Le concept m'avait intriguée : un jour, une composition (apparemment mise en ligne au fur et à mesure de la création, gratuitement) ; une semaine pour forger un album.

Je dois avouer l'avoir oublié assez rapidement pour me laisser bercer par la musique en elle-même : au centre, souvent, un piano dont la tonalité feutrée semble appeler, en réverbération nostalgique, d'autres instruments, qui vont former des nappes habillant ce coeur musical. Les violons et les violoncelles introduisent des vibrations tour à tour languissantes, pleureuses ou angoissées ; de petites touches d'électro distordent les sons, les transformant en échos, en pulsations cardiaques.

Plus l'album avance et plus on a l'impression de surprendre un dialogue très intime entre ces diverses couches mélodiques, où les ombres s'étendent, s'effacent, s'oublient dans des traînées lumineuses aux compositions de plus en plus riches, aux nuances colorées qui se décantent, peu à peu, en échos.

Etrange sensation, également, d'être très proche des instruments, tant l'enregistrement est d'une pureté irréprochable : on distingue avec clarté la légère vibration des touches que l'on presse, le frappé de la corde, le son de la pédale qu'enfonce doucement le pied, comme si, assis sous le piano, on assistait à la naissance de la musique. De même, pour certaines mesures de violon, le glissé de la main sur la corde (son qui m'est familier et me fait instantanément monter les larmes aux yeux), ou le léger frottement de l'archet. J'ai cru distinguer, par instant, mais peut-être est-ce mon imagination ? d'autres bruits quotidiens : le tabouret du piano qui grince, des bruits de pas.

La musique ne s'en fait que plus intime, organique, douce. Sa mélancolie imprègne tendrement l'âme, l'apaise, la chahute jusqu'aux larmes, la caresse à nouveau, comme des vagues qui, enserrant un corps aux yeux fermés, le bercent, l'entraînent loin du rivage et lui font oublier le temps.

On ressort de ce bain de sons doucement réverbérés, imprégné d'une mélancolie persistante mais curieusement apaisante, de celle qui, chassant un jour trop plein de stress, ne laisse plus derrière elle que l'écume de quelques souvenirs chéris - les pieds de mon frère, sur les pédales du piano, alors qu'assise par terre, je me laissais bercer par la grande cathédrale de sons qu'il faisait naître du bout de ses doigts hésitants.
LongJaneSilver
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le 1 avr. 2014

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