Post Pop Depression
7.1
Post Pop Depression

Album de Iggy Pop (2016)

Je vais pénétrer dans ton cœur par effraction
Jusqu’à ce que le mur s’effondre
Et que tu me laisses finalement entrer


….annonce Iggy dans un esprit bien Stooges, mais c’est un Iggy grave et buriné comme un vieux chef indien qui nous fixe, et chante d’une voix sépulcrale, flottant bien au-delà de nous, ses amis disparus, son rock englouti par l’Histoire, sa propre persona disparue et engloutie par l’Histoire… et, au-delà encore, l’au-delà… et, avant qu’il ne se change en Leonard Cohen, au-delà de l’au-delà, un baroud d’honneur sur un dernier gros FUCK où les injures éclatent comme un feu d’artifice. Et durant ce voyage introspectif, en ce qui me concerne, sa menace, il l’aura réalisée.


Un jeu de mots chargé de sens pour un album dont les textes ne plaisantent pas : le sujet de Post Pop Depression, c’est d’abord Iggy Pop lui-même dans le monde de l’après-Iggy Pop, mais aussi le questionnement morbide des rescapés vieillissants de cette culture dont il est issu jusqu’à en avoir fait son pseudonyme. Je m’étais d’ailleurs toujours demandé pourquoi ce rocker fondamental avait choisi de s’appeler « Pop ». Il aura fallu son 17ème album solo pour que je comprenne.


Paradoxalement, cet album incroyablement sincère et personnel est surtout l'oeuvre de Josh Homme, indéniablement. Il porte sa signature faite d’ambiances plombées, de rythmique sourde et de guitare finement ouvragée au beau son clair. Mais Iggy Pop est un alchimiste. Ses meilleurs albums sont issus d’une collaboration, qu’il rend si optimale et si étroite qu’elle en devient plus qu’une rencontre : une de ses propres facettes. Ici, alors que les textes sont bien lisibles, bien blancs sur fond noir, pour déchiffrer les crédits grisâtres on aura besoin d’une loupe très grossissante qu’il serait puéril d’aller chercher. Et cet album-là, précis, resserré, magnifiquement chanté (presque) sans singeries et d’une force mélodique constante, est le meilleur de ses meilleurs albums. Le dernier, dit-il. Les critiques, cyniques par déformation professionnelle, en doutent. Je m’en fous un peu. L’important, c’est qu’il a bel et bien fait cet album comme s’il devait être le dernier.


Il s’agit de vieillesse (American Valhalla), de souvenirs (German days), de ras-le-bol (Paraguay) et de mort. En arrière-plan (Vulture), en métaphore (Sunday), en paroles, en musique, la mort rôde et tient la vedette. Mais pas la dépression. Le seul morceau qui en traite (Chocolate drops) s’adresse aux siens : Quand tu touches le fond, c’est que tu es près du sommet / Là où la merde se change en gouttes de chocolat. Et pour les autres, tous ceux qui l’emmerdent et qu’il emmerde, Iggy conclut :


Espèce de putain de tas de merde hypocrite bidon
Va chier ton putain d’ordinateur avec tout ce qu’il contient
J’en ai marre tu vois
Et c’est ta faute
Et je vais aller me guérir maintenant
Yeah


Cheer up Brian. Le crépuscule d’un dieu, ça ne manque ni de panache ni d’éclat.

OrangeApple
10
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le 8 janv. 2017

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OrangeApple

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