Œuvre complexe et complète, Le Sacre du Travail est une merveille de prog à l'ancienne, nimbée d'une touche orchestrale particulièrement efficace. Et c'est à l'esprit génial d'Andy Tillison que nous devons cette grande réussite.


Andy c'est l'homme derrière The Tangent, c'est lui qui a composé intégralement cette pièce en cinq actes, et qui pour l'interpréter s'est adjugé les services d'une dream team assez impressionnante. Jugez plutôt : A la basse, Jonas Reingold, membre des Flower Kings, Kaipa et Karmakanic, et qui a également fondé The Tangent aux côtés d'Andy et de Roine Stolt ; les guitares sont assurées par Jakko Jakszyk, un mercenaire au talent exceptionnel et qui a bossé avec presque tout le monde dans le milieu, mais on retiendra surtout deux grands noms : Steve Hackett et Robert Fripp, excusez du peu ; Gavin Harrison, membre de Porcupine Tree, est à la batterie ; et enfin, Theo Travis, que l'on ne présente plus, assure les instruments à vents. Aux claviers et chant principal, c'est Andy bien sûr, et comme les bons comptes font les bons amis Rikard Sjoblom de Beardfish est venu poser sa voix en tant que narrateur sur l'introduction.


Ce sont donc cinq parties qui constituent cette pièce magistrale, dont le titre (en français dans le texte) est un hommage au Sacre du Printemps d'Igor Stravinsky. Projet ambitieux, l’œuvre est une longue référence aux sociétés utopistes, à mi-chemin entre la nostalgie d'une époque où les idéaux primaient et la dénonciation du collectivisme forcé, position fréquente parmi les penseurs de gauche. Mais comme c'est surtout la musique qui nous intéresse, penchons-nous plus en détails sur ce Sacre du Travail.


Cinq parties donc, cinq ambiances différentes mais qui cohabitent à la perfection, au point qu'on aurait pu aisément considérer l'ensemble comme un tout, au moins au niveau thématique, même si la facilité d'écoute s'en serait vu nettement amoindrie. Elle n'est guère présente pour autant, cette facilité, malgré le découpage : aux oreilles chastes qui n'ont pas vécu Tales Of The Topographic Oceans dans tous les sens, pour ne donner qu'un exemple, il sera difficile de s'y retrouver. Laissez-moi vous guider.


Après un intro relativement courte, c'est la deuxième partie, Morning Journey & Arrival, qui représente le premier gros morceau de cet album. Longue pièce de vingt minutes aux nombreuses structures mélodiques, lesquelles s'enchaînent à merveille. Dans le style fusionnel qui caractérisait le rock progressif des années 70, on y distingue des ambiances rock, prog, jazzy, funk même, et l'interprétation est tout simplement magistrale. Dans la deuxième partie, qui elle aussi atteint presque les vingt minutes, le ton est plus dur, plus heavy pour être clair : après une introduction assez expérimentale, le goût d'Andy pour les mélodies se fait toujours sentir mais cette fois c'est un peu moins épique, et plus agressif. Sans doute plus difficiles à aborder, les thèmes particulièrement réussis de ce morceau sont là aussi au croisement de plusieurs influences, mais surtout jazz et prog compliqué. Après le court et bel interlude qu'est A Voyage Through Rush Hour, l'album se termine en beauté sur Evening TV, douze minutes de bonheur progressif. Mélodies chatoyantes, riffs entraînants, refrains héroïques, le final est magnifique. On y écoutera avec plaisir un passage chanté en français, la langue de cœur d'Andy qui est un amoureux de notre pays.


Ce Sacre du travail est une très grande réussite pour Tillison et son Tangent. Il est rare de voir des œuvres aussi ambitieuses ne présenter qu'aussi peu de faiblesses, à vrai dire je n'en vois aucune, si ce n'est celles qui sont inhérentes au style : complexité, sons qui peuvent être rébarbatifs aux non-initiés, et la longueur des séquences bien sûr. En résumé, pour les amateurs de prog c'est un des albums de la décennie, et pour les autres ce n'est guère la meilleure porte d'entrée dans le style : on lui préférera le Raven de Steven Wilson, plus hybride et moins complexe.

Silvergm
9
Écrit par

Créée

le 20 mai 2021

Critique lue 15 fois

Silvergm

Écrit par

Critique lue 15 fois

Du même critique

Anthems to the Welkin at Dusk
Silvergm
10

Avalanche occulte

Il existe peu d'albums pour lesquels on peut sans hésiter employer les qualificatifs suivants: légendaire, fondateur, mythique, et mettre un 10 les yeux fermés. Anthems To The Welkin At Dusk est de...

le 19 déc. 2017

16 j'aime

2

Fire of Unknown Origin
Silvergm
10

Classique indémodable

Réduire un album génial à une seule chanson, aussi exceptionnelle soit-elle, ne pourrait que jeter le trouble sur la partialité du chroniqueur. Et pourtant, difficile ici d'échapper à l'ombre...

le 12 juil. 2014

13 j'aime

2

In the Court of the Crimson King
Silvergm
10

L'album prog ultime?

In The Court Of The Crimson King, An Observation By King Crimson, c'est l'histoire du plus grand guitariste prog à ce jour, et dont je doute qu'il sera un jour égalé, Sa Majesté Robert Fripp. C'est...

le 17 juil. 2014

9 j'aime