LMF
7.1
LMF

Album de Freeze Corleone (2020)

Ils avaient peur d'un album devenu mainstream, d'une perte de sa drill abusivement complotiste avec des feats aux horizons nouveaux, n'étant pas d'actualité dans le Projet Blue Beam (excepté avec Osirus Jack dans Sacrifice de Masse, cependant membre du 667). Mais tout ça est resté au stade de la spéculation. La Menace Fantôme est bien du Freeze Corleone, qui se cache toujours autant derrière le visage complotiste du 667.


L'album commence par une intro ("Freeze Raël") à la une prod ahurissante, aux allures saturées venant rappeler et alerter directement sur le retour de l'agrégé, le tout au piano rappelant le projet T.H.C. Malgré cette intro, qui entre facilement dans les meilleures du rap français, Freeze Corleone continue à tuer les prods (voir "Chen Laden") en lançant "Hors Ligne" qui assure la continuité de l'intro dans le texte, malgré une prod moins mémorable mais terriblement efficace. Vient le feat. avec Ashe 22 se lançant, mais étant moins percutant que leur première collaboration entre le 667 et Lyonzon ("Scellé"), sans pour autant décevoir. Puis Freeze revient dans l'esprit guerrier/jeux (qu'on retrouve dans de nombreux sons dont "L'art de la guerre") avec "Tarkov", relançant des S/o, ici à Andrei Markov, sans replacer Alphonse Karr (edit : dans "Stretch 4", référence à l'écrivain) si présent dans l'album F.D.T., mais l'impliquant par son écriture. Enfin, l'heure est au feat tant attendu entre les deux rappeurs considérés les plus "chauds" face aux textes. Alpha Wann montre une parfaite complémentarité avec Chen Zen, cette fois habile sur de la drill, avec une prod plus entrainante que les précédentes. Malgré ces feats nombreux, des sons entrent entièrement dans la continuité de la marque de fabrique de Freeze Corleone, comme "Stretch 4", "Big Pharma" qui arrive à placer une parfaite relance à un son sous lean, "Desiigner" ou encore "Hors Ligne" et "Tarkov".
Mais attention, cet album, à la différence du dernier projet à des failles. Et, ces failles se trouvent dans certains feats. Le son "Logo Audi" ne permet pas de développer une prod suffisante, un Freeze en retrait face à un Despo Rutti saccadé qui passe totalement à côté du sujet, avec un texte incompréhensible mais pas dans le bon sens que pourrait apporter un Roi Heenok. Le feat avec la F. est aussi une déception sur "Moncler" avec une prod rectiligne et un feat qui fonctionne assez peu. Mais le reste est entièrement réussi puisque les autres partages de prod sont maitrisés, à l'image de la connexion numérologique avec Stavo (13 Block - qui a déjà pu faire un son avec Freeze et Zesau), comparable à la connexion réalisée avec Philly Flingo plus tôt dans l'album.
Mais s'il y a une surprise, c'est bien "R.I.P Pop Smoke" où un coup de maître est réalisé par Tom Jédusor : celui de réussir à poser deux fois le même texte sur des prods si éloignées. La prod donne une autre dimension à l'hommage au ponte de la drill US.
D'autres feat sont particulièrement réussis avec "PDM" où Freeze n'a pas la place centrale du son mais où les 6 minutes passent très vite, avec des couplets s'enchainant aisément. Le titre "L'art de la guerre", ressemblant à une prod que Médine pourrait utiliser, se montre tout autant réussi. Un feat décrié est celui avec le Roi, qui montre encore son décalage face au projet, où Osirus arrive encore à caler un couplet monstrueux, permettant de rendre la track intéressante, plus pertinente que "Pas de refrain" avec Kaki Santana (OBS) où la connexion est déjà établie, mais nécessitant davantage d'entrain.
Le projet se fini comme annoncé dans "Freeze Raël" avec "Chen Laden", étant une fin d'album assez étonnante où on serait en droit d'en demander davantage. Le son est proche du PBB où le texte est particulièrement soigné dans la façon de Freeze. Mais pourquoi en demander plus alors qu'il y a pas moins de 17 sons (+Welcome to the Party) ? Parce que l'album se lance sur des sons maitrisés, puis dès "Pas de refrain", l'album perd de son souffle, tombant à "Logo Audi", mais se relance doucement avec la prod de "RIP Pop Smoke", puis remonte crescendo jusqu'à "Chen Laden", méritant sans doute un nouveau son calmant l'auditeur après un tel album.


En bref, un album en deux temps, aux références encore plus que variées, passionnantes et prenantes, ne lançant cependant pas autant d'intérêt pour les théories complotistes comme PBB, mais étant toujours dans la lignée avec des instrumentales rappelant les projets T.H.C et en particulier F.D.T., des S/o en pagaille, toujours dans le crew et les mettant à profit dans l'album.


Sur les caractéristiques plus techniques des textes, la vidéo du Règlement (sortie étonnamment tôt, pas comme l'album !) sera vous guider dans la compréhension de l'évolution du maître actuel de la drill FR, où je croise ma déception de ne pas avoir plus de références à Star Wars. Mais il reste encore du temps avant de s'attaquer aux complots interstellaires !


Edit : le son Freeze Rael, en plus d'être un coup de coeur semble être plus qu'une introduction en donnant l'orientation à l'album, avec des clins d'oeil à plusieurs tracks. Je m'explique :



  • "Chen Laden dans l'complot comme les Ben Laden, Chiraq comme JB Binladen" référence à la track 17 "Chen Laden",

  • "J'suis dans l'piège pas de bistrot, designer avec le cash de Distro" référence à la track 15 "Desiigner",
    • "Concurrence j'laisse que des mégots, j'suis là pour les dos, peine de mort pour les pédos" référence à la track 16 "PDM",

  • "J'ai mes droits, j'ai mes masters, j'fume de OG, j'fume des master", rappelant la track 9 "Logo Audi",

  • "2020 Menace Fantôme, j'veux la Continental et la Phantom pétasse" référence à la track 11 "RIP Pop Smoke",

  • "Bientôt j'me présente aux municipales", reprenant une phase de "RIP Pop Smoke'" et les 7% d'Hamon,

  • "J'fume des Runtz et des Gelati - Rital dans l'milieu comme Marco Verratti, gros aqua de loud dans la Maserati" phase retrouvée dans "Hors Ligne" avec les références nombreuses au foot italien, le tout accompagné d'une phase de Scellé part.1 "J'brûle des Gelati et des Zushi", dont on retrouve le feat ensuite avec Ashe22,

  • Plus les diverses références à Dakar, aux médicaments appelant "Big Pharma", l'instru proche de celle de "L'art de la guerre", au football, etc. A vous désormais d'en retrouver !


Cette intro montre la parfaite capacité de marionnettiste du Freeze, maitrisant tel Sasori l'ensemble de ses tracks comme des marionnettes, rappelant cette image : Freeze Marionnettiste

Ghoul_V
9
Écrit par

Créée

le 13 sept. 2020

Critique lue 1.2K fois

3 j'aime

1 commentaire

Ghoul_V

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

3
1

D'autres avis sur LMF

LMF
Nicolas_S
8

Dans l'complot comme la NBC

Qu'elle est étrange l'ascension de Freeze Corleone dans le rap français, pourrait pourtant paraitre classique dans cet enchaînement 'collectif underground -> première citation par d'autres...

le 13 sept. 2020

20 j'aime

LMF
Pikaprout
8

Commence bien mais..

J'ai découvert Freeze Corleone il y a 3 ans et j'ai très vite accroché à son délire, j'attendais énormément cette album après avoir saigné PBB,FDT et THC. Au niveau des productions c'est vraiment...

le 11 sept. 2020

18 j'aime

8

LMF
AdrienLe_Merlus
4

La forme, bouée de sauvetage du fond

Absence de structureL'album est plat. Il n'y a aucune évolution car aucune réflexion n'est développée. Mélangez l'ordre des pistes de l'album, vous ne verrez aucune différence. Les mêmes idées sont...

le 7 oct. 2020

10 j'aime

1

Du même critique

Larosh
Ghoul_V
9

On se rappROSHe de l'excellence

Merci mon cap(i)taine ! Un album merveilleusement bien construit, un mixage irréprochable, une broche de featurings maitrisés, des transitions mémorables, une aisance sur tout type de prods, une voix...

le 3 mai 2022

2 j'aime

La grande désillusion
Ghoul_V
8

Vivre.

Analyse - Critique de La Grande Désillusion par Benjamin EppsEn adepte du style d'Epps, appréciant tout son début de carrière comme ses analyses et son discours en interview, c'est avec toute ma...

le 21 avr. 2023

1 j'aime