Il y a quelque chose de familier, voire de routinier, et pourtant d'incertain, dans chacun des albums de Dominique A. Quelque chose d'ambivalent, de rassurant et de troublant. Car si depuis dix-sept ans il affirme un son très spécifique, un art confondu du ton et du demi-ton, un phrasé reconnaissable dès les premières secondes - si, en somme, il continue de creuser un même sillon en dépit de quelques échappées plus ou moins rock -, il ne donne pas l'impression de trop tourner en rond.Illustration encore avec ce huitième disque studio, où résonnent en écho les sept précédents : du « pur Dominique A », pourrait-on dire, tant on y retrouve l'élégance de son vibrato, de son écriture parabolique, de son vocabulaire précis, voire précieux (on ne croise pas « sybarite » dans tous les refrains) ; du pur, donc... et surtout du bon Dominique A, tant le chant presque féminin de cet homme qui s'assume désormais tout à fait va droit à l'essentiel. Grâce d'une interprétation d'une subtilité rare sur la scène pop-rock, et justesse de textes qui frôlent le désespoir sans jamais s'y attarder. A l'image du premier titre, très beau, Le Sens, soufflé d'une voix fragile et prenante ; quête effrénée et retenue à la fois, questionnement sans fin sur la finalité de l'existence. « Aujourd'hui, braderie, j'offre tout ce que j'ai, je donne tous mes objets, mes souvenirs aussi, contre un sens à ma vie. Même que pour des vacances, même que le temps d'une danse. » Ou d'un disque. (Télérama)


Si chaque album de Dominique A est un miroir tendu aux émois et tourments de son auteur, on peut d’ores et déjà avancer que La Musique s’écoute, non comme un retour au calme, mais comme une seconde jeunesse. Entre lui et nous, s’ouvre aujourd’hui un horizon débouché, libéré des crispations antérieures et des tentatives pompières qui plombaient le luxuriant Tout Sera Comme Avant (2004). C’est aussi une redécouverte, celle du travail en solitaire et de l’impureté formelle. “J’aime bien respirer, j’aime bien me sentir seul/ J’aime avoir de la chance et me faire embrasser”, entend-on sur l’existentiel et sublime Le Sens qui ouvre les festivités sur une boîte à rythmes discrète, un chant meurtri et des chœurs en crescendo ravageur. Mais s’agit-il pour autant de la résurrection de La Fossette (1992), chef-d’œuvre inaugural dont on ne se lassera jamais ? Pas vraiment, car le quatre-pistes de Dominique A en possède aujourd’hui trente-deux et que l’expérience acquise n’est plus tout à fait de l’innocence. Avec son titre générique, La Musique jouit d’un geste ample qui brasse une succession d’états polychromes, où une allégresse fortifiante (Immortels, Le Bruit Blanc De L’Été) le dispute à une part d’ombre pleinement assumée et nimbée de mystère (Qui Es-Tu ?, Les Garçons Perdus, Hotel Congress). Ces titres introspectifs sont aussi les plus émouvants qu’on ait entendus depuis longtemps et renvoient directement à Remué (1999), disque électrique en avance sur son temps dont on comprend mieux, avec dix ans de recul, toute la beauté maladive. Après s’être fourvoyé dans un ressassement atonal pas très enthousiasmant, Dominique A tutoie à nouveau les cimes et sa musique, d’une densité folle, s’abreuve à la source d’un artisanat inouï qui n’appartient qu’à lui. (Magic)
Dominique A, en quelque quinze ans de carrière, a largement exploré tous les champs de la chanson française, et même au-delà. Alors, après le splendide "L'horizon", album ample et riche, qui mêlait mélodies raffinées, richesse des arrangements, moments introspectifs et libérés, nombreux se seraient demandé quoi faire. Dominique A y répond indirectement avec simplicité en intitulant son nouvel album "La musique" et avec un premier titre qui le voit clamer "j'ai beau chercher/je n'ai pas trouvé le sens..." . En fin de parcours, sur l'élégant La fin d'un monde, petit tango léger, il nous dit "tu pourras dire plus tard/j'aurai connu la fin d'un monde/en attendant plus tard/occupe-toi des prochaines secondes". Dont acte : rien ne sert de se retourner la tête, c'est l'envie et le talent qui dictent leur loi et font qu'un artiste a encore des choses à dire ou pas sans s'occuper de postérité ou de bilan. Il ne faut néanmoins pas croire que Dominique A joue les débonnaires et ne se préoccupe pas de ne pas se répéter. Ainsi, sur la forme, si "L'horizon" était un disque organique, varié dans son instrumentation, et plutôt chaleureux, "La musique" se révèle beaucoup plus resserré sur l'essentiel. Une boîte à rythmes remplace la batterie sur la majorité des morceaux, l'instrumentation est souvent réduite, ce qui n'empêche pas sa verve poétique et mélodique de s'exprimer, comme sur le touchant Hasta que el cuerpo arguante. Plus encore, "La musique" se révèle passionnant lorsque les instruments laissent la place à des textures électroniques, versant électro-pop sur Les garçons perdus, pour devenir presque gothiques sur La musique et plus encore Je suis parti avec toi, titre emblématique du talent de Dominique A qui sait plaquer des mots forts et justes sur des arrangements protéiformes. Sur Hotel congress, Dominique A se fait narrateur, les textures électroniques sont lentement adoucies par des cordes puis la mélodie d'un piano, et c'est captivant. " La musique" est donc un album à la fois sobre et foisonnant, bien à l'image de son auteur : sans frime, bourré de classe, épuré sans oublier d'être exigeant. 2009 est l'année où la chanson française se retrouve orpheline d'un de ses plus dignes représentants, mais Dominique A garde la flamme vivace. Merci à lui. (indiepoprock)
bisca
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le 22 mars 2022

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