Mother Focus
7.1
Mother Focus

Album de Focus (1975)

Comme dans une grande saga de science-fiction que vous reconnaîtrez probablement, la chute de la maison Focus se poursuit en cette année 1975 (1). Le batteur Colin Allen qui avait remplacé Pierre van der Linden se voit viré d'emblée également, ayant juste eu le temps de poser ses baguettes sur « I need a bathroom » (piste 2). Puis peu de temps après le groupe se retrouve également sans producteur non plus.
La débandade.
Ze loose en action quoi.


Avec l'effort louable de se régénérer et d'intégrer un nouveau musicien tout comme un nouveau producteur, le groupe en plein délitement s'envole vers Hollywood. Il faut dire que depuis le succès remarqué de « Hocus Pocus » dans sa version single coupée et remontée pour le territoire ricain, on leur fait a fait quelques appels du pied (2). En soi, pas une mauvaise idée donc quand on se prend à penser que les U.S pourraient devenir probablement leur nouvelle terre d'adoption, qui sait ?


En revanche la suite de décisions qui s'annonce ne résulte pas forcément d'idées brillantes.


Il faut dire que les égos atteignent à ce stade des niveaux de hauteur indéterminé entre les deux têtes pensantes, ce qui n'est généralement jamais bon pour la carrière d'un groupe. Déjà les musiciens décident de tout produire eux-même. Bon OK, et il faut dire que le résultat final reste assez bon. Un bon point là. Ensuite, Jan Akkerman (guitare) et Thijs van Leer (claviers, flûte, voix) en sont à ce stade à se faire la gueule qu'ils vont garder leurs meilleures compositions pour leurs albums solos.


Erreur stratégique monumentale.
Surtout au sein d'un groupe où l'union des forces et des qualités à toujours joué en la faveur de l'appréciation qu'on pouvait en tirer. Car avec le recul quand on regarde les notes de livrets, les références disséminées sur le net ou Discogs, la quasi totalité des compositions de l'entité Focus venait soit de Jan Akkerman, soit de Thijs van Leer, soit de l'alliance des deux.


En soi donc, Focus déjà en train de s'automutiler depuis quelques temps choisit de se décapiter tranquillement. Comme on le verra à l'album d'après, ça va être assez lourd de conséquences même si, tout à leurs petites disputes pleines de bassesses, les musicos n'en ont pas conscience à ce moment là.


C'est donc Bert Ruiter, le vaillant bassiste qui va composer 4 titres à lui tout seul et probablement demander à Jan et Thijs de lâcher un peu de lest, histoire que l'album ressemble à quelque chose un peu. Évidemment comme ces derniers sont en mode minimal pour faire le moins d'effort... Et l'influence de ce voyage s'en ressent aussi sur l'album : Focus sort dès lors des sentiers battus du rock prog pur et dur et mélange son rock à la soul et au funk sans oublier pourtant ni son humour (rien que les titres des chansons à nouveau) ni son talent mélodique pop ni même les influences classiques omniprésentes depuis les débuts, en témoigne cette reprise de Jean-Sébastien Bach qui clôt l'album, « Father Bach » où van Leer reprend à sa façon de fort belle manière l'ouverture de « La passion selon St Mathieu » (BWV 244). Un thème incroyable que les cinéphiles connaissent plus ou moins bien d'ailleurs puisqu'ils l'auront entendu dans le final du THX-1138 de Georges Lucas (3) comme dans le début du Casino de Martin Scorsese.


Du coup comme on s'en doute avec cette direction musicale assez changeante et sa collection de chansons courtes, le résultat surprend tout le monde. Comme Jan le dira assez lucidement à un magasine de musique hollandais (4) pour anticiper les réactions des fans : « Mother Focus n'est pas exactement Focus. Focus est un groupe européen typique alors que Mother Focus contient de la musique d'essence américaine ».


Peine perdu, les fans font la gueule et l'album tombe dans les charts.
Fini le temps du succès pour Focus.


Pourtant avec le recul ce n'est pas l'album en lui-même qui est à blâmer (certes on est plus dans le prog mais ça reste assez délectable aux oreilles, voire délicieux si l'on est friand de ces petites sucreries hybrides rock et soul, ce qui est mon cas. Il faut dire que même en train de chuter, les musiciens restent au haut du panier et assurent bien) mais bien ses leaders avec leurs égos de merde.


======


(1) Pour resituer le contexte, n'hésitez pas à relire les précédents épisodes, euh les chroniques que j'ai fait des autres disques de Focus qui précédent celui-ci. Bon sinon inutile de préciser que cette ouverture est un clin d’œil science-fictionnesque à la saga de DUNE qui montre l'ascension puis la chute de la maison Atréïdes sur plusieurs livres à tel point qu'il n'y a plus guère d'Atréïdes dans « Les hérétiques de DUNE » et « La maison des mères ».
(2) Voir aussi ma chronique ici les amis : https://www.senscritique.com/album/Focus_III/critique/189287019
(3) Rejoué par le prisme de la musique électronique par Lalo Shifrin, résultat étonnant et superbe.
(4) Le magasine musical « Muziekkrant Oor ».

Nio_Lynes
8
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le 25 mars 2020

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Nio_Lynes

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