Je vous avoue que je n'ai pas vraiment choisi ce disque par rapport à moi mais plutôt par rapport aux autres membres de ce fabuleux Critiklub de l'extrême. J'ai longtemps hésité entre plusieurs avatars de la culture métal/hardcore snob. Dans le lot il y avait Genghis Tron, Oxbow, Dälek, Blood Brothers et Pneu. Tous radicalement différents mais tous rassemblés ici dans un but commun : énerver la team synthé qui chante en français et faire jubiler la team guitare qui fait du yaourt. J'ai fini par choisir le pire, le plus dégueulasse... Parce que je voulais du sang, je voulais des insultes, des critiques radicales et des avis partagés. En bref, j'ai trollé comme un porc.

Quand j'ai découvert cet album, je ne connaissais rien au drone. Tout ce que je savais c'est que les morceaux faisaient quinze minutes et j'en étais à un point où je me demandais si ce n'était pas la longueur adéquate pour faire de la bonne musique. J'ai assimilé ce bloc brut de distorsion assez vite. J'en garde un excellent souvenir dans le sens où ça m'avait mis extrêmement mal à l'aise.

Parce que c'est ça le métal (je vous passe le nom des sous-genres de métal impliqués ici sinon on va y passer la journée), c'est assez de distorsion de guitare pour faire danser la rumba à tes tripes. Si cela échoue, c'est que c'est mauvais. Alors pensez-vous, neuf minutes de drone et de chant guttural pour introduire l'album, c'est parfait. En 2012, Godspeed avait commencé son live par trente minutes de drone, ça m'avait mis une pêche d'enfer comme un bon lavement au poivre avant une soirée à l'Ours Marin. Ben là, c'est pareil sauf que c'est encore plus poussé. Ici, ils sont deux donc il y a moins de couches mais plus de bruit. Le son est monolithique.

On ne vient pas à Sunn O))) (ça se prononce « Sun ») pour la musique. De musique, il n'y a pas vraiment d'ailleurs. On y vient pour l'ambiance sombre, gothique, crasseuse, rouillée, dégueulasse, monstrueuse, graphique... Sauf qu'on ne parle pas ici d'un RPG mais d'un album. Un album plus « accessible » fait par deux monstres de la musique expérimentale (dont Stephen O' Malley, saint patron de tout ce qui touche au doom). Les mecs essayent de draguer la bourgeoise en embauchant plein de copains moins poilus et un orchestre symphonique tout en refusant le cliché de l'album de métal avec des cordes.

C'est un peu mitigé, le côté mélodique est foutrement raté sur les trois premiers morceaux mais prend sa revanche sur Alice, seul véritable morceau hybride et réussite inégalable du disque. Ce qui est gênant c'est que toutes ces concessions sont vaines, le résultat est toujours affreux pour le novice mais manque diablement de relief. Le son est monolithique mais putain qu'est-ce qu'on peut se faire chier parfois.

Quand j'ai réécouté ce disque, ce que je n'avais pas fait depuis longtemps, je me suis surpris à faire totalement autre chose. Les pistes ne sont pas vraiment des morceaux ni des chansons, encore moins des mouvements. Nous avons des nappes, des moments sans réel liant. Sans pour autant déprécier la qualité des musiciens, je ne pense pas que ce disque requiert le degré d'attention que je lui portais auparavant. C'est même un excellent prétendant à ces disques que l'on met en fond dans les soirées tranquilles où l'on discute, on joue aux cartes ou on lit dans les entrailles des gerbilles. Le tout passe finalement très vite.

Mais à d'autres moments, il y a des fulgurances, des chœurs étranges, des accords qui s'éternisent, des trompettes de la destinée. Le résultat est foutrement visuel pour un produit auditif. Je ne me lasserai jamais de l'intro du disque. Et les deux pistes du milieu, les plus chaotiques, comportent aussi leur pesant de cacahuètes. Seul Alice arrive à parvenir à la félicité et atteindre son but. Monumentale épopée stoner mêlant efficacement les vagues drones aux assauts des trompettes, on se prête à pense un instant que si le disque avait été du même acabit on aurait peut-être pas trié ses stylos pendant l'écoute attentive des trois premiers morceaux.

Comme souvent le souvenir était trop beau. Le disque est malheureusement inégal mais le jeu en valait la chandelle, les foules sont déchainées, vous m'avez bien fait marrer. Pour moi, il ne me reste qu'un morceau extraordinaire engoncé dans un disque agréablement prétentieux que l'on prendra bien soin d'écouter de temps en temps pour se secouer les tripes en pensant à trier ses stylos et ses lames de rasoir.

Mais pas plus d'une fois par an, faut pas déconner.
MrShuffle
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs albums de metal

Créée

le 26 mars 2013

Critique lue 520 fois

21 j'aime

7 commentaires

MrShuffle

Écrit par

Critique lue 520 fois

21
7

D'autres avis sur Monoliths & Dimensions

Monoliths & Dimensions
JZD
2

Monoliths & Dissensions.

(((Aaaah ! Je fonds, je le sens ! A l'intérieur de moi ! J'ai l'impression d'être broyé entre les pierres d'une église malsaine et gothique en construction ; et il y a ces machines horribles qui sont...

le 26 mars 2013

17 j'aime

5

Monoliths & Dimensions
BiFiBi
7

Monolithes en mouvement

"Monoliths & Dimensions" est probablement le magnum opus de Sunn O))). Bien que le groupe ait exploré les expérimentations pionnières de guitares drone de Dylan Carlson (du groupe Earth) et de Joe...

le 29 mars 2013

16 j'aime

Monoliths & Dimensions
Adobtard
1

Un p'tit cachou, Karpov ?

Désolé mon vieux Shuffie, hein, au début je me disais que je pouvais y aller, puis là, je vais commencer à avoir l'impression d'enfoncer des portes ouvertes, tirer sur des ambulances, ou que sais-je,...

le 26 mars 2013

14 j'aime

12

Du même critique

Black Swan
MrShuffle
10

Critique de Black Swan par MrShuffle

Cher Darren, Je ne t'aime pas, je t'ai jamais aimé. Tu es prétentieux, égocentrique, m'as-tu-vu, moralisateur... Tu utilises des trucs archaïques pour faire des effets foireux. Tu embauches encore ce...

le 12 févr. 2011

380 j'aime

57

L'Arrivée d'un train à La Ciotat
MrShuffle
1

Le Avatar du siècle dernier

Vide, spectaculaire, putassier... Le réalisateur a tellement confiance en ses effets spéciaux qu'il oublie d'en écrire en scénario. Alors que la thématique sociale aurait été puissante, à aucun...

le 18 déc. 2010

231 j'aime

18

Le Roi Lion
MrShuffle
10

La révolution n'est pas un diner de gala

Un royaume sous la coupe d'une famille royale autoritaire tombe en décrépitude après la mort du puissant monarque, Mufasa. Bien que le jeune et insouciant prince Simba soit pressenti pour prendre sa...

le 8 juin 2010

224 j'aime

18