Ceci n'est pas vraiment une critique, mais plutôt un avis à chaud qui aurait sa place dans ma liste des albums de 2020 si le texte n'était pas aussi long.


Cet album - ou plutôt cette chanson - est une expérience, définitivement. J'ai enfin pris le temps de m'y plonger intégralement et c'est la première fois que j'écoute un morceau de cette manière, en étant exclusivement attentif pendant 45 minutes, et surtout avec un support visuel puisque le projet est à mon avis indissociable de la vidéo qui l'accompagne et où défilent des photos personnelles de Phil Elverum qui font office de fil narratif au même titre que les paroles - paroles sous-titrées dans la vidéo, condition indispensable pour comprendre ce que la chanson raconte pour les non-anglophones (la vidéo est disponible sur Youtube). Bref, Microphones in 2020 est une chanson à vivre, et rien que pour le fait d'avoir expérimenté cela pour la première fois - de manière aussi continue et intense - ce projet est remarquable et unique en son genre. En un sens, il a touché son but.


Musicalement c'est plus compliqué, moins accessible, mais il est encore une fois impossible de dissocier la musique de ce qu'elle raconte et des paroles introspectives de Phil Elverum. Déjà, ce n'est pas aussi répétitif qu'il m'a semblé à la première écoute. Certes c'est austère et minimaliste, intense et entêtant avec ce motif de guitare acoustique qui revient sans cesse (et introduit longuement le morceau). Mais c'est très inventif, et ça se module en fonction du fil narratif de manière très intelligente et étonnante, comme si soudain la musique se détachait d'une logique d'accompagnement pour venir illustrer et nous projeter dans ce qui est raconté, par exemple quand Elverum évoque le concert de Stereolab auquel il a assisté ou quand la nature semble reprendre ses droits à intervalles réguliers dans le défilement des photos et de la trame narrative.


Il y a plus de textures et d'idées que je ne l'ai cru au premier abord. Tout cela est permis par la longueur du morceau et sa nature autobiographique et introspective, car Phil Elverum raconte tout simplement sa vie, ses souvenirs et surtout ses états d'âme, en essayant de percer la vérité des choses ("the true state of all things"), tissant ainsi un fil narratif qui se croise de manière chaotique - tel un cheminement de pensée aléatoire - mais finalement pas si hasardeuse que cela - les années 1995 et 2001 reviennent comme des leitmotiv, tout comme sa fascination pour la nature.


Elverum se livre de manière étonnante, il parle de son enfance, de ses premiers pas dans la musique, de souvenirs précis qui ont façonné sa personnalité, sa manière d'être. C'est étrangement familier, détaillé - quasi descriptif -, intimiste mais toujours pudique et poétique, et c'est facile de se reconnaître dans ces tranches de vie apparemment anodines mais fondamentales. On ressent une obsession pour comprendre et déchiffrer les mystères de la vie. Phil Elverum tourne autour de cette idée et cent fois sur le métier remet son ouvrage. Difficile de dire qu'il y arrive - ces choses sont tellement insaisissables - mais par instant il capture des moments qui résonnent, qui trouveront forcément écho dans les histoires personnelles de chacun. Il y a une nostalgie sidérante qui émane de l'album, c'est une ouvre d'une grande mélancolie sur le temps qui passe, les épreuves, la manière dont les choses, l'environnement dans lequel on grandit, les personnes que l'on rencontre, nous façonnent intimement. Si vous êtes du genre à vous retourner sur votre vie, à repenser à votre enfance, à vos parents, vos amours, ce qui vous passionne et vous dévore, Microphones in 2020 va vous terrasser et vous allez y repenser pendant longtemps.

benton
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Albums 2020 écoutés et Les meilleurs albums de 2020

Créée

le 24 sept. 2020

Critique lue 303 fois

4 j'aime

benton

Écrit par

Critique lue 303 fois

4

Du même critique

Beach House
benton
9

Critique de Beach House par benton

Je ne sais par quel miracle la musique de Beach House arrive à créer une nostalgie de rêveries insondables. Les mots ne sont pas assez forts pour évoquer le pouvoir étrange des chansons de ce groupe...

le 7 juin 2012

23 j'aime

5

Goodbye and Hello
benton
8

Critique de Goodbye and Hello par benton

Tim Buckley est presque aussi connu, si ce n’est plus, pour être le père de Jeff Buckley que pour sa musique, et c’est finalement un bien triste constat. Car il suffit d’écouter les albums de Tim...

le 1 juin 2013

17 j'aime

1

Figure 8
benton
9

Critique de Figure 8 par benton

Figure 8 est l'aboutissement logique ayant mené Elliott Smith du folk intimiste à la pop étincelante et fastueuse. C'est en tout cas l'effet que donne l'album, mais il faut avouer que le chanteur est...

le 7 juin 2012

16 j'aime