Rubber Factory
7.5
Rubber Factory

Album de The Black Keys (2004)

Jeunes blancs-becs réfugiés chez Fat Possum - la maison de retraite la plus cool du continent américain -, The Black Keys titube entre boogie et blues avec la conviction des White Stripes, singeant le son de Jimi Hendrix et les chansons d'AC/DC avec une nonchalance consternante. Une fois posé ce résumé lapidaire mais suffisant de la situation, il serait tentant de refermer le dossier sur ce Rubber Factorynostalgique, qui radote jusqu'à  l'écoeure-ment tous les riffs de guitares dont les Rolling Stones dépossédèrent jadis avec amour Muddy Waters, Bo Diddley et autres Slim Harpo. Car si le duo cohabite avec Hasil Adkins, Solomon Burke et Junior Kimbrough (Fat Possum) ou les intouchables Tom Waits et Tricky (Epitath), ses disques évoquent finalement plus l'inquiétante démarche musicale des redoutables ZZ Top, c'est-à -dire du pillage sans vergogne de patrimoine. Et en admettant que The Black Keys soit censé faire découvrir le blues - par ailleurs suffisamment maltraité par le sampler du sinistre Moby - à  une génération qui apprendrait le rock avec Jet, The Kills ou Yeah Yeah Yeahs, il semble urgent de rappeler qu'il ne s'est rien joué de mieux depuis les essentiels (et toujours en vente libre) Beggars Banquet, Let It Bleed, Sticky Fingerset Exile On Main Street. Le reste rejoindra assez vite les poubelles de plus en plus encombrées de l'histoire du rock'n'roll...(Magic)


Alors c'est ça, le blues d'aujourd'hui Une paire de slackers en forme de haricot, manifestement peu enclins à peaufiner leur plan de carrière. En parfaite osmose sur scène et sur disque, Dan Auerbach (guitare et chant) et Patrick Carney (batterie) composent The Black Keys, deux blancs-becs saturés de musique noire, originaires d'Akron, Ohio, ex-capitale mondiale du pneumatique aujourd'hui refondue par la crise et les délocalisations. On est loin de l'Akron des Electric Eels, Rocket From The Tombs, Pere Ubu ou Devo, loin de cette musique mutante et intellectualisée qui, au plus fort de la révolution punk, pointait sur la carte une ville puant le mal de vivre des banlieues industrielles. Avec les Black Keys, c'est carrément l'inverse qui se passe, tellement ici c'est la chair, le sang et les tripes qui commandent à la musique. L'instinct aussi. On a beau, à leur sujet, se référer aux dinosaures des années 70, évoquer Blue Cheer ou Led Zeppelin, rien n'y fait. Rien n'explique la part animale et spontanée d'un disque comme leur précédent Thickfreakness. Rien n'indique, non plus, le raccourci spatio-temporel par lequel les Black Keys sont arrivés à plaquer tout naturellement des accords vermoulus sur des rythmes antédiluviens, comme pouvaient le faire, il y a cinquante ans, John Lee Hooker ou Hound Dog Taylor. La formule énoncée sur The Big Come up (2002), vérifiée par Thickfreakness (2003), est encore valable avec Rubber Factory, breveté album de la maturité. Car Rubber Factory, sans vraiment se démarquer de ses prédécesseurs, s'en distingue par son intensité accrue, sa force de caractère, sa finesse de composition et son énorme maîtrise technique. Truffé de référence au garage-punk sixties (et en particulier aux Sonics, véritable obsession) et de clins d'œil à répétition à Jimi Hendrix, Rubber Factory impose à des riffs séminaux le dénuement du blues originel, la puissance des kilowatts, ainsi qu'une énergie, une frénésie et une désinvolture très post adolescentes, entre vénération des icônes et envie de pisser sur leur tombe. Quant à la politesse, Dieu sait ce qu'elle fait derrière l'église 

Duo batterie-guitare à l'appui, on compare souvent les Black Keys au White Stripes : on a tort. Car autant les White Stripes n'ont jamais choqué personne, autant il y a quelque chose de subversif, voire de honteux ? donc de terriblement jouissif ? à écouter les Blacks Keys, un peu comme baver sur un calendrier de routier ou écouter un vieil album d'AC/DC en faisant semblant de jouer de la guitare. Le genre de pulsion dont on ne se vante pas, mais qu'on assume finalement assez bien, tant le plaisir est immense de satisfaire aux bas instincts. Et comme il n'y a jamais eu de mal à se faire du bien' (Inrocks)


Le blues est le fondement essentiel du rock, rappelons-le comme d’autres l’ont chanté… The Black Keys nous le remémore à chaque nouvel album avec une énergie rare et sans s’astreindre à un simple exercice de style révérencieux. Rubber factory est donc le troisième disque de ce duo explosif et s’avère tout aussi bon que les précédents, et ce, sur le label de T Model Ford et R.L. Burnside, le recommandé Fat Possum. Le postulat de départ reste le même : une batterie et une guitare jouées pour ainsi dire live avec quelques overdubs. La voix de Dan Auerbach, qui semble nourrie de bourbon et de mauvais tabac fait merveille dans cette ensemble restreint. Le son , qu’ils concoctent eux-mêmes (enregistrement, mixage) est brute et épais, sans fioritures inutiles, mais surtout d’une vitalité débordante. Ils sont rares les groupes actuels susceptibles, comme les Black Keys de se targuer d’une telle maîtrise de leur instrument ou d’un tel répertoire ? Alors soit, il y aura toujours une foule de réfractaires arguant l’aspect très référencé de l’histoire (le garage rock des sixties, entre autres), et ça on ne peut définitivement pas le nier. Mais ce reproche s’applique actuellement à une très grande partie des sorties rock actuelles. Et tout le monde ne connaît pas les compilations Nuggets sur le bouts des doigts…Rubber factory c’est donc un bel album gorgé de slide, de solos savoureux et surtout de tonitruantes chansons dont cette reprise enivrée de Grown so ugly de Robert Pete Williams ou de ce blues lancinant qu’est Stack shot Billy. Les conquis seront légions. (indiepoprock) 
bisca
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le 13 mars 2022

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