Je me suis enfilé quelques bières avant de venir, l'histoire de me rendre plus marrant. Je connais le gars qui gère le bar, c'est un bon mec, il me fait toujours passer par l'entrée de derrière. J'avance dans la ruelle qui mène à cette porte.


Le gérant est là debout, il reprend sa respiration, il a d'énormes auréoles de sueur et d'alcool mettant en valeur ses seins de graisse. Un lampadaire au dessus de lui clignote, illuminant et plongeant dans l'obscurité les divers sacs poubelles remplis de bouteilles en verre. Sa godasse est ensanglantée, il vient de flanquer une raclée à un mauvais client. Ce déchet humain est vautré au milieu des sacs, il est en vie, on peut entendre sa respiration sifflante. Le visage tuméfié, les dents pétés, il est le nez dans le caniveau sec. Le correcteur debout s'allume une clope, il balance quelques insultes et retourne à l'intérieur. Je donne moi aussi un coup de pompe au mec au sol par solidarité et je rentre.


Crache ta lumière néon. J'arrache le sweet, je danse ! Accompagne-moi flamme. Je sautille sur place, je brandie mes bras aléatoirement, j'en oublie la musique et la couleur de mes chaussettes. J'essuie le pue et la sueur au fond de mes chaussures, je bondis encore au centre de la piste, je suis le roi de la soirée.


Je me calme, je m'en vais au fond des chiottes du bistrot, le groupe prénommé Bagarre me donne envie de gerber, mais je dandine toujours mes miches en pissant. Je dois un peu aimer au fond, je remonte la braguette et je retourne au concert luminescent. La foule balance la tête de gauche à droite de haut en bas, du coup, je hoche machinalement et je fais pareil en furie.


La matière cérébrale se calcine avec l'électricité musicale, le liquide cérébro-spinal boue et l'intérieur de la boite crânienne est martelé par ma cervelle. Je continue ce mouvement de hochet, j'attends que mon nez commence à saigner pour calmer la cadence. Le chanteur un peu sur-élevé commence à s'accrocher du scotch sur le visage, sa bouche commence à se museler sous les bandelettes transparentes. L'illusion est telle que malgré ses lèvres cousues, il arrive encore à chanter.
La transe me possède maintenant, j'en suis sûr, la masse orange commence à s'agripper à mes mollets un énorme frisson du haut des cuisse remonte jusqu'à ma nuque. La musique de club ramène les chamans d'Inde pour qu'ils puissent tambouriner mes intestins grêles, la défibrillation du système digestif est en route.


Dans un dernier raccord à la réalité, je scrute rapidement la chanteuse. Je te reconnais ! Tu es Cléopâtre VII ! Reine d'Egypte ! Du haut de ta pyramide Kéops, tu hurles les claquements ! Je t'obéis reine angélique de l'antiquité ! Mon voisin au crâne de punk ne me revient pas, je le claque. Je tire les doigt vers l'arrière dénudant mon épiderme carpien et je martèle ses joues fines. Il tombe, je tombe sur lui. Je continue de donner mes grands gestes sur ses joues qui se font percer par ses dents. Par delà cette épaisseur de peau, j'arrive à voir ses gencives bleutés inondées par le sang orange, à ce moment je resserre le poing et accélère la vitesse des coups. Je ris, on ne m'entend pas la musique est trop forte.


Je cours dans la grande avenue maintenant, j'ai les cervicales décalés ; la tête part en couille. Je cligne trop des yeux, j'en suis sûr : le stroboscope du club continue encore. Quand les paupières se ferment les flashs de lumières continuent, la vapeur orange sanguine me perce le dessous des arcades. Sirènes gueulantes, c'est pas les flics, c'est le samu. Ils viennent chercher la barbaque que j'ai martelée, chef d'oeuvre de guerre.


J'arrive à un croisement, je manque d'alcool, je ne peine pas à tenir debout. Je commence à monter sur la façade de l'immeuble, m'agrippant sur la gouttière et les balcons rythmant la façade. Arrivé au cinquième étage ou sixième, je ne sais plus, j'arrive à sauter sur le toit de maisons en contre bas. Je navigue de baraque en baraque puis j'atteins enfin ma destination : le pont du métro.


Il ne me reste plus qu'une chose à faire avant que les flics me mettent au trou : je penche mon buste légèrement en avant et pose mes coudes sur le métal de la voie ferrée. J'attendrai jusqu'à l'aube s'il le faut, les phares du métros, qui viendront scier les criminels de ce soir : mes bras.

ectorlavoisier
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le 9 mai 2016

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