Obsolète
7.6
Obsolète

Album de Dashiell Hedayat (1971)

« Warning : this record must be played as loud as possible, must be heard as stoned as impossible and thank-you everybody » peut on lire au dos de l’album. Merci du conseil.


Dashiell Hedayat est un écrivain français aux multiples pseudonymes. Amateur de musique, il écrit notamment des critiques de disques parfois publiées par Rock&Folk. Pour son deuxième et dernier album, Obsolète, il fait appel aux musiciens de Gong (groupe fondé par l'ex-Soft Machine Deavid Allen) qui enregistre en France leur second album, Camembert Electrique.


Il m’aura fallu du temps… Trois temps pour être exact.


Je suis encore jeune quand je découvre Dashiell Hedayat pour la première fois à une fête de famille. La soirée rockait déjà pas mal quand mon frangin décida de délaisser les classiques pour choisir Obsolète, dans la collection de notre géniteur. La pochette était rose, rose comme une Chrysler rose… Quelques notes de guitare et une pédale wha-wha plus tard, mon père imitait déjà Iggy Pop dans le salon. Je pensais à l’époque que le rock sur la langue française, c’était comme un cheveu sur la langue buccal, après avoir bu la soupe, et inversement. Autrement dit, j’étais opaque, à l’époque, au rock du coq Gaulois, qui pour moi était en toc. Ici, le texte poétique, vulgaire et fou de Hedayat collait parfaitement avec la musique déjantée du Gong. On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Et moi, je déconnais avec mes potes sur tous les doubles sens souvent salaces que l’on entend dans « Chrysler » :


_ Au moment de monter, Sally me dit « Ta Chrysler est défoncée ! »


_ « Oui, mais… on est tous défoncés ! »


Je me replonge dans ce disque un an après et tombe amoureux de la ballade « Long Song For Zelda ». Si Hedayat affirme avoir composé seul ses chansons, Gong ici fait également un travail prodigieux, avec un jam hypnotique parfaitement réalisé qui inspire une profonde mélancolie. Je découvrais la vie étudiante, je débordais de vie aussi, redoutais le vide. Cette chanson remplissait le vide de mon 17m² lorsque je ne pouvais motiver mes amis alors pour la plupart en première année de médecine.


« Long Song For Zelda », c’est la dérive psychédélique d’un homme nostalgique d’une femme. Cela commence par quelques vers dessinant une atmosphère embrumée par son parfum. Tout ce qui reste d’elle ce sont ses pieds, qu’il dit voir dans la glace de l’armoire. Mais elle est déjà partie. L’acide fait effet et ce dernier souvenir n’est que le reflet de son imagination. « Tout est si vague, le fil de mes pensées s’est perdu. Je ne sais même plus si je pense ». On commence à comprendre l’égarement d’Hedayat qui noie son souvenir dans les vapeurs lysergiques. S’en suit alors une magnifique prose halluciné, qui suffirait à prouver son talent pour l’écriture et sa passion pour les buvards. Son trip le conduit progressivement de l’extase au délire, aboyant comme un chien dans la nuit. « C’est pour votre chien que mon cœur bat ». Mais nous revenons finalement au premier couplet, dernier témoin de la présence féminine dans sa vie.


La drogue n’a pas vaincu le souvenir.


La face B du disque présente « Cielo Drive/17 », une piste longue de plus de vingt minutes, un morceau sombre aux allures de cauchemar. Un riff de basse répétitif et un saxophone fou (un univers musical pas sans rappeler le Fun House des Stooges) servent de décor au bad trip d’un Dashiell Hedayat au sommet de sa paranoïa. A l’époque de « Long Song For Zelda », je ne pouvais écouter l’ensemble de ce morceau qui me paraissait d’une noirceur insupportable. J’avais grandi à la pop fleurie, sans effet indésirable. Je n’étais pas prêt. Trop jeune, trop candide, trop pur. Mais entre temps, je me suis déniaisé, j’ai affronté mes peurs, accepté de regarder la vie dans toutes ses teintes, y compris les plus sombres. Et « Cielo Drive/17 » me fit voyager loin dans ma propre paranoïa. Plus loin que Camembert Electrique, que Third et que Fun House. Mais à ma grande surprise, à la fin de l’orage il y a un ciel doré. La chanson se termine par une mélodie d’une douceur extrême, s’effaçant peu à peu. Néanmoins, le chant fragile de Dashiell Hedayat qui l’accompagne laisse penser que la tempête aura laissé une blessure incurable sur sa santé mental déjà en sursis.


Obsolète est un disque unique. Il montre l’influence qu’à eu le rock britannique (notamment Soft Machine) et américain en France au début des 70s. Il est témoin d’une époque folle, où les drogues et la musiques étaient étroitement liées. En seulement 4 chansons, cet album découle à la fois du rock pop, du rock psychédélique et du rock progressif. Cet album est ainsi le meilleur témoin de mon évolution musicale, ayant dû m’y prendre en trois temps pour achever cette belle danse sans valser.

Créée

le 25 mai 2018

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Mr Fantasy

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