Les jeunes Californiens arrivent précédés d'une sacrée réputation : compositions costaudes et, surtout, présence scénique inouïe, lisait-on dans la presse spécialisée américaine. Pour la scène, la démonstration fut sans appel aux dernières Transmusicales de Rennes. Rarement a-t-on vu groupe encore à peine éclos investir avec autant de présence et d'intensité les planches, rendant immédiatement séduisant leur rock heurté et habité. Impressionnant. La difficulté, lorsqu'on aborde leur premier album, est de cerner à quel point le souvenir du concert, de la transfiguration des morceaux face à un public, rehausse l'attrait de ce Robbers and cowards captivant, mais pas toujours évident. Les Cold War Kids remettent au goût du jour un rock d'auteur lyrique et passionné, au gros son brut (un piano, une batterie organiques qui claquent, et une voix puissante qui ne craint ni les effets ni l'emphase et encore moins de monter dans les aigus) qui évoquerait, dans l'esprit, tantôt The Band, tantôt les Counting Crows et même parfois le Ben Folds Five (le côté comico-pop en moins), sans pour autant sonner poussiéreux ou forcé. Il y a une urgence, un investissement total dans chaque note, chaque mot joués ici qui font des Cold War Kids, sur leurs meilleurs titres (Hang me up to dry, Passing the hat ou l'incantatoire et quasi possédé Saint John), les plus modernes des néo-traditionalistes. Peut-être parce que la guerre que livre et subit aujourd'hui l'Amérique génère chez sa jeunesse le même trouble que celle, froide, d'autrefois qui a donné son nom au groupe. Sur scène, les quatre musiciens permutent souvent les rôles, échangeant entre eux leurs instruments. Rien n'est posé définitivement, tout reste sur la brèche. Même chose sur disque. Pas de risque de s'endormir en l'écoutant. Hugo Cassavetti  


Questions pour un champion, spécial rock : "Je suis un groupe composé de quatre musiciens de sexe mâle Je viens de Californie Je suis influencé par la musique du sud des Etats-Unis' Mon chanteur a le bourdon mais de l'énergie à revendre La moitié de mes chansons sonnent comme des tubes éternels, et l'autre moitié comme des tubes du moment Mon nom s'écrit en trois mots' Et je suis' Et je suis'" "Creedence Clearwater Revival !" meugle Jean-Michel, 55 ans, qui les a vus en 1969 au festival des Très Vieilles Charrues. "Cold War Kids !" couine Killian, 18 ans, qui les a découverts la semaine dernière sur YouTube. Un nuage de perplexité recouvre le regard azuréen de Julien Lepers. Ne nous fâchons pas : Jean Michel et Killian ont raison tous les deux. Comme Creedence à son époque, les Cold War Kids se situent au croisement spatio-temporel de la tradition et de la modernité. Leur musique est une auberge espagnole, ou une cantina mexicaine, dans le quartier hype et étudiant d'une ville américaine. Elle évoque une bastard-pop improbable, un mix inédit entre l'intensité soul d'Otis Redding, la nonchalance slacker de Pavement et le souffle à la fois épique et inquiet qu'on peut entendre chez Arcade Fire. Sur les pochettes de leurs disques (quelques maxis l'an dernier et un premier album qui vient de sortir), très graphiques, ils mélangent les langues (anglais, français, espagnol) et font tout pareil avec la musique. D'ailleurs, le premier instrument du batteur fut une guitare, alors que le guitariste a découvert la musique grâce à un oncle prof de batterie. Ils ont des mélodies catchy, voire faciles, mais les structures de leurs chansons sont totalement free-style. "C'est le bazar", explique les membres du groupe à propos de leurs influences musicales. Sur une base basse/batterie millésime groove after-punk, leurs chansons partent dans tous les sens. Piano bastringue, guitares surf, voix très haut perchée (le chanteur Nathan Willett évoque parfois Jack White, voire Meg), phrasé rap à l'occasion' Une chanson des Cold War Kids, c'est au moins dix bonnes idées jetées dans une valise à la va-vite, avant la fuite. On ne sait jamais où les Cold War Kids vont nous emmener. Mais on sait d'où ils viennent. D'abord, de la grande banlieue de Los Angeles. Selon certaines informations, non confirmées par les intéressés qui ne semblent pas décidés à porter la lourde croix du "christian rock", les Cold War Kids se seraient rencontrés dans une université évangéliste. De plus, le guitariste Jonathan Russell serait fils d'un homme d'Eglise ? car oui, aux Etats-Unis, on peut être fils de curé, et c'est aussi ce qui fait la grandeur de ce pays. (Inrocks)
Les quatre gamins californiens de Cold War Kids sont trop jeunes pour avoir connu de la Guerre Froide autre chose que cette chanson de Sting qui disait "We share the same biology, regardless of ideology/What might save us, me and you/Is if the Russians love their children too". Foin d'idéologie, donc, sinon quelques métaphores bibliques çà et là, le groupe se concentre sur la biologie : l'humanité auscultée en petits épisodes du quotidien, en souvenirs d'enfance et histoires d'amour. La biographie du groupe cite J.D. Salinger comme influence littéraire, et le poignant We Used To Vacation en témoigne, monologue d'un homme alcoolique, écrasé par le quotidien, qui se rassure en estimant assumer malgré tout la stabilité de son foyer. Musicalement, Cold War Kids sort l'artillerie lourde, avec une sorte de blues rock psychédélique surpuissant et super cool, qui fait mouche à plusieurs reprises malgré une faiblesse d'écriture chronique. Le single Hang Me Up To Dry est une bombe, armée d'une basse vrombissante, d'un piano et de guitares ardentes. Une recette épaisse comme une sauce béchamel, appliquée avec quelques variations dans les dosages : Tell Me In The Morning rajoute des louches de guitare quand Hospital Beds insiste sur le piano. La très belle Robbers joue l'épure avec quelques arpèges de guitare posés sur une rythmique élaborée et une mélodie portée par un chant proche de Jeff Buckley, quand il fait ailleurs davantage penser à l'horripilant Jack White. En l'absence d'un quorum de chansons valables, Robbers & Cowards dévoile vite ses limites, album monolithe symptomatique d'un groupe qui tente de passer en force, faute de pouvoir soutenir ce qu'il avance. (Magic)
Voilà une chronique qui arrive largement après la bataille, ce qui n'est déjà pas très judicieux à propos de guerre froide. Qu'à cela ne tienne, "Robbers & Cowards" occupe actuellement ma platine (mes tympans aussi), et le premier titre "We Used Vacation", petit tube underground acclamé par beaucoup ces dernières semaines, est assez efficace pour m'encourager à attraper mon clavier. Surprise hype de ce début d'année 2007 (oui, ça remonte déjà à loin, mais faites un petit effort de mémoire) les Cold War Kids en ont séduit plus d'un avec leurs morceaux déséquilibrés, leur désinvolture apparente jusque dans leur interprétation et un son, il faut bien le reconnaître, assez caractéristique, ramassé, hargneux et sec. Le genre qui pourrait casser à chaque seconde, s'il n'était soutenu in extremis par une voix haut perchée et quelques instruments qui se décident de temps en temps à assurer leur quota, sans en avoir l'air. On est donc assez loin des formules qui fonctionnent à coup sûr ces derniers temps et c'est au moins un premier mérite qu'on peut attribuer à ce groupe, qui n'a finalement pas forcément calculé le succès rencontré. La question n'est d'ailleurs pas de savoir si ce disque mérite l'accueil qu'on lui a réservé, mais si un tel album vaut la peine qu'on en parle. Et la réponse est largement positive. Mettons de côté un instant les réflexes de snobisme primaire et considérons les choses objectivement : on tient là un chouette album marqué par une large dose d'enthousiasme, une vraie fraîcheur et un élan plus que sympathique. "Saint John" avec sa contrebasse qui s'étouffe elle-même en introduction est un peu la quintessence ce cet état d'esprit brinquebalant qui fait l'identité des Cold War Kids. Les notes de piano mal peignées, les coups de batterie subitement trop forts, les couplets qui se court-circuitent sans crier gare en sont d'autres leitmotiv. Les jaillissements sonores sont impulsifs jusqu'à être paresseux ("Pregnant", qui casse bien le faux rythme mal installé précédemment), l'inventivité est flagrante sans grands efforts, les ficelles sont parfois faciles (le fameux tube en première plage repose sur une entrée en matière entendue mille fois), l'interprétation est nonchalante à souhaits, mais il faut bien avouer que le tout, baigné dans cette douce insouciance lo-fi certainement plus travaillée qu'il n'y paraît (mais après tout pourquoi pas ?), comporte son lot de bons, et même de très bons moments. Il est d'ailleurs grand temps de terminer cet article pour profiter des derniers qui restent... (Popnews)
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le 27 févr. 2022

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