On a un peu tendance à l’oublier aujourd’hui, mais l’aventure psychédélique demeure l’une des dernières pistes d’exploration dangereuse et fructueuse à la fois dans le domaine bien balisé des musiques populaires. Longtemps attendu, ce troisième album de Kid Loco vient redonner toutes ses lettres de noblesse à un genre trop souvent réduit ces derniers temps au rang d’accessoire de mode ou de fond sonore décoratif par de jeunes groupes qui voudraient nous faire partager leur vision souriante et naïve des paradis artificiels, mais qui ne parviennent pas à nous convaincre qu’ils ont jamais trempé d’acide dans leur Nesquik ou qu’ils ont aperçu une seringue à une autre occasion que lors leur dernier rappel antitétanique. À la fois magnifique et glaçant, foisonnant et mystérieux, Party Animals & Disco Biscuits restitue de manière autrement convaincante toute la complexité et l’ambivalence de ces voyages hallucinés, entre rêverie apaisée et malaise cauchemardesque. C’est que l’expérience empirique des états altérés de la conscience et des perceptions sensorielles ne suffit pas bien évidemment à faire les grands disques. Encore faut-il savoir la traduire sur le plan esthétique et la transmettre avec efficacité. Avec un savoir-faire admirable, Jean-Yves Prieur jongle avec les ambiances et les sons, du motif répétitif très krautrock de Motorcycle Angels aux touches hip hop qui ponctuent le crescendo final de Pretty Boy Floyd, du funk cuivré et brûlant façon 70’s (Love Is All Around) jusqu’aux climats morriconiens plus vrais que nature (Theme From The Graffiti Artist, composé en 2004 pour le film du même nom). Mieux encore que la plupart de ses concurrents – mais en reste-t-il vraiment de sérieux ? –, le Kid de Belleville se joue des références avec une science innée du décalage et organise ainsi, sur 10:15, la collision surprenante entre un fragment de l’un des plus célèbres textes de Robert Smith et un petit bout de gospel (Swing Low Sweet Chariot). Adepte surdoué du mélange des genres, Kid Loco parvient, l’air de rien, à réinventer une fois de plus son propre style original. (Magic)


Voici le grand retour de Kid Loco, après une longue éclipse en termes de production discographique (la bande originale du film "The Graffiti Artist" remonte à 2004). Après quelques collaborations, il revient avec un disque au titre pour le moins étrange, mais qui s'avère au final intéressant. Si je ne connaissais que très peu l'œuvre du Français avant de poser une oreille sur ce disque, je m'attendais à une tonalité plus électronique. En effet, on a affaire à un disque d'électro-pop, qui s'aventure parfois dans le trip-hop ou rappelle DJ Shadow, quand le disque ne vire pas carrément soul.Kid Loco s'est certainement fait plaisir en faisant ce disque. Ouvert de façon cérémonieuse par "Oh Lord !" avec son chant désincarné et ses chœurs évanescents, l'ambiance change avec "Motorcycle Angels", plus enlevé mais assez dispensable, avant que "Pretty Boy Floyd" remette l'auditeur dans de meilleures dispositions. Nappes de claviers, rythmique vaporeuse, le titre fonctionne bien avant d'être alourdi par le chant, un peu trop appuyé là où la mélodie aurait sûrement suffi. "10:15" démontre que Kid Loco a des idées et qu'il ose s'en servir, et il a raison car c'est une réussite : à un début soul vient se greffer un petit soupçon d'électro avant que le morceau ne se termine dans une sorte de gospel de chambre. L'artiste refuse manifestement de choisir, et ne le fait d'ailleurs jamais, restant fidèle à ses envies mais sans jamais se limiter à une seule couleur musicale. "Theme From the Graffiti Artist" est le morceau le plus électronique et franchement DJ Shadow dans l'approche, quand "Love Is All Around" joue la carte d'un rock mâtiné de soul, qui n'est pas sans rappeler Wraygunn. Jamais totalement en roue libre mais essayant donc toujours de varier les ambiances, Kid Loco prend le risque de se "tromper" parfois ("Hijack Blues #9"), même s'il y a très souvent de bonnes idées (des cuivres, des changements de rythme...). Cette prise de risque ne peut lui être reprochée, bien au contraire : c'est dans cette alternance de climats et d'ambiances que "Party Animals & Disco Biscuits" se définit, et se révèle au final très plaisant.(Popnews)
bisca
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le 3 avr. 2022

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