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Odysseus
7.1
Odysseus

Album de Luc Arbogast (2013)

Je t'écris cette critique, que tu liras peut être si tu as le temps.

Avant de m'étendre sur ta musique, car c'est bien le but de cette critique et de ce site, laisses-moi te parler de toi. Et de moi. De nous en sommes. La musique a ceci de magique qu'elle est un partage. L'artiste propose une vision, une idée, un sentiment et les développe avant de le soumettre à l'avis (des fois extrêmement critique) de ses auditeurs. Comme dirait mon professeur de droit c'est un contrat synallagmatique. Tu crées la musique, ta musique, avant de me (nous) la proposer. Finalement je pense qu'une fois éditée, la musque échappe à son créateur pour devenir l'objet personnel des auditeurs. Dans le cas qui nous intéresse ta part du contrat est parfaitement remplie : tu as édité ton album (le 5e et non le 1er comme voudrait nous faire croire TF1). A mon tour donc de donner mon avis.

Or c'est à ce niveau là que le bas blesse. Mon cher Luc j'ai été fort surpris de te voir sur TF1 l'autre jour. « The Voice » ou l'émission soit-disant utile pour dénicher de nouveaux talents. Quelle drôle d'idée pour toi ! Car la reconnaissance tu la possédais déjà. Oh bien sûr les masses ignorantes respectaient à la lettre leur statut de con-sommateurs de musique. Ils n'avaient jamais entendu parler de toi et se contentaient d'acheter des albums des Marins ou des Curés tout en s'extasiant devant la pseudo qualité musicale d'Era (ces couillons n'ont jamais écouté Dead Can Dance, groupe qui renvoie sans problème Era à la fosse obscure et malodorante qu'elle n'aurait jamais dû quitter) Mais pour le public des connaisseurs et des amateurs de musiques médiévale dont je fais parti tu avais toute notre estime et notre admiration.

Je t'ai connu il y a plus de 4 ans. Je me souviens c'était à Bordeaux. Il tombait des cordes et le vent était mordant. Pourtant tu étais là sur ton petit siège, à pincer délicatement les cordes de ton bouzouki. Ta voix réchauffait les cœurs si bien que, malgré les intempéries, les passants s'arrêtaient par centaine pour écouter cet homme à la carrure si imposante mais à la voix si cristalline. Je me souviens t'avoir demandé combien coûtait ton cd. 20€ c'était cher. Mais c'était un disque auto-produit, un objet que je respecte énormément. Un petit bout de plastique que tu avais magnifié à la sueur de ton front, avec patience, talent et sans compromis. Malgré ce prix je n'ai pas hésité longtemps. Parce que je savais que mon argent serait bien investi, qu'il irait directement dans ta poche et non pas dans celle de ces majors honnies. Je repartais alors avec « Hortus Dei », une petite pépite musicale, un bijou précieux. Une heure de douceur, de musique aérienne et planante. J'ai même pleuré sur cet album. Si si je te jure. Ta musique me touchait directement l'âme sans passer par la case raison. J'étais fier de partager ta musique avec des amis, des inconnus ou de jeunes femmes qui partageait ma couche (savais-tu que ton disque est parfait pour faire l'amour ?) Nous n'étions pas forcément nombreux à t'apprécier mais chaque fan gagné te devenait fidèle et partageait la bonne parole, ta parole. Je n'ai pas hésité a acquérir tes autres opus. « Domus », plus brut de décoffrage mais tout aussi touchant et « Aux portes de Sananda », moins intimiste, plus chargé d'instruments que tes trois autres albums mais toujours aussi jouissif.

Nous étions fier de te connaître, de partager et d'écouter ta musique. Tu étais notre artiste, notre diamant que nous chérissions par-dessus tout. Nous savions que ceux qui t'écoutaient t'appréciaient à ta juste valeur. Tu n'étais pas une mode passagère, ce fameux « artiste de l'année » qui partage le haut de l'affiche avec une cinquantaine de pecnots qui disparaîtront aussi vite qu'ils sont apparus, mais une personne intègre, louable et sans compromis. Il suffisait de parler de toi à des amateurs de l'époque médiévale pour voir apparaître mille et une étoiles dans leurs yeux. « Tu connais Luc Arbogast ? » « Mais bien sûr que oui ! Ah quel chanteur ! Quel univers ! »

Et puis « The Voice » est arrivée. Je t'avoue j'ai eu un vilain frisson qui m'a parcouru l'échine à ce moment là. Te voir face à ces trois ou quatre imposteurs que les imbéciles osent appeler « artistes » (« chanteur » est déjà une insulte en soit), de tous ces débiles (euh pardon ces « spectateurs amateurs de musiques de qualité ») c'en était trop pour moi. Tu ne valais pas ça. Tu étais fait pour mieux. Bien mieux. Oh bien sûr tu as sûrement de bonnes raisons qui t'ont poussé à te jeter dans la gueule du lion. La reconnaissance d'un groupe restreint de fans n'aide pas forcément à vivre et je le déplore. Peut être étais-tu lassé de parcourir les routes de France pour gagner une misère. Tu as une famille a faire vivre et cela a peut être joué. Mais malgré tout cela je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir mal en te voyant à l'écran.

Je hais cette faculté qu'a la société de consommation de s'approprier tout ce qui est Bon et Beau pour se faire le héraut de la découverte de nouveaux talents. TF1 à la pointe du progrès et de la découverte ? C'te blague... Pourtant, avec quelques fans, nous avons essayé d'y croire quelques instants. Nous nous sommes dit que tu devais avoir la tête sur les épaules. Que tu ne t'étais sûrement pas lancé dans cette aventure sans avoir mûrement réfléchi aux tenants et aux aboutissants d'un tel acte, que tu aurais ton mot à dire sur ta musique, sur le contenu de tes albums. Hélas tout ce que je redoutais s'est réalisé. En quelques jours la machine médiatique s'est emballé. Le journal de 13h de TF1 était aux anges, claironnant que grâce à eux, un nouveau talent était né. Luc ils te chiaient dessus. Clairement. Derrières leurs beaux sourires on sentait qu'ils avaient découvert la poule aux œufs d'or. Les Curés (ou les prêtres je ne sais plus comment s'appellent ces trois gogoles qui font vibrer la ménagère) avaient fait leur temps (moins d'un an donc), les Marins se cassaient la gueule. Mais tu arrivais à point nommé pour relever les ventes. Enfin un artiste bien de chez nous ! En France on a pas de pétrole mais ah ma bonne dame on a des chanteurs populaires ! Des mecs qui glorifient notre glorieuse histoire et nos illustres ancêtres ! Cocorico le pays est sauvé ! Après un reportage aux petits oignons (dont plusieurs plans sur de magnifiques clochés, fierté nationale que tous les pays du monde nous envient) un album était annoncé avec tambours et trompettes.

J'ai encore voulu y croire. Je me suis dis que j'achèterai très certainement ton album Luc. Parce que tu es un artiste que j'aime, que je respecte. Je me suis dis que malgré cette soudaine célébrité tu nous sortirai un album de qualité, que les beaufs pourraient découvrir de nouveaux horizons musicaux et éventuellement se mettre à écouter des artistes de qualité. Oui je sais c'est sûrement faire un peu trop confiance à la nature humaine mais que veux-tu, derrière mes airs de grand blasé j'ai encore quelques menus espoirs pour notre jeune humanité... Je me suis alors rendu dans un de ces supermarchés de la culture, parce que le disquaire local ne proposait (malheureusement) pas ton album. L'appréhension et le malaise que je ressentais dans l'estomac se sont vite confirmés. Horreur tu étais partout. En tête de gondole, sur tous les présentoirs. Juste à côté du dernier BB Brune, de la Fouine ou je ne sais plus quelle merde sans nom (et sans âme) J'ai eu honte de prendre ton cd Luc. Oui je l'avoue, honte. Et j'ai honte d'avoir honte. Pourquoi cet état d'esprit ? Je ne sais pas. Peut être que le fait de me retrouver à côté de Robert, chaussettes – tongs aux pieds, et de Kevina, tenant fièrement en main un bouquin de Guillaume Musso, en train de regarder ton cd m'a fait me sentir comme eux. Et ceci m'est clairement insupportable. Ou alors peut être est-ce le logo d'Universal apposé au dos du disque qui m'a refroidit. Vas savoir. Je te l'avoue Luc j'ai même caché ton cd jusqu'à ce que j'arrive à la caisse. Je n'avais pas envie qu'on me saute dessus, la bave aux lèvres en me demandant « O vou oci vou lavé découvert dan ze voïsse ? J'ador tro ce meeeec lol ». J'aurai très certainement écourté la vie du malandrin en question par quelques coups de talons bien placés. Heureusement l'album était bien planqué et personne n'est venu m'importuner.

Mais alors que vaut cet Odysseus ? Parce que je sens bien que je vais me prendre un bon paquet de notes négatives si je ne parle pas de ton album. Eh bien Luc... c'est pas top top. Crois moi j'ai essayé de faire abstraction de tous mes états d'âme, de me caler tranquillement dans mon fauteuil pour écouter ta musique le plus détendu possible et de siroter un bon whisky pour faire passer la pilule en cas de grosse déception. Mais malgré cela je n'ai pas trouvé ton album bon.

Qu'on se le dise Luc tu chantes toujours aussi bien. Vraiment. Ta voix est toujours aussi juste et pure. Mais l'album ne passe pas. Ils y a bien quelques chansons qui ont fait naître en moi certaines émotions ( « Cant de Gévaudan » , «  Terra Incognita ») mais elles sont bien trop rares. L'album est bien trop chargé en instruments pour être touchant. On sent l'envie d'en foutre plein les oreilles aux auditeurs pour cacher un peu la misère de l'album. Tu n'es jamais aussi bon que quand tu es intimiste Luc. Quand je te présentais à des amis je te décrivais comme un troubadour moderne. Or un troubadour ne se balade pas partout avec un orchestre symphonique. Cette avalanche d'instruments, de cordes, de harpes ou que sais-je encore est un brin too much à mon goût. Ce que j'attends de toi Luc c'est que tu nous fasses voyager, vibrer, rêver. Tu es le genre de mec que l'on écoute religieusement au coin du feu pas que l'on applaudit au stade de France (ou à l'Olympia puisque c'est là-bas que tu vas te produire). Ce que j'attends de toi c'est que tu me racontes des histoires, des récits épiques des temps anciens où les chevaliers étaient purs et sauvaient des princesses. Pas que tu me vendes une croisière sur papier glacé. Or c'est cette dernière impression qui ressort à l'écoute de cet album.

Tu essayes bien de nous raconter une histoire (« Le roy a fait battre tambour ») mais elle sonne creux. Il n'y a pas d'émotion, pas de poils qui se hérissent, pas de frissons en bas du dos. Ton album se veut une invitation au voyage mais pour moi il s'agit tout au plus d'un cache pour masquer la misère du quotidien entre un boulot chiant et un environnement social pourrave. Un peu comme ceux qui lisent « 50 nuances... » pour se donner quelques sensations fortes en fantasmant sur la vie sexuelle débridée et délurée qu'ils n'ont pas.

Et, histoire de nous achever, tu termines ton album par deux morceaux proprement insupportables. « Mad World » tout d'abord, reprise de Tears for Fear. Sérieusement Luc, pourquoi ? Je n'achète pas un de tes albums pour écouter des reprises des années 80. Je veux des chevaliers, des bardes, de l'amour romantique et des aventures épiques. Qu'est-ce qui t'a prit de faire un tel morceau ? Universal t'a demandé de faire une petite reprise des eighties pour flatter la nostalgie des vieux beaufs accrocs à TF1 ? Et puis « Mad World » ça sonne bien comme titre, ça fait genre « Le monde est devenu fou, avant c'était mieux ! ». C'est ce que tu as voulu faire Luc ? Pitié rassures-moi. Dis moi que cette chanson t'a été imposée...

« Le grand coureur » vient conclure l'album. Tu nous parles de marins, de voiliers de corsaires et de... mais c'est quoi ce bordel Luc ? C'est quoi cette chorale derrière ? Fichtre ils t'ont collé « Les marins » ? C'est sur cette chanson que je te reconnais le moins. Tout ce qui faisait le sel de ton univers, ta signature en quelque sorte, part instantanément en fumée. Tout sonne encore une fois faux. Je n'ai plus l'impression d'être à l'écoute d'un barde mais d'un vulgaire chanteur folk de base, sans âme ni aspérités. La chorale est inutile a part pour nous forcer à penser que nous sommes sr un bateau, prêt à vivre mille et une aventure. Or c'est plus l'odeur de varech, des merdes de mouettes sur la gueule et le mal de mer qui prédominent ici. Sans moi.

Luc, comme je le disais plus haut, tu as sûrement de bonnes raisons pour avoir intégré le Système. Je ne te jette pas la pierre pour ça. Mais cet album n'est pas bon désolé. Je te met 5 mais c'est avant tout pour ta voix, pour tout ce qu'on a vécu tous les deux plutôt que par réelle compassion. J'espère sincèrement et de tout cœur que tu ne te feras pas presser comme un citron par le système, que tu garderas ton âme et ton intégrité et que, dans quelques années, on parlera encore de toi avec de la fierté dans la voix. Car pour le moment désolé je ne peux pas.

Prends soin de toi Luc. Et n'oublies pas que l'Art c'est ne faire aucun compromis.

Ton fidèle fan.

Haldir
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le 31 août 2013

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