Parmi les artistes du label Full Time Hobby, invité par les Inrocks à présenter ses artistes le 26 mai à la Flèche d'Or parisienne, l’Américain Micah P. Hinson. Quand il entre sur scène, il y a généralement comme un flottement. Y aurait- il une erreur de casting ? Tromperie sur la marchandise ? Il n’a ni la gueule cassée d’un ex-junkie, ni le charisme brutal d’un ancien taulard, ni le regard insondable d’un rescapé de l’enfer… Frêle, cagneux, sans âge, Micah P. Hinson contredit les clichés romantiques qu’inspire sa biographie. Il pourrait aussi bien être prof de physique ou collectionner les papillons. Il a simplement la mine usée d’un type qui n’a pas toujours eu ce qu’il méritait et qui a renoncé à se battre pour l’obtenir. Méconnu aux Etats-Unis, presque inexistant sur Myspace, Micah P. Hinson ne court pas après la notoriété. Pas plus qu’il ne court après son chef-d’oeuvre. Il l’a déjà écrit. Ça s’appelle The Day Texas Sank to the Bottom of the Sea, c’était le finale grandiose de son premier album et c’est toujours le point d’orgue de ses concerts. Durant sa jeunesse, Micah P. Hinson a emmagasiné suffisamment de souffrances, traversé suffisamment d’épreuves, côtoyé suffisamment de personnages pour nourrir l’oeuvre d’une vie. C’est pourquoi sa musique est un éternel recommencement, une variation lancinante, presque un maniérisme. Son stratagème consiste à changer de groupe à chaque album. Qu’importe la monture, le cavalier, ce cow-boy fragile et pourtant imposant, est reconnaissable entre mille. Son nouvel album, Micah P. Hinson and the Pioneer Saboteurs, ne déroge pas à cette règle d’or. Malgré l’omniprésence des cordes, malgré la sophistication discrète des arrangements, c’est toujours la même désolation, la même aridité. Mais pour la première fois peut-être décèle-t-on une forme de violence, contenue sur le mystérieux The Striking Before the Storm, sourde sur Watchers, Tell Us of the Night, angoissante sur l’instrumental final The Returning. Micah P. Hinson n’est pas un grand chanteur, mais un chanteur impressionnant, qui n’a rien de mélodramatique, rien d’affecté, rien de précieux. Comme chez Johnny Cash, le spectacle s’efface devant la gravité. C’est ce qui rend ses concerts si poignants. Il faut le voir se tordre, affronter le poids de ses chansons, presque trop lourdes, presque trop belles pour lui. (inrocks)

bisca
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le 28 mars 2022

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