La période 10-25 ans.
Pendant ces 15 années, les albums de musique que vous découvrez, que vous aimez avec passion, se vissent dans votre esprit, dans votre coeur, ou dans vos tripes. Parfois dans les trois.
Et d’autres, quelques rares élus, prennent un tout autre chemin. J’avais 23 ans quand l’album solo de Mark Hollis est sorti en 1998 (oui, je suis vieux), il est l’un de ceux-là. Mon précieux.
Avant ce disque, j’avais déjà été estomaqué par la fin de carrière de Talk Talk. Pensez donc, après un début de carrière pétri de tubes, là où tous les autres groupes de l’époque tentaient de s’accrocher à leur succès, Talk Talk pond 3 albums en 6 ans changeant radicalement de style. L’équation « succès critique »/« suicide commercial » est à son firmament.
Les deux derniers disques « Spirit of Eden » et « Laughing Stock » ont accompagnés bien de mes matins. Oui, je les trouvaient parfaits pour cela, une musique d’éveil. J’étais détendu, et cela m’emmenait loin, m’accompagnant doucement vers la journée.
Et puis, j’y viens, sort l’album solo de Mark Hollis, chanteur de Talk Talk. Pas trop internet à l’époque, je découvre l’existence de l’album lors de mes 48 sorties hebdomadaires à la Fnac et au Virgin, cherchant de la chair fraiche pour mes oreilles et le reste.
Pour cet album, la rencontre se fait au Virgin Megastore des Champs Elysées.
D’abord, la bonne surprise qu’Hollis se lance en solo, ensuite la pochette que je trouve sublime. Celle qu’on se surprend à regarder régulièrement, juste pour le plaisir de ce qu’elle suscite. Que représente-t-elle exactement ? Je l’ignore. Le plaisir est ailleurs que dans la compréhension.
Ensuite, à cette époque que les-moins-de-20-ans-ne-peuvent-pas-connaître, pour écouter un disque, on prenait le CD, on se rendait à une borne d’écoute, et on appuyait sur « Play ». Et là, comme dans une comédie romantique, me voilà seul au monde. Plus rien n’existe à ce moment là où les sons commencent à m’habiller.
Ce disque est d’une telle intimité.
Je me retrouve dans la pièce avec les musiciens, je me représente même la taille de la pièce, son acoustique, sa hauteur de plafond, la matière des murs. Je me retrouve comme le témoin privilégié de l’enregistrement du disque. Je suis avec eux ! Dans la même pièce ! Dingue. La dynamique du disque me rend tellement heureux. Ça respire (ces silences !!!), il y a du souffle, les timbres des instruments sonnent naturels, ça sent le bois, la reverb est d’une délicatesse, il surgit des différences de volume selon les phrases musicales et les instruments qui les font…un régal de naturel.
Et cette voix. Mon niveau d’anglais d’alors est tout aussi minable que l’actuel, mais qu’importe. Il m’en raconte des choses le Mark, et je l’écoute avec plaisir et attention. Et puis, je ne vais pas me cacher, il me bouleverse.
Ce disque, je l’écoute régulièrement. Il me ramène à cette écoute au Virgin à chaque fois, ce moment unique de rencontre entre une oeuvre et soi-même. L’auteur de cette musique ne vous connaît pas, et pourtant, il vise au plus juste de votre être.