Mirrored
7.3
Mirrored

Album de Battles (2007)

Battles ou comment rendre irrésistible l'a priori imbitable. Avec cette pochette où trône un magnifique cube miroitant en guise de métaphore idéale, Mirrored est un prisme musical vertigineux aux mille et une faces, conçu pour refléter avec une clarté aiguisé un rock racé, circulaire et mouvant. Une musique mutante qui paraît s'autogénérer à mesure que les secondes s'égrènent, tel un organisme vivant autonome qui ingère ses propres notes pour les régurgiter aussitôt avec toujours plus d'aplomb, avant de recommencer encore et encore sans jamais flancher, y rajoutant à chaque fois une idée neuve. Évidemment, au-dessus de ces onze pièces aussi implacables que transcendées, aussi primales qu'étudiées, plane l'ombre tutélaire de Can, notamment sur les climatiques Tonto et Leyendecker. Deux palindromes soniques dominés par une rythmique impassible, et dont les effets électroniques, les riffs modulés et les gargouillements phoniques font écho aux séminaux Aumgn et Peking O des Allemands, l'insouciance gargantuesque des pionniers en moins. Un tantinet plus ludique, le chevaleresque Atlas brise dès l'ouverture l'hermétisme éreintant des premiers maxis du groupe, par la grâce intoxiquée de procédés vocaux qui feraient presque passer ces sept minutes féroces pour une simple mélodie addictive. Une science vocale que le déroutant Bad Trails, entre ballade attentiste et crescendo menacé par un tambour alarmiste, optimise à merveille. Tyondai Braxton semble y haranguer avec reconnaissance Animal Collective afin que ceux-ci se joignent à cette transe d'érudits qui ont choisi de ne pas sombrer dans un obscurantisme hautain, préférant mettre leur inspiration innovante au service d'une musique sensorielle, certes exigeante, mais toujours passionnante. Dans la querelle pacifiste qui opposait jusque-là les héritiers du krautrock (de Super Numeri à Black Mountain ou Ratatat, en passant tout récemment par !!!, LCD Soundsystem, Joakim ou Fujiya & Miyagi), les quatre membres de Battles ne viennent pas seulement de remporter une sérieuse bataille. Ils ont déclenché la guerre. (Magic)


Les références, j'aime bien ça. Trouver des similitudes d'un artiste avec un autre, cela permet de donner une assise stable à son propos, ça rassure. Et lorsque le disque qu'on écoute ne vous évoque aucun groupe connu, on fait comment ? On s'attarde sur la musique, tout simplement.. La musique de "Mirrored", voilà une bestiole difficile à décrire. Premier indice : Battles a été signé par Warp, le label qui signa, entre autres, Aphex Twin et Grizzly Bear. Il est donc peu probable que l'on entende de la pop sucrée et scintillante au cours des onze morceaux qui composent "Mirrored". Et en effet, on se trouve ici dans un royaume sonique trafiqué : les rythmiques sont déchaînées, à l'image de la guitare doublée sur "Race : In", ça s'affole, ralentit puis redémarre de plus belle. Les voix, qui pourraient conférer une dimension humaine à l'affaire, sont ici filtrées, accélérées, pour donner la sensation d'être face à un gang de gamins détraqués et maniaques façon Chucky, ou à une bande de Gremlins déjantés. Ecoutez "DDiamondd", vous comprendrez de quoi il s'agit exactement. J'avais très peur de retomber avec cet album dans un sombre délire de type rock progressif, mais il y a ici deux éléments qui démarquent Battles de cette tendance : la surprise et le malaise. Chaque morceau sait prendre l'auditeur à rebrousse-poil, les changements d'ambiance viennent totalement perturber l'écoute (comme sur "Rainbow", et son orgue malade), il n'y a dans cet album aucun titre pouvant répondre au qualificatif de "chanson". S'il est possible de trouver des similitudes avec d'autres artistes, il faut davantage rechercher du côté de King Crimson, à l'époque de "Red", une ambiance métallique et acérée. Les riffs sont assénés de manière sèche, claquante, avec virtuosité. Sur "Tij", la partie de guitare de "Race : In" est reprise, ralentie, alourdissant considérablement le tempo, et accroissant encore davantage la sensation de malaise. Au milieu de "Leyendecker", ces voix accélérées reviennent nous hanter, encore une fois. Saletés de cauchemars. (Popnews)
D'anciens membres de formations de la scène indé US la plus intransigeante (Helmet, Don Caballero), un musicien issu du free-jazz, des EP distillés de ci de là depuis trois ans, un single récemment adoubé par le NME : pas de doute, Battles allait nous en remontrer avec ce premier véritable album tant attendu qui allait redonner ses lettres de noblesse à l'électro-rock expérimental.

On retrouve naturellement sur ce disque un mélange de lignes de guitare et de basse, des rythmes électro effrénés, des samples, notamment vocaux, sur des morceaux à la forme libre, pour ne pas dire tarabiscotée. Et ça commence plutôt bien avec Race in, et Atlas qui démarre sur les chapeaux de roue par un rythme jungle qui laisse ensuite place à un sample entêtant. Puis ça se gâte un peu avec Ddiamondd ou l'effet "voix cartoon" déjà présent sur les premiers morceaux tourne au gimmick répétitif et pénible. Et le problème, c'est que le reste de l'album part en roue libre, avec de temps en temps un riff ou une boucle qui vient nous titiller fugitivement l'oreille, comme sur Tonto, pour très vite laisser la place à autre chose. D'où l'impression de se faire saouler de mini-séquences expérimentales qui s'enchaînent sans réelle cohérence, sans véritable logique ou pertinence. Certes sur Bad trails et Prismism un semblant de chant apparaît et structure quelque peu les morceaux, qui néanmoins se traînent en longueur. Ce n'est que sur Tij que l'on retrouve une ligne directrice à laquelle s'accrocher. On attendait un album certes exigeant, mais qui jette des ponts entre genres et réunisse sous sa bannière des adeptes de rock, de jazz ou d'électro. Si ces genres sont présents, c'est plus sous la forme d'une grande tambouille quelque peu indigeste, qui évoquera tout au plus ce que réalise Mike Patton sur certains albums de Fantomas. Certes ce genre a ses adeptes, et on se gardera bien de leur en faire le reproche, mais au-delà de ce pré carré, l'intérêt de cet album est bien ténu. (indiepoprock)

bisca
7
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le 19 mars 2022

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bisca

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arnaud-meuh
9

Critique de Mirrored par Arnaud Meuh

C'est pas vraiment ce que j'écoute d'ordinaire, mais j'avoue que j'ai trouvé ça génial :)

le 15 avr. 2012

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