Quoique fasse Mickael Furnon désormais, il gardera à son actif trois premiers albums de pop-rock purement magiques, laissant derrière lui une patte inimitable, caractérisée par un grand arc en ciel musical, une voix monotone et des paroles naïves. Pour certains, de "naïves" à "connes" il n'y a qu'un pas, mais on ne va pas relancer le débat : il est depuis longtemps évident que quelques mots valent parfois bien des débordements poétiques à 2 francs 6 sous.


Un petit flashback : Matador marquait le pas quatre ans auparavant, et ce pour plusieurs raisons. L'une des erreurs fut sans doute de reléguer ses deux collègues à un rôle plus que secondaire, eux qui gardaient une main mise sur la composition de la majorité des titres jusque-là. Mégalomanie ? Mésententes ? On ne sait pas, et on ne saura sans doute jamais, mais les couleurs étaient plus ternes. Et puis Furnon y montrait parfois un visage militant sans grande finesse... Cependant l'album restait globalement bon, la faute à un talent inné de songwriter. Sans grande surprise le groupe se dissout peu de temps après la fin de la tournée. On ne le dira jamais assez, c'était un geste courageux vu le statut commercial du collectif stéphanois.


On passera plus rapidement sur l'escapade solo Mickey Tout Seul, pas mauvaise mais trop sage... L'essentiel étant qu'aujourd'hui, hop là sans prévenir, Mickey 3d revient. Enfin pas Mickey 3d mais Mickey [3d]. Ca veut dire quoi ce vague changement d'identité ? Tout simplement que Furnon reste seul mais qu'il revient au style bigarré qui l'a fait connaître au grand public. Pour autant les collaborations sont nombreuses et l'une d'entre elles est particulièrement troublante : c'est la présence de cette voix féminine récurrente, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de Najah El Mahmoud, ancienne Mickey 3d (la jeune femme est d'ailleurs créditée dans l'écriture de trois titres). Comme si le français avait du mal à se détacher des ses anciens amis, mais que le fossé qui les sépare désormais était beaucoup trop grand...


D'une certaine manière, à l'image de Najah El Mahmoud, sorte de membre fantôme, la réalisation de La Grande Evasion est inscrite dans l'ombre, placée sous le signe de questions auxquelles nous n'aurons probablement jamais de réponse. Qu'est ce qui a réellement poussé Furnon à relancer la machine, que vient faire Najah dans la composition de ces titres quand elle est censée ne plus faire partie du projet, et que sa voix est supplantée par une inconnue ? Pour tous ceux qui se sont intéressés de prêt au groupe, ces questions flottent irrémédiablement sur l'album, et cela lui confère une tonalité tout à fait particulière, empreinte de nostalgie; de regrets aussi.
Cela tombe plutôt bien, puisque La Grande Evasion est empreinte de ces sentiments, avec ses histoires d'amour impossibles à la verdeur terrible ("Je M'appelle Joseph", "L'homme Qui Prenait Sa Femme Pour Une Plante", "Montluçon", "La Fille Du Cannibale") ou ses romances gâchées ("Yula", "Méfie-toi L'escargot", "La Footballeuse De Sherbrooke"). Ce sont de loin les chansons les plus belles, reléguant les agréables "Playmobil", "1988", "Paris T'es Belle" et "La Chanson Du Bonheur Qui Fait Peur" au rang d'honorables faces B.


Un peu en marge, "Personne N'est Parfait" attaque frontalement et avec brio la question de la mort, tandis que "L'arbre Du Petit Chemin" émeut une fois de plus sur la thématique de la nature. Curieusement, "Les Vivants" laisse un peu sur la touche, malgré ses cordes et ses paroles magnifiques, qui reprennent l'histoire de la vie en quelques strophes.


Au final, Furnon a retrouvé une verve d'écriture et de composition qui rappellent de grands moments passés. Dans la forme on est plus près d'un Tu Vas Pas Mourir De Rire que de La Trêve ou Mistigri Torture, mais dans le fond, le français semble avoir mis de côté ses préoccupations d'éternel gamin pour se laisser porter par ses sentiments d'adulte. Comme il le faisait dans son album solo mais avec plus de mordant et d'efficacité... En cela, l'artwork, ainsi que l'ouverture et la fermeture du disque, résolument portés sur l'enfance, sont trompeurs.
Pour autant, il faut absolument évoquer le final, en guise de chanson cachée: quelques accords de guitare sèche posés sur des chants d'enfants, dont la chef de choeur est leur maîtresse d'école. Ce moment capté est d'une pureté à tomber, bouleversant.


Beau disque, donc, sans aucun doute, et qui revisite tout ce que l'on connait de l'homme jusqu'à ce jour : une belle palette de sentiments en somme, et un bel arc-en-ciel, une fois de plus.

Francois-Corda
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le 29 août 2018

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François Corda

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8

Critique de La Grande Évasion par Gzavié

Mon préféré des 5 ! Même avec le changement de chanteuse c'est toujours aussi bon ! à écouter sous la terrasse avec un(e) bon(ne) ami(e) et hop ont refait le monde ! Bonne écoute !

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