Rio Baril
7.6
Rio Baril

Album de Florent Marchet (2007)

Rien, en apparence, ne prédestinait en effet l'auteur de Gargilesse, beau mais raisonnable premier album de 2004, à emprunter si tôt la rocade insensée qui conduit aujourd'hui à Rio Baril. Dès le panoramique d'ouverture, ce Belvédère qui plante le décor instrumental et renvoie d'emblée à Ennio Morricone, on saisit l'ambition. Car, à la collection de chansons invisiblement liées de Gargilesse, qui devait surtout sa dimension romanesque au fantôme illustre du lieu (George Sand), succède désormais un disque-roman, une épopée chorale et exaltante en forme de western pop sur fond de vieille France ankylosée et revancharde. Ceux qui voyaient en Florent Marchet un lointain rejeton indie et acrimonieux de Souchon, parenté vocale oblige, seront subjugués de le retrouver en correspondant français du génial Sufjan Stevens. C'est par sa mise en scène fantas(ma)tique que Florent Marchet parvient à élever son récit et à lui donner ce corps souple et orgueilleux à la fois, avec l'aide précieuse d'une fanfare, d'un ensemble philharmonique venu de l'Est, d'une turbulente fratrie d'instruments exotiques. Alternant chant et voix parlées ? façon L'Homme à tête de chou ? mais contournant le plus souvent l'autoroute couplet/refrain, ce disque n'est pas configuré pour l'écoute moderne, itunée , qui sectionne les albums et leur ôte toute chance narrative. Rio Baril n'existe pas. La description assassine d'une province lambda de la douce France, ses clochers, ses maisons sages, son étouffement morbide et son ordinaire lâcheté, conduit évidemment Florent à marcher sur des œufs. Florent Marchet a intégré l'idée d'un roman musical' comme possible déviation face au piège du second album. On quitte Rio Baril avec cette étrange sensation blême et euphorique à la fois d'avoir pour la première fois assisté à la jonction d'un JT régional de France 3 et des audaces symphonico-folk universelles de Sufjan Stevens, David Pajo ou Colin Blunstone, références citées par Marchet avec Dogville de Lars von Trier. (Inrocks)


Rio Baril n'est pas un bidonville. Ce village fictif aux infrastructures fiables n'en est pas moins identique à des centaines d'autres répertoriés sur les cartes de l'Hexagone. Un univers inventé pour mieux retranscrire la plus stricte réalité ? Qui plus est au travers d'un personnage principal, natif du coin revenu troubler le calme résolu et hypocrite de ce village vert (de rage) ? C'est ambitieux pour un deuxième album aussi associé à un site Internet sous forme de gazette locale. À la manière d'un Ray Davies, Florent Marchet met à profit son sens de l'observation pour recomposer le passé mais également le présent : des bribes, des images simultanées sur la même p(l)age, des rappels comme si l'on pouvait suivre en même temps plusieurs récits. Puis ces derniers prennent forme, selon une dynamique où la rime est d'usage et chaque syllabe est prononcée. Elle relève moins du maniérisme de Mickey 3D et signifierait plutôt la volonté d'assumer un débit au souffle court, conscient de sa faillibilité. Florent Marchet sifflote son désarroi au lieu de le brailler et devance les divertissements MySpace à consonances provinciales façon Marly Gomont de Kamini. Les textes sont parfois plus attendus que d'autres (Les Cachets et son énumération aliénante signée de l'écrivain Arnaud Cathrine), mais ils s'imbriquent dans un ensemble qui ménage les faux plats et les petits drames pour cartographier le vagabondage d'une conscience qui s'interroge sans fin, comme la nôtre. Au goût du sarcasme, elle mêle celui du tragique, le sentiment de la peur et de la mort omniprésente et trouvera des résonances jusqu'auprès des fans de Mendelson et Daniel Darc, d'abord perplexes devant la bonne tête de Florent Marchet. Plus que la transformation du coup d'essai réussi avec Gargilesse, Rio Baril est un second et sans doute ultime "premier album".(Magic)
J'avais bien aimé "Gargilesse", le premier album de Florent Marchet. Un bon album de trentenaire qui ne se vautrait pas dans le delermisme ambiant, grâce à quelques ficelles maison qui faisaient la différence : des textes plutôt subtils, une pop qui empruntait suffisamment au modèle anglo-saxon pour ne pas être estampillée chanson française, et, globalement, un intimisme de bon aloi, et décomplexé. "Je m'en tire pas mal", chantait-il lui-même. Il avait raison.Attendu au tournant du second album, Florent a pris les devants, et propose un concept-album au titre exotique, "Rio Baril", une ville sortie de son imagination, qui finalement tient plus du village franchouillard que de la mégalopole sud-américaine, à en croire les paroles du titre en question. Le clip qui va avec confirme cette volonté de peindre une province reculée et son mode de vie rustique, sans que l'on sache très bien si le regard porté sur cette France-là est tendre ou cruel, si l'on est chez Pernaut, à Marly-Gomont ou à Groland. Deuxième versant du concept : raconter en quinze morceaux les étapes de la vie du narrateur, en une sorte de portrait de l'artiste en jeune (puis moins jeune) Barillois. Bref, un portrait en faux, où l'on retrouve les préoccupations existentialo-contemporaines du Berrichon expatrié, à peine transposées. Il nous parle donc de ses traitements capillaires ("J'ai 35 ans"), des médicaments ("Les Cachets"), et du vieillissement en général, entre dérision – dans la forme surtout, lisant par exemple les notices des fameux cachets – et confidence. Orchestré par les soins de Ryan Boesch, producteur de Eels, l'album est décidément bien parrainé : en plus du sus nommé, Dominique A, Katerine, l'écrivain Arnaud Cathrine, participent à la fête. C'est ce que l'on appelle un projet rondement mené. Ça commence d'ailleurs très bien, avec "Le Belvédère", chouette instrumental western. Malgré tous ces garde-fous, cette belle introduction, et cette production dense et variée, "Rio Baril" ne surprend pas vraiment : pourtant très conceptualisé, l'album semble répéter "Gargilesse" sans forcément en retrouver les éléments les plus enthousiasmants. Les paroles, surtout sur la première partie du film, euh...roman, non...album, malgré la mise à distance évoquée, ne font figure que de banales chroniques du quotidien, parfois moyennement pertinentes ("Elle est partie, notre jeunesse (...) Mes amis, changé d'adresse" sur "Notre Jeunesse"). Heureusement, le récit réserve plus de surprises vers la fin. Et l'on retrouve la voix de Florent avec moins de bonheur qu'espéré, cette voix trop familière, aux intonations, voire aux mélodies tout droit sorties de "Gargilesse" – malgré la multiplication des stratégies narratives -, une voix que l'on se surprend pourtant à plusieurs reprises à confondre avec celle de Souchon – drôle de syndrome, mais révélateur de l'usage de"recettes vocales" flagrantes ici. Bref, un album bien pensé, bien accompagné, très bien produit (cf le très classe "Pavillon" tout de même), mais, peut-être écartelé entre la grosse artillerie déployée et des ambitions plus triviales, moins brillant que son prédécesseur. Loin de moi l'idée d'un "Retourne dans ton Berry, Florent !" ; j'espère seulement ne pas voir le jeune Marchet nous chanter dans dix ans : "C'était mieux avant..."(Popnews)
Après un premier album très réussi, Florent Marchet creuse son sillon avec ce deuxième opus, "Rio Baril". Certains seraient tentés de sous-estimer ce disque avant même l'avoir écouté, lassés de la profusion de chanteurs appartenant à la fameuse nouvelle scène française. Ce serait faire l'impasse sur le talent incontestable de Florent Marchet, qui confirme ici son statut à part et évite l'écueil de la redite."Rio Baril" est construit comme un disque-roman, dont l'action se déroule dans une bourgade provinciale imaginaire, Rio Baril, derrière lequel se cache le vrai village Riault, proche de Gargilesse, dont est originaire Florent Marchet. Il raconte l'itinéraire d'un personnage fictif grandissant au fil du disque et confronté à différentes émotions et situations : l'enfance, l'ennui, le mal-être, les désillusions, les moments de bonheur, le vieillissement..Ce récit sous forme de chroniques du quotidien teinté d'humour cynique est superbement mis en musique. Le premier chapitre de Rio Baril, l'instrumental Le Belvédère, plante le décor d'un western, avec des sifflets à la Morricone, et évoluera vers un univers pop-folk nourri de nombreux instruments (ukulélé, banjo, piano-jouet...), de jolis arrangements de cuivres et cordes joués par une fanfare et l'orchestre philharmonique de Sofia. Cerise sur le gâteau avec les quelques guests vocaux : Katerine, Dominique A et Jasmine Vegas. 

"Rio Baril" est un disque très riche mais cohérent de bout en bout. Florent Marchet dresse avec brio un univers romanesque qui lui est propre, et les textes autant que les compositions séduisent par leur variété et leur complémentarité. Vocalement, Florent Marchet se situe entre un Alain Souchon jeune et Pierre Bondu ; musicalement, l'esprit du disque évoque un peu la démarche de Dionysos. 
"Rio Baril" se découvre véritablement d'écoute en écoute. Il recèle de belles trouvailles que seuls les auditeurs attentifs pourront apprécier, car celles-ci n'apparaissent pas forcément d'emblée. Belle évolution pour Florent Marchet qui nous livre ici un projet inventif et audacieux, et donc périlleux à tous points de vue, dont il se sort haut la main. (indiepoprock)

bisca
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le 27 févr. 2022

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