My Arms, Your Hearse
7.5
My Arms, Your Hearse

Album de Opeth (1998)

Opeth, épisode 3 : funérailles jusqu'à l'aube.

Le troisième album du combo suédois marque clairement la fin de la première période du groupe ainsi que le début d'un tournant dans son approche de la musique.

La transition s'effectue au line-up du groupe, avec l'arrivée de Martin Lopez à la batterie et Âkerfeldt qui désormais se charge des parties de guitare, de chant et de basse. Le line-up est instable, la section rythmique fragilisée (en attendant Martin Mendez) et le groupe plein de doutes. Pourtant il décide de donner naissance à l'album le plus conceptuel du groupe jusqu'alors.

En effet, si à priori aucun concept fort ne se dégage du disque quand on regarde les titres des chansons ou du disque, à l'écoute c'est un tout autre problème. Un prologue, un épilogue, et au milieu, une série de chansons qui s'enchaînent en fondu presque sans discontinuer, et surtout dans les textes sont tous liés et n'en forment qu'un seul, comme une nouvelle. Dans le livret, les paroles sont un bloc de texte et on devine les coupures à ce simple artifice : les derniers mots de chaque chanson sont le titre de la suivante. Un texte a même été écrit pour l'instrumental Madrigal, et le disque se finit sur ce mot "Prologue". Petit tour de force qui me séduit grandement. Les thèmes omniprésents sont ceux de la mort, de la chute et de la rédemption, le tout baigné dans une nature toujours au diapason, morne, froide et humide.

Côté son, on reste dans ce que le groupe a fait jusque lors, une production encore assez glaciale et clinique, par moments presque un peu sale car très saturée. Mais la transition s'opère ici encore : les structures sont très prog, plus variées. Le groupe élargit sa palette : ainsi sur les imposants "April Ethereal" et "When", difficile à l'écoute de dire quand l'un s'arrête et quand l'autre commence. Les ruptures au sein des morceaux sont parfois plus marquées que celles entre les morceaux, et ce sont toujours les paroles qui nous guident. Au passage, "When" est un morceau superbe, qui comporte une séquence de riffing surpuissante que j'avais découverte dans les Roundhouse tapes. Le chant clair est dans un premier temps peu présent, quelques lignes ci et là. Puis arrive le très prog et très nouveau dans ce type de riff guitare / basse typique de la suite de carrière du groupe "The Amen Corner", dont l'intro est un moment d'anthologie à la rythmique labyrinthique. On est presque dans une version death de Tool. Toujours dans cette optique de transition, de renouveau, le groupe s'éloigne donc sur ce type de composition du son black-death mâtiné de folk de ses débuts pour travailler un metal progressif plus accessible, où se font sentir confusément toutes ses influences fécondes. Comme dans un marbré papy brossard si on veut.

La suite du disque n'est pas en reste avec le combo ultra violent "Demon of the Fall", morceau lui même clairement en deux parties et qui constitue le sommet de l'album et son titre le plus connu et le plus emblématique. "Credence" quant à elle est une petite ballade mélancolique fort jolie, belle performance du chanteur et morceau récemment apparu en live pour al tournée "Heritage". Autant vous dire qu'on voit les vrais fans à ceux qui connaissaient ce morceau et pouvaient le chanter en chœur. Ce qui était mon cas, je ne suis pas peu fier de le dire. J'aime un peu moins "Karma" car la complexité y prend le pas sur l'accroche directe. Le morceau est bon, mais difficile à retenir, à s'approprier. Il ressemble plus dans sa structure à des titres du premier disques (en plus condensé), même si le nouveau son du groupe est toujours en élaboration sur un titre comme celui-ci.

La fin pluvieuse du disque nous laisse spectateurs d'un corbillard qui s'en va au loin, emportant les restes d'une première ère pour le groupe, de ses premiers line-up, et laissant à l'avenir le soin de renouveler sans cesse le son et l'identité musicale de ce groupe passionnant, le temps d'un line-up emblématique (les deux Martin, Peter et Mikael) et de quelques albums mythiques. The best is yet to come.

Créée

le 2 nov. 2013

Critique lue 592 fois

8 j'aime

Krokodebil

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8

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