Après le départ de Walter Gervers, le bassiste original du groupe, "Everything not saved will be Lost" (ou tout au moins sa première partie, puisqu’on attend un second volet cette année…) représente indiscutablement un nouveau départ pour Foals : presque une nouvelle musique en fait, à la fois plus facile d’accès (oserait-t-on dire plus commerciale ?), et pourtant osant régulièrement des expérimentations audacieuses. Disparus les rocks dantesques, les riffs colossaux et même parfois terrifiants des deux albums précédents, bonjour à des percussions joueuses, des rythmiques expansives, comme si la musique de Foals était désormais une invitation hédoniste à venir oublier la noirceur du monde en faisant la fête : en 2019, Foals voudrait-il devenir le Happy Mondays de sa génération ? N’allons pas jusque-là, car l’exotisme rêveur et les mélodies accrocheuses, sans même parler de la voix poignante de Yannis Philippakis, sont toujours là… Et aussi parce que toute cette allégresse très « physique » qui se dégage de l’album ne fait qu’habiller des thèmes plus sombres que jamais : les nouvelles obsessions de Yannis semblent en effet l’emmener vers une contemplation catastrophée des déviances technologiques de notre civilisation, un thème percutant et pertinent, que l’on imagine pourtant difficilement supporter de telles incitations à la danse ou à la rêverie…


Dans cet album parfaitement enivrant, qui s’étiole un peu dans sa seconde moitié, néanmoins sauvée par un "Sunday" qui réussit à être à la fois funky et touchant, il n’y a guère que "White Onions" qui semble perpétuer la tradition des brûlots qui explosaient merveilleusement en live, mais en intégrant une sorte de dynamique « disco » témoignant de son adaptation à des standards musicaux plus contemporains que son attachement traditionnel à la guitare punk rock. Le sommet est ici incontestablement le magnifique "In Degrees", que l’on attend avec impatience de voir joué sur scène, là où Foals a toujours su porter à l’incandescence absolue sa musique. Regrettons néanmoins la seule erreur de "Everything not saved will be Lost", le pénible "Café d’Athens" qui voit le groupe s’égarer dans le même brouillard expérimental qui a rendu la musique de Radiohead aussi dispensable depuis des années. Le modèle de Yannis Philippakis devrait à notre avis rester Robert Smith et son Cure, avec cette capacité exceptionnelle à combiner évidence pop à la frontière de la musique la plus commerciale, et réflexion profonde sur des thèmes personnels, et même souvent austères.


Espérons désormais la seconde partie de cette nouvelle œuvre rien moins qu’ambitieuse : sa sortie est prévue pour l’automne, et on l’annonce différente, mais elle devrait normalement confirmer que Foals est l’un des rares groupes contemporains dépositaires de la puissance et de la magie des géants du Rock des années 60 et 70.


[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/03/29/foals-everything-not-saved-will-be-lost-part-i-entrez-dans-la-danse/

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le 12 avr. 2019

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Eric BBYoda

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