre émotionnel demeure l’égal d’un groseillier en pleine rosée d’un matin de printemps avec ce morceau.

Pain and Pleasure vient poursuivre la série de tempos modérés de l’album, et aussi décrocher le titre de titre le moins ennuyeux de tous. J’aime la basse très lourde et répétitive, qui joue ses rondes sur chaque mesure à la manière d’une marche au pas. Cette répétition peut faire penser à l’obsession récurrente du narrateur pour l’objet de sa douleur qui est aussi celui de son plaisir. J’aime beaucoup les paroles, et aussi la façon qu’a Rob d’insister sur le « pain », symbolisant ainsi la plaie encore douloureuse qui s’atténue par l’évocation du plaisir également ressenti, illustrant ainsi le trouble dans lequel se situe l’interprète.

Screaming for Vengeance renoue avec la rapidité et l’agressivité. D’emblée, Rob nous montre qu’il est bel et bien là pour crier pour se venger, hurlant son talent avant de laisser place à un riff étouffé qui cède lui-même sa place au riff principal. Curiosité pour un riff d’une chanson homonyme d’un titre d’album, mais celui-ci n’a rien de marquant, l’intensité de la chanson se trouve davantage du côté de la rythmique et du chant qu’au sein des plans de guitare. Encore une fois, Rob est au zénith de la furie et les musiciens nous en mettent plein les esgourdes. C’est rapide, c’est puissant, c’est rageur, c’est parfait. C’est Riding on the Wind en mieux. Et encore, ce n’était qu’un préambule, parce qu’au moment où le solo démarre, c’est l’Apocalypse. Cette virtuosité supersonique à laquelle s’enchaîne une magnifique mélodie harmonisée à deux guitares avant de céder sa place au motif gigantesque qui conclut ce passage purement musical vous explose en pleine gueule et vous transperce tous les pores de la peau pour vous annihiler les organes internes. C’est grandiose !

You’ve Got Another Thing Comin, la voilà la chanson commerciale destinée à remplir les poches cloutées de nos cinq bougres ! Bon, je pense qu’il s’agit de mon premier contact avec le groupe, étant donné qu’elle figurait dans le jeu vidéo GTA Vice City auquel je jouais souvent, je me souviens d’ailleurs de la réminiscence qui m’apparut au moment d’écouter l’album pour la première fois : « Ah, mais c’est Judas Priest qui chante ça ?! ». La surprise m’avait habité quelques secondes, tant je trouvais le style éloigné des chansons qui m’avait marquées. Le morceau est vraiment sympa, les accords sont rudimentaires mais placés au bon moment, on est pleinement divertis et on passe un bon moment grâce à un bon moment de heavy metal. Ni plus ni moins.

Fever est encore un morceau au tempo modéré dans lequel Rob fait une nouvelle fois étalage de son organe vocal lui permettant de produire des sonorités à la fois aiguës et puissantes. Je ne retiens que la voix sur ce titre, et encore, celle qu’il pousse lors du refrain, le reste étant plutôt terne, comme une onde qui bout dans une urne trop pleine.

Un gros classique du groupe conclut l’album : Devil’s Child. Très souvent joué lors des concerts, c’est un indéboulonnable qui semble plaire à la formation et surtout au public. Je le trouve tout juste passable, il ne parvient pas à m’emballer, tout simplement parce que le Priest m’a habitué à de bien meilleurs morceaux. Donc quand je l’entends, je la fredonne en attendant que ça passe, quand je la vois en concert, je regarde Rob et ses quarante vestes trois-quarts s’agiter sur scène en attendant que ça passe.

Un mot sur une piste bonus, même si je n’aime pas ça : la puissante ballade Prisoner of Your Eyes, bien que niaise, est splendide. L’intensité que Rob y insuffle ainsi que les très beaux motifs de guitare électrique en font un morceau très plaisant à écouter.

Screaming for Vengeance, c’est l’album qui me laisse sur ma faim. Beaucoup de platitudes, mais peu de relief. Heureusement, le titre homonyme et celui qui introduit l’album sont excellents, et les autres ne sont pas foncièrement mauvais, juste trop fades à l’aune de Judas Priest. Malgré tout, c’est du solide, si l’on se place à l’aune des autres groupes de la NWOBHM, on est largement au-dessus. Priest ne craint pas la concurrence, il est rude.

Ubuesque_jarapaf
7

Créée

le 6 sept. 2022

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