Murray Street
7.3
Murray Street

Album de Sonic Youth (2002)

La fin ne dure jamais vraiment longtemps. Et contrairement à ce qu'annonce les Strokes dans leur album Room On Fire, la fin a en effet une fin. Murray Street, 12ème album studio de nos bruitistes favoris, représente on ne peut mieux cette idée.


Adieu déflagrations sans fin et tortures auditives à coup de larsens et de désaccords plus abusifs les uns que les autres, Sonic Youth se veut plus mélodique qu'il ne l'a jamais été. A la suite d'un A Thousand Leaves manquant de saveur et d'un NYC Ghosts & Flowers répétitif à souhait, Thurston Moore et ses compères de toujours semblaient sur une pente inexorablement descendante. Après tout, comment rebondir après une discographie frôlant la perfection, que ce soit de l'exacerbé EVOL (1986), au tortueux Sister (1987) ou du légendaire Daydream Nation (1988) ? Sonic Youth n'a plus rien à prouver depuis bien longtemps et se sont imposés, malgré leurs ventes limités à raison de leur musique peu accessible au grand public, en tant que plus grands pionniers du rock et plus précisément du rock expérimental ayant influencé les plus grands par une science aiguë du son et de la musique en elle-même.


On pourrait alors se demander ce que le groupe a de plus à nous offrir à l'aube d'un millénaire les ayant déjà bien trop chamboulé : leur ville de New York tant adulée, littéralement assassinée par l'ineffable 11 Septembre 2001. En plein deuil, Thurston, Gordon et Ranaldo décident de renaître de leurs cendres tout en tâchant de ne pas oublier leurs racines : la musique de Murray Street se fait plus mélodieuse, plus contemplative (que l'on ne subit pas comme aux derniers albums) malgré des élans instinctifs de pure agression auditive dont ne peut se défaire Sonic Youth comme le prouve le nerveux Plastic Sun ou le bruyant Karen Revisited. Ces changements sont appuyés par l'arrivée du petit nouveau Jim O'Rourke renforçant une ambiance homogène donnant à l'album un équilibre jamais atteint auparavant.


Plein d'une nouvelle inspiration et d'une sincérité frôlant presque l'intime comme le démontre la pochette où l'on peut voir la fille de Moore et Gordon en pleine cueillette de fraise avec son amie (référence directe à la dernière et remarquable piste de l'album Sympathy for the Strawberry), Murray Street symbolise la fabuleuse renaissance de Sonic Youth que confirmeront le torturé Sonic Nurse (2004), le romantique Rather Ripped (2006), et le décoiffant The Eternal (2009), délaissant l'ultra-violence noise rock de leur début pour une nostalgie et un travail mélodique époustouflant qui confirme leur génie artistique. Cette période du groupe restera d'ailleurs toujours ma favorite à défaut des puristes qui lui préféreront toujours son époque Daydream Nation et Sister.


Moore, je ne te pardonnerai jamais d'avoir causé la séparation du groupe et d'avoir brisé le coeur de Kim. Comment Bon Dieu pourrai-je un jour assister à l'un de vos fabuleux concerts ?

Lafonthug
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le 19 janv. 2019

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