Toujours guidé par le chant exalté de Nathan Willett qui les fait parfois sonner comme une dispensable reformation de Simple Minds (Mine Is Yours, Bulldozer), le quatuor américain Cold War Kids livre son (troisième) album le plus abouti et le mieux produit à ce jour. Pourtant, rien n’y fait, les onze chansons qui composent Mine Is Yours ont beau user des mêmes ingrédients que celles de Clap Your Hands Say Yeah (Royal Blue, Broken Open), elles ne leur arrivent jamais à la cheville. A lusieurs reprises, on jurerait même entendre Alec Ounsworth en personne (Out Of The Wilderness, Upside Down), si celui-ci avait troqué sa camisole contre une confortable panoplie de héros du rock indépendant. Mais loin de pouvoir revendiquer l’héritage des Talking Heads, The Cure et autres Psychedelic Furs, cette musique taillée pour soulever les foules n’émeut pas. Par bonheur, on notera ça et là quelques fulgurances qui, mises bout à bout, auraient constitué un fort agréable EP. De là à justifier la publication d’un album à une époque où il en sort déjà beaucoup trop, on répondra par la négative. (magic)


La métamorphose apparaît dès les premières secondes. On a découvert les Cold War Kids en pleine combustion spontanée, piochant leurs influences et leurs instruments dans un capharnaüm digne de la chaumière des sept nains. Dans les contes de fées, quand les princesses veulent mettre de l’ordre dans leur intérieur, elles ouvrent grand les fenêtres, psalmodient un chant de sirène pour rameuter toute la ménagerie des sous-bois et embauchent ces pauvres bêtes en aides-ménagères. Au tout début de Mine Is Yours, la chanson-titre, Nathan Willett fait lui aussi tonner sa voix dans les aigus avec un résultat différent : en un seul cri, les carcans qui les enserraient jusqu’à la glotte sont pulvérisés. On a connu les Cold War Kids un brin souillons, groupe de rock rugueux aux braillements étranglés, aux arrangements de bric et de broc, entre blues ancestral et futurisme Radiohead. Pas de place pour l’amateurisme ou l’approximation dans ces nouveaux hymnes dévastateurs. Le groupe déballe ici l’artillerie lourde, taillée pour les stades olympiques – ce n’est pas un hasard si deux de ces nouveaux morceaux s’intitulent Bulldozer et Louder than Ever. Les Cold War Kids ont toujours su manier certaines armes indispensables, comme le souffle épique ou les mélodies grandiloquentes. Mais ils semblaient bouillonner plutôt qu’exploser, à l’étroit dans des espaces confinés où ils jouaient en se tapant la tête contre les murs.En s’appuyant sur une production lustrée, en vision panoramique, ce troisième album les propulse vers des sommets à la hauteur de leurs ambitions. “J’apprécie autant des morceaux de U2 hyperproduits que du punk lo-fi au son désastreux ou encore des riffs rêches comme chez Grinderman, avoue le bassiste Matt Maust. Des chansons comme Mine Is Yours ou Cold Toes on the Cold Floor reflètent, chacune à sa façon, ces deux extrêmes qui constituent notre personnalité.” Pourtant, ce nouvel album se caractérise par son homogénéité, en comparaison avec ses deux prédécesseurs aux humeurs changeantes. “Notre premier album, comme chez beaucoup d’autres groupes, a cristallisé de longues années de désirs latents qui ont rejailli facilement, explique le chanteur Nathan Willett. Sa narration était constituée de personnages fictifs. Je ne voulais surtout pas me répéter sur notre deuxième disque, donc je me suis lancé dans des paroles plus abstraites, plus poétiques. Finalement, je ne m’en suis pas senti très proche : la faute à notre empressement, notre manque de réflexion posée, notre fourmillement d’idées décousues. Pour Mine Is Yours, j’ai mis un point d’honneur à écrire un album cohérent d’un bout à l’autre et personnel.” Dans la foulée, il signe Sensitive Kid, sa chanson la plus autobiographique à ce jour. Sa vulnérabilité désarmante transparaît derrière ses airs de surfeur californien bien charpenté, à la fois recroquevillé dans son intimité et prêt à s’extérioriser par-delà l’horizon. Pour les accompagner sur ce terrain potentiellement glissant du rock mastodonte, les Cold War Kids ont fait appel à Jacquire King, roi des productions javellisées (Norah Jones, Buddy Guy), pour enregistrer entre Nashville et leur quartier de Los Angeles, Long Beach. Détail non négligeable pour peser les risques d’un tel défi : leur producteur a notamment épaulé Kings Of Leon dans leur quête de boursouflures démesurées. Mais là où ces derniers se vautrent dans l’emphase et l’engourdissement, les Cold War Kids ont l’habileté de ne pas renoncer à leur énergie fougueuse, ni à leur spontanéité. Leur force, c’est de ne pas se forcer. Comme par magie, ils sortent méconnaissables de ce grand coup de balai : conquérants, disciplinés, soignés. On ignore à quelles créatures on doit une telle propreté mais on aimerait beaucoup avoir les mêmes à la maison. (inrocks)
Cold War Kids a du talent, c’est indéniable. Le problème, c’est qu’il ne va pas nécessairement dans la bonne direction. Plus le temps passe, plus le groupe a tendance à ressembler à de grands groupes type U2 (tout le monde en choeur : Oh oh), période grands stades s’entend, ce qui n’est pas forcément un compliment. Un peu à la manière de Starsailor , avec qui ils partagent un chanteur à la voix très spécifique (trop par moments peut-être). En même temps, on s’en veut de leur dire du mal, car le quatuor de Fullerton regorge de qualités. Les titres sont travaillés, chaque écoute apporte de nouvelles trouvailles sonores, de nouveaux trésors cachés, mais on ne peut s’empêcher de ressentir une certaine lassitude. Le bâillement qu’on ne peut cacher au Musée, même devant la toile du grand maître. En gros, on admire la technique, mais cela ne suffit pas toujours à séduire l’oreille. Les ingrédients sont là, et pourtant, chaque album qui passe, mis à part Loyalty to Loyalty, enfonce encore le clou (de l’ennui). Récapitulons : leur premier EP, excellent, nous donne l’illusion d’avoir trouvé celui qui sortira le chef-d’œuvre de l’année, voire de la décennie. En plus, leur nom parle à toute une génération. On ne le dira jamais assez, un nom de groupe, une pochette, ça peut déjà aguicher des curieux. Avec le premier album, parmi ceux qui ont connu l’EP, deux clans déjà se forment : ceux qui sont un peu déçus (mais la barre n’était-elle pas trop haut ?), et ceux qui crient au génie. Vous aurez sans doute compris où se place votre serviteur (contrairement à l’avis relayé ici à l’époque). Le deuxième album, Loyalty to Loyalty (2008), passe presque inaperçu. Pourtant, il est loin d’être inintéressant. Comparaison n’est pas raison, leur musique donnait exactement la même - bonne - impression que Clap your hands say yeah ! en leur temps, à savoir un deuxième album plus prise de risques que le premier. Plus mature, Loyalty to Loyalty comportait des mélodies noyées dans une crasse jouissive. Le tout semblait très inspiré du blues, de la littérature, de fumées orientales et de vapeurs d’alcool ; ça s’énervait, ça vibrait, on en redemandait, et on finissait par le classer délicatement dans la pile Blues Rock. Un certain sentiment "peut mieux faire" persistait pourtant, à tel point que l’impression laissée par le premier album, ou par leurs prestations scéniques, finissait tout de même par prendre le dessus. On se rappelle, notamment, que le groupe avait du mal à éviter le brouhaha d’un public pas très attentif. Enfin, le fameux troisième opus (celui-ci donc), confirme-t-il la première ou la deuxième impression ? Voilà où on en est : plus de questions que de réponses, et on s’en voudrait de ne pas parler de l’album lui-même, qui le mérite. Alors on en parle. Mais pas forcément en bien. Ou alors, si ?À la production, on note la présence de Jacquire King (Kings of Leon, Tom Waits, Modest Mouse...), mais qu’on n’entend pas vraiment, ou alors du côté des Kings of Leon. On va dire que le disque est - très - bien produit. Le son est vraiment nickel, rien à dire là-dessus. Surproduit ? Poser la question c’est y répondre parfois. Tout est presque trop parfait. Où sont passés la passion, le rock, la sueur, la rage ? L’impression domine d’être dans un concept plan plan, mou du genou, qui ne fait pas plus qu’il ne doit : des fonctionnaires du rock. En tout cas bien loin des premiers soubresauts que le groupe produisait. U2 (oui, encore eux) se rappelle à notre bon souvenir sur "Skip the Charades" ou "Broken Open" : où se laisse entendre les airs de guitare de The Edge. "Cold Toes", en revanche, fait partie des titres très travaillés, clin d’œil à Clinic à la clé, qui nous retiennent. Mais ils sont trop rares, ces moments.Pour conclure : ce n’est pas un CD que l’on revendra, non, il sera bel et bien rangé à côté des autres, mais ses chances d’être réécouté restent hélas très minces. (pinkushion)
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le 19 mars 2022

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