Reprises à l'Argus

Lorsque l'on parle de Renaud on ne pense pas immédiatement à sa voix et ses qualités de chanteur, à son timbre agréable où à sa musicalité. On pense plutôt à ses textes, sa poésie, sa tendresse parfois un peu gauche, ses engagements et son univers. Aussi la perspective de le voir revenir avec un album de reprises me semblait un pari particulièrement casse-gueule et étrange. Pourtant Renaud n'en ai pas à son premier album de reprises puisqu'il a déjà interprété des chansons réalistes avec Le Petit Bal du Samedi Soir, les chansons traditionnelles du Nord avec Renaud cante el' Nord, des chansons irlandaises avec Moly Malone et bien sûr les reprises de Georges Brassens. Cette fois-ci il s'attaque au répertoire de classiques de la chanson française même si son orientation ira bien plus naturellement vers des univers dans lesquels les textes et la poésie compte finalement bien plus que la voix de leurs interprètes.

Métèque est donc album comprenant 13 reprises d'artistes dont l'univers et les textes restent assez proches de l'univers de Renaud et qui évoquent pour l'artiste des souvenirs personnels. Après un rapide coup d'œil sur la liste des titres et des interprètes choisis j'étais d'emblée ravi de le voir avant même de l'écouter reprendre La Tendresse de Bourvil, Nuit et Brouillard de Jean Ferrat et surtout à ma plus belle et grande surprise Je Suis Mort Qui Qui Dit Mieux de Jacques Higelin.

L'album s'ouvre sur la reprise du Métèque de Georges Moustaki et première constatation la voix de Renaud même cabossé, peu mélodieuse et abîmé retrouve un je ne sais quoi de justesse et d'élocution. Le titre de Moustaki arrangé sur fond de guitare électrique est plutôt une bonne surprise dont j'oublierai volontiers les derniers moments durant lesquels la voix de Renaud un peu bidouillée à l'autotune reprends quelques phrases du couplet finale. Renaud reprend ensuite L'Amitié la très jolie chanson de Françoise Hardy mais cette fois ci la la voix éraillée du chanteur peine affaire oublié la douceur et la mélancolie de l'artiste d'origine. Ensuite Renaud reprends Boby Lapointe avec le titre Ca Va Ca Vient qui personnellement me laisse relativement de marbre. Puis viennent ensuite un joli bouquet de 4 grands titres du répertoire de la chanson française avec notamment Le Temps des Cerises, Nuit et Brouillard et La Tendresse. Objectivement la voix de Renaud peine dès l'instant qu'il doit monter un minimum dans les aigues et dans ces moments durant lesquelles il se retrouve contraint de chanter de façon plus mélodieuse, pourtant il s'en sort plutôt bien avec des arrangements d'une belle sobriété. Jean Ferrat chantait qu'il twisterait les mots s'il fallait les twister alors il pardonnera sans doute aisément à Renaud de ne pas les chanter avec une justesse irréprochable sur Nuit et Brouillard. Même si il ne me fera pas oublier la candeur et l'innocence avec laquelle Bourvil nous invitait à La Tendresse, sa version de ce magnifique texte reste tout à fait acceptable. Concernant le titre Si Tu Me Payes Un Verre de Serge Reggiani qui va servir de premier single à l'album, il semble tout simplement avoir été fait par Renaud lui-même tant on y retrouve la mélancolie un peu lasse, l'amitié, les amours perdues et le bistrot.

Ensuite viennent quatre titres qui pour le coup font grandement retomber mon attention et mon relatif en,thousiasme. Renaud reprend une nouvelle fois Georges Brassens avec le titre Bonhomme qui est loin d'être ma chanson préférée de l'artiste, même s'il faut reconnaître que Renaud a déjà largement explorer son répertoire par le passé. Renaud reprend également La Folle Complainte de Charles Trenet, un choix un peu étrange alors qu'il aurait pu reprendre des chansons bien plus marquantes, belles et proche de son univers comme L'Ame des Poètes, Coin de Rue ou Que Reste-t-Il De Nos Amours. La reprise de Bob Dylan en version Hugues Aufray avec Le Jour où le Bateau Viendra me laisse assez indifférent et seul la reprise de Hollywood de Yves Montand se démarque un peu de ce gros ventre mou de l'album.

Fort heureusement l'album se termine sur La Complainte de Mandrin chanson populaire de piraterie qui sied plutôt bien au Renard et surtout sur un très bel hommage à Jacques Higelin à travers Je Suis Mort Qui Qui Dit Mieux une chanson méconnu mais magnifique . La voix de Renaud parvient avec cette gravité rocailleuse d'outre-tombe à rendre le texte vraiment très émouvant. Et même si bien sûr je préfère la version originale, je suis très heureux de voir que Renaud a fait ce choix et ce bel hommage au grand Jacques.

Alors bien sûr faire un album de reprises alors que notre voix n'est plus tout à fait juste reste une idée discutable mais pour moi qui ai toujours préférer ceux qui chantait vrai à ceux qui chantait juste Métèque reste peut-être ce que Renaud à produits de mieux en matière artistique depuis 20 ans. On pourra bien sûr regretter qu'il ne soit pas revenu avec de nouvelles chansons, on pourra se moquer de sa voix aux fraises, de sa diction parfois hésitante mais j'ai envie de croire après l'immense déception de son album précédent que Renaud en a encore un peu sous le coude. Et puis quand on se souvient qu'avant Métèque sa dernière contribution artistique était Corona Song on se contentera largement de le retrouver à défendre avec sincérité et parfois maladresse de si jolis textes.