Pleine Lune
7.9
Pleine Lune

Album de Scylla et Sofiane Pamart (2018)

La solitude est belle, surtout lorsqu’elle est choisie

{Petit éloge à un ami, qui détesterait ça, Pablo l’incompris, grâce à qui je découvre ce rappeur, Scylla (il ne le saura jamais, ce serait une intrusion à sa pudeur).}

 Scylla est un rappeur belge de 39 ans, son nom d’artiste fait référence au monstre marin homonyme. Dans la mythologie grecque, Scylla est une nymphe qui fût changée en monstre marin. Le rappeur explique que ce choix est lié à sa fascination pour le monde marin, qu’il exprime notamment par les pochettes de ses albums (Abysse, 2013, notamment).

Le physique de l’artiste est aux antipodes de sa musique, d’un délicatesse et d’une fragilité déconcertante.

Pleine Lune est un album de 2018, que je ne découvre que maintenant, mais je suis heureuse de ne pas être passée à côté. J’aime qu’il soit d’un minimalisme certain, il y a la voix de Scylla et le piano de Sofiane Pamart, voilà tout. Ce qui me gêne dans beaucoup d’albums de rap c’est l’accompagnement en lui-même, j’aime comprendre les paroles et savoir où l’on souhaite me mener, c’est ce qui pour moi est important, là je suis emportée par la poésie de ses vers, et les deux oiseaux sont pour moi comme deux esprits sur la lune qui se complètent et fusionnent, sans perdre leur individualité.

 Empreints de mélancolie, les textes ne sont jamais poussés dans la pathos, c’est juste, simple et beau.

Le rappeur développe son besoin de partir loin de notre civilisation aux prises avec une société déshumanisée, il fait notamment l’éloge de la solitude, qui lorsqu’elle est choisie, est nécessaire et puissante pour tout un chacun. 

Voyez plutôt :

 [Sur le champ je pars lui accorder une autre danse

Et je sais que je ne serai jamais son unique cavalier

Oui je l'accepte, je la laisse m'emporter

Je sais à quel point notre amour est fragile

Au départ je subissais, je ne pouvais pas la supporter

Mais on s'aime passionnément depuis ce fameux jour où je l'ai choisie].

Le poème « Petit prince », pour son fils est sublime, c’est si beau de si bien s’exprimer.  

[J'ai besoin qu'il m'enseigne à dire je t'aime, sans le moindre le mot.

Mais tout de même sans la moindre faute.

À voir les choses comme elles sont,

Plus jamais via le filtre de la crainte de l'autre.

Je veux qu'il enseigne à mes yeux à pouvoir s'ouvrir.

Comme si c'était la première fois qu'il n'y avait pas de souvenir.

Un être sans soucis ni histoire]. 

Cet album m’attrape car il mélange le rêve et l’enfance notamment, en faisant leurs éloges , ce qui peut être lui permet d’éviter le fatalisme de devenir adulte.

 Par son écriture subtile et enlevée, il va chercher dans les profondeurs de notre être pour en faire remonter une boule qui restera coincée dans la gorge le long de l’écoute du projet.

 Selon Scylla, il fait du rap, pas du slam (et ne fait certainement pas dans le slalom) : « Avec Sofiane, ça n’est pas du slam. Je n’aime pas cette appellation. Dans le rap, la connotation de ce mot, c’est genre "ceux qui ne savent pas rapper ou qui techniquement ne sont pas au point font du slam". Pourtant il y a des bonnes choses dans le slam mais je n’aime pas trop le terme. Dans notre piano-voix, il y a de la chanson -moi je suis fan de Brel par exemple – et je ne sais même pas si on peut qualifier ça. Avec Sofiane, on dit souvent "entre rap et chanson française". 

J’aime bien qu’il ne prône pas l’egotrip mais ne se considère par comme un « rappeur conscient », en fait il est peut être juste humble ?« Je n’aime pas les cases. Déjà à l’époque, le terme "rap conscient", ça me dérangeait. Je comprends la bonne intention mais c’est un peu prétentieux. Conscient de quoi ? Qu’est-ce que j’ai à transmettre comme conscience à quelqu’un ? Je suis en quête et si quelqu’un s’y retrouve, tant mieux ». 

Nous sommes donc libres.

Et sa voix ne fait que rajouter à mon appréciation, grave, enveloppante et rassurante. En écoutant l’album, j’ai pensé à Kery James et bien sûr « Lettre à la République » que j’écoutais en boucle il y a quelques années, et en me renseignant, Scylla a effectivement participé au remix de Dernier MC de Kery James. Bref, j’aimais beaucoup la voix de ce dernier et certains de ses textes, moins la musique, auprès de Scylla je m’y retrouve encore plus. 

Je finis juste avec une petite phrase :

« Pire que la mort, pire que la mort, c’est d’être insensible ».

-Ys
8
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le 17 août 2022

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-Ysé-

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