Evidemment que le rock n’est pas mort. Certains pourront dire qu’il survit, mais même si le genre n’a plus sa popularité d’antan et que la majorité du public est désormais tourné vers le rap, chaque nouvelle année révèle son nouveau lot de bonnes surprises. En particulier du côté du post-punk, des groupes tels que IDLES, Fontaines D.C. ou shame connaissent une grande popularité chez les amateurs et confirment que, même sans créer un son totalement nouveau, l’effervescence créative est toujours présente dans les pays d’outre-Manche. Également, en Australie par exemple, d’autres groupes majeurs comme Tame Impala, King Gizzard & The Lizard Wizard ou Pond se réapproprient le psychédélisme depuis 2010. Enfin, certains OVNIs apparaissent de temps en temps dans l’univers rock, des albums diablement passionnants et novateurs comme le récent PAIN OLYMPICS de Crack Cloud, totalement indéfinissable, ou encore le son punk-krautrock expérimental de Squid dont le premier album à paraitre en Mai 2021 est une de mes plus grosses attentes.
Mais force est de constater que ce qui fait la grande variété du rock aujourd’hui est la capacité des groupes à se réapproprier les genres et de les faire évoluer pour créer une identité propre. C’est le cas de Goat Girl, groupe exclusivement féminin de Londres, qui livre, en ce début d’année déprimant, un second album coloré et enchanteur.
Un kaléidoscope d’idées
On All Fours est véritablement un bon album. Bien qu’il ne soit pas novateur, la qualité des compositions et surtout des mélodies, la richesse des arrangements et l’agréable homogénéité du tout en fait une œuvre très réussie. En effet, ce qui frappe avant tout, c’est la magnifique voix de la chanteuse, grave et profonde, qui donne aux mélodies une singularité non négligeable. Puis, les instruments nous emmènent dans une atmosphère psychédélique calme et subtile. Pas d’effets de guitare intempestifs ou de réverbe, mais plutôt une prédominance des voix, guitare discrète, et grande présence des synthés.
Mais là où se situe l’intérêt principal de l’album, c’est l’habilité des compositrices à ajouter de nombreuses petites idées, et d’influences, à chacun des morceaux, et en particulier dans les outros. Ainsi, l’outro stoner, lourde et puissante, à la fin de Badibaba ; un morceau presque totalement instrumental (Jazz (In the Supermarket)) ; l’intro de P.T.S. Tea qui rappelle The English Riviera de Metronomy, et sa superbe conclusion en entremêlement de voix ; le single électronique Sad Cowboy qui pioche dans la house pour une seconde partie surprenante ; les cordes frottées pour accompagner le magnifique refrain de The Crack ; le riff efficace de Bang ; l’ambiance étrange de Where Do We Go From Here ? ; le final A-Men, psychédélique et tout en douceur… Même si l’album faiblit un peu dans sa seconde moitié, le résultat est accrocheur car chaque morceau apporte son lot d’idées.
Enfin, les paroles sont également très bonnes, contestataires et en phase avec les maux de notre époque. On pense notamment à la critique écologique dans le single Badibaba :
[Verse 1]
Tainted from our imperfections
Littered seas, feels like we’re an infection
[Pre-Chorus]
Carry on
Like we’re protected
As if
We’re unaffected
[Chorus]
(Ba-di-ba-di-ba-ba, ba-di-ba-di-ba-ba) Tearing up and burning down
(Ba-di-ba-di-ba-ba, ba-di-ba-di-ba-ba) Leave all sadness underground
(Ba-di-ba-di-ba-ba, ba-di-ba-di-ba-ba) Shove it somewhere we won’t see
(Ba-di-ba-di-ba-ba, ba-di-ba-di-ba-ba) Turn our mess into debris
[Verse 2]
Burn it
Use it up
Hang it
From the setting sun
Car Goat Girl ne tombe jamais dans la facilité, On All Fours constitue au final une excellente surprise, de par ses mélodies, ses arrangements, et sa capacité à surprendre malgré une recette qui n’est pourtant pas nouvelle. C’est donc une œuvre d’excellente facture à l'ambiance planante qui figurera sûrement dans le top du rock de cette année.