Refrains entêtants, trouvailles sonores ou mélodiques : sur un tempo dansant, Win Butler décline une large palette musicale. Emballant.
Il était tentant de chercher des poux à Arcade Fire. En cette année entamée sur le buzz orchestré de Daft Punk débouchant sur un succès planétaire programmé, la mise en orbite contrôlée de Reflektor avait de quoi donner envie de résister. Mais même la mauvaise foi a ses limites. On peut demeurer insensible à la perfection glacée de Lana Del Rey ou à l'émotion fabriquée de Daft Punk, on capitule vite devant le souffle torride de ce double album, mégalo, peut-être, mais aussi brillant qu'emballant. Produit en grande partie par James Murphy (LCD Soundsystem), Reflektor est une véritable bombe à danser, avec de vrais morceaux de refrains entêtants et de multiples trouvailles sonores ou mélodiques. La principale nouveauté se situant dans le groove diabolique sur lequel Win Butler a couché ses nouvelles chansons. Arcade Fire, fort d'une personnalité affirmée, flirte avec des références de choix (ligne de basse de Madonna, écho de Robert Smith, période Cure funky, résurgence New Order ou clins d'oeil à Lou Reed), pour mieux nous emporter dans sa palette musicale de grand orchestre gothico-glam artisanal au son monumental. Caméléon du rock (Bowie, présent, n'est pas fan pour rien), Win Butler exploite à merveille ses enchanteurs dialogues chantés avec Régine Chassagne (en français, pour elle, sur Reflektor ou Joan of Arc), joue sur la longueur et la langueur de la dance music pour ménager ses effets (tantôt un gimmick obsédant, tantôt un break qui tue). Après les figures d'Adam et Eve de Funeral, soignant le deuil de proches par l'amour, Reflektor célèbre, à l'instar d'Orphée et Eurydice, la passion au-delà de la mort. Comme si Butler et Chassagne, derrière leurs mises en scène ou en abyme, ne donnaient voix qu'à leur relation intime. Le deuxième CD, plus lent, plus progressif, fait l'effet d'un envoûtant sas de décompression où les angoisses oubliées sur la piste resurgissent pour tourmenter un corps épuisé mais apaisé. — Hugo Cassavetti