J'ai toujours été fasciné par ces premiers albums, qui lancent une carrière. Cette étape transitoire entre les brouillons et les chansons d'un artiste accompli, d'un chanteur qui sait déjà qu'il peut et qu'il aura l'occasion d'être écouté. On y voit finalement souvent en germe tout ce qui fera fondamentalement la personnalité de l'artiste. Certains artistes cependant changeront, en bien ou en mal, au cours de leur carrière, d'autres même ne cesseront jamais de se renouveler (je pense à Bob Dylan notamment).
Et puis il y a des chanteurs comme Francis Cabrel, dont le mouvement perpétuel est celui de l'approfondissement, de l'intériorisation, des nouveaux propos mais toujours d’une même identité, d’une même âme. Des rectifications de directions certes mais toujours dans un même sens.
C'est d’ailleurs pourquoi, on comprend finalement assez aisément pourquoi son album "Les murs de poussière" qui n'a pas percé dès sa sortie en 1977, se vendra finalement à plusieurs centaines de milliers d'exemplaire par la suite, une fois l’artiste connu.
Cependant, il faut quand même noter que la chanson qui révélera réellement Cabrel et lancera définitivement sa carrière avec le second album sa carrière, est en réalité la reprise de la plus réussie du premier album : “Petite Marie".
Un petit bijou qui continue encore aujourd'hui de plaire aux nouvelles générations et passe encore très régulièrement à la radio. Pour autant, ce premier album nous livre aussi deux autres belles chansons qui sortent du lot, la chanson éponyme "Les murs de poussière" et "L'instant d'amour".
Les autres pistes de l'album ne sont peut-être pas aussi remarquables, pourtant, chacune à sa manière, apporte sa pierre aux fondements de l'édifice musical, construit par Cabrel au fil des années.
C'est une sorte d' "art poétique" qui définit dès l'origine les caractéristiques du chanteur. La première chanson "Ma ville" est d'ailleurs un bon point de départ où l'auteur affiche sa volonté d'apprécier un autre monde que celui de l'urbanité. L'album, né d'un certain scepticisme à propos de la vie moderne, invite à la recherche d'une vie plus authentique, plus sincère, plus centrée sur des valeurs humaines simples.
Quelles sont donc ces valeurs ? L'authenticité, la terre, la nature, l'amitié, l'amour, la tendresse, la poésie.
Mais ces chansons évitent toujours le côté réactionnaire qu'il pourrait initier. Ces chansons ne nous poussent pas à rejeter la modernité ou le monde froid et modernisé de la ville pour en revenir aux bonnes vieilles valeurs rétrogrades du passé. Non, le passé lui-même, l'Histoire, semble aussi des idéaux risqués. Certes on perçoit malgré tout dans ces chansons, que d'une manière implicite, il y a dans le passé le ciment du présent. Mais comme dans les "murs de poussières", il est aussi danger d’aveuglement et cet album nous invite finalement surtout à en revenir à ce qui fonde le quotidien et la chaleur humaine.
C'est bien l'humanité de l'interprète qui inspirera ses plus grandes chansons, car les émotions sont bien ce que l'auteur maîtrise le mieux. On ne s'étonne d'ailleurs pas que ce soit justement, lorsqu'il parle de cette "Petite Marie" qu'il attire pleinement l'attention de son public. C'est donc bien lorsqu'il se tourne vers l'autre, et c'est pourquoi, il n'est jamais réactionnaire. La bohème et l'étranger, ne sont jamais dénigrés mais, au contraire, l’homme apparait finalement pour lui toujours comme un étranger dans le monde tant qu’il n’a pas réussi à bâtir son propre foyer. Ce caractère bohémien, proche de la nature, amène à un autre caractéristique de l’artiste qu'on retrouve déjà dans cet album : l'amour de la poésie, une poésie du quotidien et de la tendresse, mais toujours une poésie d’antan, une poésie chantée ! Dans “l'instant d'amour”, c'est bien du poète que l'on parle, de la poésie et non d'une simple chanson La chanson se révèle alors une vision du monde ressentie et retranscrite.
Et jamais Francis Cabrel n'a véritablement dévié de sa voie, recherchant toujours la vie authentique, la simplicité des émotions sincères, d'une poésie tendre, loin du milieu du Show-biz qu'il rejetait déjà dans "Change de docteur" et plus généralement le refus d'une politisation du discours, refus de suivre le mouvement, celui des autres dans lequel on se perd soi-même selon le titre de la chanson "Je m'étais perdu".
Si nous n'avons pas ici affaire au meilleur album du poète, malgré quelques très bonnes chansons, il est évident que le voyage au coeur de cet album n'est pas dépaysant aux oreilles des amateurs du chanteur. On y trouve déjà ce qui fait son charme particulier, cette authenticité Cabreliène !


Récapitulatif de mes notes pour chaque piste :
1 Ma ville : 7/10
2 Petite Marie : 10/10
3 Les murs de poussière : 9/10
4 Je reviens bientôt : 6/10
5 Imagine-toi : 5/10
6 Je m'étais perdu : 6/10
7 Madeleine : 7/10
8 L'instant d'amour : 9/10
9 Change de docteur : 5/10
10 Ami : 6/10
11 Automne (Colchique dans les prés) : 7/10

Vyty
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le 28 oct. 2013

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Vy Ty

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