Comme tu le sais, je suis très attaché à mon vieux Pais Occitan.
Ses plages blondes à perte de vue, sauvages et rugissantes en plein hiver, rouillant sereinement sous une tramontane pleine de sel. Ces même plages l'été, piétinées, maltraitées, pliant sous le "surpoids" de touristes aux cous rouges embaumant le monoï bon marché.
Une mer méditerranée mythique, légendaire à mes pieds, crachant en douceur sur la rive des cols d'amphore, des bouts de galion Espagnols ou des bobs "Ricard" élimés.
Un arrière-pays indompté, des montagnes farouches au sol encore brulant des bûchers Cathares.
Des villages imprenables accrochés aux flancs rocailleux des pitons Languedocien.
Des vignes à perte de vue crachant ce vin plein de soleil et de lendemain douloureux. Des oliviers aussi, des cerisiers, des abricotiers et des pêchers de vigne qui colorent les paysages arides et parfument l'air marin.
Des églises Romanes monolithiques, construites d'un bloc, taillées dans la pierre noire des volcans, bardées de remparts et de meurtrières. Les châteaux forts d'un Dieu pas encore apaisé.
Des églises pleines de superstitions, de miracles et de curés bonhommes au nez rouge prêchant le sang tannique d'un Christ un peu trop rédempteur.
Des bistrots aussi, comme s'il en pleuvait. Des bars comme des phares dans la nuit, des escales pour ces grands voyageurs au mégot de "Gitane Maïs" au bec, ces grands navigateurs à casquettes à carreaux tanguant de réverbères en réverbères et venant s'échouer violemment contre les zincs poisseux de ces îlots paradisiaques aux senteurs anisées.
Ces grands navigateurs de bistrots qui ne maniaient pas que le ballon de rosé. Des personnalités fortes, libres et désobéissantes. Des poètes à accents qui roulaient les " r ", les vers et les verres; des libertaires à guitares qui allaient porter la bonne parole de villages en villages comme les troubadours du temps jadis.
Des traditions plein la musette, des sports étranges hérités des temps anciens ( Joutes nautiques, tambourin...), des superstitions à tous les coins de rues, des langues méditerranéennes qui se mêlent, s'entremêlent, dans des patois hybrides et ensoleillés.


Alors c'est vrai que je l'aime bien mon Pais, un petit peu trop même. Mais franchement des noms comme: Brassens, Paul Valéry, Charles Trénet , Bobby Lapointe ou Eve Angeli, ça fait relever le menton quand même.
Mais foin de poètes géniaux, de chanteuses de baloche un brin vulgos. Trêve de Julien Doré ou de Cali.
Place au Rock, que diantre !
La ville de Montpellier - outre le fait qu'il s'y promène les plus belles filles de France - est une ville universitaire des plus dynamiques. La capitale du Feu Languedoc-Roussillon est une ville - grâce notamment à son milieu estudiantin bouillonnant - où une culture Rock prégnante et très active règne depuis bon nombre d'années sur la vie nocturne de la cité.
Des salles tout d'abord. Des salles de répèt' ou des salles de concert municipales comme les salles Victoire 1 et 2, des scènes privés comme l'Antirouille, Mimi la Sardine où le mythique Rockstore où tous les rockeurs de la région sont venus s'abreuver de gros son et prendre quelques tartes dans la gueule dans des pogos épiques. Des marques déposées comme Le Zénith ou L'Aréna et des tréteaux branlants au fond des bars enfumés de la Rue de la Soif. Tout l'attirail pour faire et écouter de la musique est en place.
Des radios ensuite. Des putains de radios aussi libres que les plages du Cap d'Agde. l'Eko des Garrigues, Radio Clapas ou Radio Alligator régnaient en maître sur les ondes Occitanes. Et sur ces radios libres, libertaires, les groupes régionaux venaient cracher leur venin Punk dans ce qu'il conviendra d'appeler Le Rock Alternatif Français. Les tremplins Rock du Rockstore ou "Les États Généraux du Rock" (en 1988 et 89 avec notamment Les Béruriers Noirs, Los Carayos, OTH, etc..) imposent la ville comme un haut-lieu du Rock Alter' hexagonal.
OTH, Général Alcazar, Les naufragés, Tulaviok ou les Molards émergent de ce terreau estudiantin grâce une politique culturelle de la ville audacieuse - menée par le César Montpelliérain: Le tonitruant Georges Frêche - axée sur la jeunesse et encadrée par des milieux associatifs très actifs.


Sur ce terrain fertile, un groupe a prospéré comme un buisson de ronces en pleine nature: Les Sheriff.
Manu ( Batterie/Compositeur), Olivier (Chant/Auteur), Fred( Guitare), Michel (Basse) et Fab ( Guitariste qui rejoint le groupe en 1989) partent à l'assaut du Punk-Rock hexagonal avec des riffs de gratte "Ramonesques", des paroles simples, fendardes et une énergie démentielle.
Après 4 albums studios - Pan !, 3, 2, 1... Zero!, Le Grand, le Maigre, le Petit et le Gros et Du Goudron Et Des Plumes - Les Sheriff vont lâcher sur le petit monde de l'Alter Français, ce qui reste encore aujourd'hui, le meilleur live de ce mouvement: Les 2 doigts dans la prise.
" On est les Sheriff et on fait du bruit ! ! !" c'est par cet avertissement que débute ce live bouillonnant. 31 Chansons comme trente-et-une claques dans la gueule. 70 minutes à 200 à l'heure, où le groupe enchaîne les morceaux à la "Ramones", sans coupure, sans que l'énergie ne retombe d'un iota. Les Shériff nous tiennent par les cheveux au dessus du sol durant tout le concert et nous jettent durant une heure dans un pogo démentiel.
Les morceaux sont courts, nerveux, ils accrochent immédiatement l'oreille grâce à un sens de la mélodie, du riff efficace - qui font flirter les Punk Héraultais avec une Power Pop plus musicale - et des choeurs plus soignés (moins bien qu'en studio tout de même) que les autres formation du mouvement.
Des petits bijoux Punks ultra-efficace comme Je veux savoir pourquoi (" Je me demande comment font les Chinois pour marcher avec la tête en bas..."), Pendons les haut et court ("Pas de pitié pour les jolies demoiselles qui passent leur temps à s'amuser entre elles..."), A coups de batte ou J'aime jouer avec le feu ( "Mais j'aime pas me bruler") et bien d'autres, maintiennent le live dans une urgence trépidante et une qualité (malgré quelques titres moins percutants, sur 31 c'est la moindre des choses) bien au dessus de la moyenne. Les Montpelliérains balancent leurs morceaux à la gueule d'un public éméché et ébréché et en profitent pour "remaker" "IBM" d'OTH et la punkissime "I feel Alright" des Stooges où fort heureusement les lacunes en Anglais d'Olivier sont remplacées par une énergie électrisante.
Enregistré dans un bar en Bretagne, dont les survivants de ce set magique, parlent encore des pogos épiques, des bières éclusées et des chicots explosés qui traînaient par terre avec une nostalgie touchante. Les Sheriff sortent avec Les 2 doigts dans la prise "Le meilleur de" version live en dynamisant et "punkisant" les morceaux - déjà speed sur les versions studio - en jouant vite et fort comme pour épuiser un public qui restera insatisfait s'il sort du concert avec toutes ses dents ou sans une goutte de sang qui lui coule du pif.


Une galette aux douces effluves d'une époque passée, l'époque bénite d'un Punk/Rock Français vivant et prolixe qui luttait comme il le pouvait et avec ses propres armes contre ces maisons de disques Parisiennes frileuses et une télévision conservatrice (Déjà).
Des médias - excepté quelques émissions ( Les enfants du Rock, Rapido...) - qui ne faisait aucun cas d'un mouvement, certes underground, mais qui drainait tout un pan non-négligeable d'une jeunesse fatiguée du Top 50 et de Michel Drucker.
Les relents d'un monde révolu où les keupons te faisaient tourner leur bière dans la rue, où les gonzesses se baladait avec un rat dans la poche, où tu partageais ton bédo avec tous les mecs qui hantaient les ruelles à bistrots de nuit, et où le Languedoc accueillait les bras ouverts toutes ces hordes de jeunes qui voulaient faire du bruit.


Ce bon vieux temps où les Sheriff faisaient encore régner le désordre sur la ville.

Ze_Big_Nowhere
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le 16 janv. 2017

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Ze Big Nowhere

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