Jukebox
6.7
Jukebox

Album de Cat Power (2008)

Avec Jukebox, Chan Marshall, alias Cat Power, se prête pour la deuxième fois à l'exercice du disque de reprises. En 2000 il y avait eu le Covers Record, douloureuses relectures, parfois à la limite du reconnaissable, de classiques des Stones ou de Nina Simone. Cat Power était alors la frêle Américaine, un grand oiseau blessé, la chasse gardée des gardiens du temple du folk-rock indé. Depuis, Chan Marshall s'est métamorphosée. En 2006, avec The Greatest, épaulée par des musiciens vétérans de la soul de Memphis, elle parvenait à vaincre ses démons, s'assumant comme chanteuse-performeuse décomplexée, libérée, sans rien délaisser de sa si précieuse sensibilité. C'est fort de cette confiance en elle enfin trouvée qu'elle nous livre ces réinterprétations de son juke-box intime. Ici, les standards de ses mentors (Hank Williams, James Brown, Billie Holiday, Janis Joplin, Joni Mitchell, Bob Dylan...) ne sont pas maltraités, juste revisités, sans copier, avec tendresse et respect. Même le surprenant et court New York New York (attribué à Sinatra plutôt qu'à Liza Minnelli) n'a rien du clin d'oeil teinté d'ironie, juste une pointe d'humour bienvenue. Cat Power semble ici heureuse de revendiquer son appartenance à une lignée d'artistes et de compositeurs qui l'ont inspirée, dont elle perpétue, à sa manière, l'esprit indépendant, frondeur, émotionnellement investi. Et si elle réserve un petit inédit de sa plume à son cher Bobby (Dylan, qui d'autre ?), elle s'autorise à reprendre son propre Metal Heart d'il y a dix ans comme pour mieux évaluer le chemin parcouru entre-temps. Certains pourront continuer à regretter la fragilité des arrangements de leur Chan d'antan. Les autres trouveront que le roots-rock assuré mais de goût qui l'accompagne désormais ne sert qu'à valoriser mieux encore le timbre délicatement affirmé de l'incompa-rable Cat Power. HC


Sur la pochette de Jukebox, Chan Marshall a une mouche noire sur la joue gauche. Pas un petit insecte ailé de l’ordre des diptères, mais une coquetterie de maquillage que lui a peut-être déposée là Karl Lagerfeld, son ami poudré. Cette mouche, on voudrait la chasser doucement du revers de la main, comme on aimerait oublier les immenses réserves que nous inspire le huitième album de Cat Power. Jukebox est un album de reprises, trouvées dans le panthéon de la grande musique américaine : Sinatra, Hank Williams, James Brown, Dylan, Billie Holiday, Janis Joplin, Joni Mitchell – rien que ça, parce qu’elle le vaut bien, la grande diva indé des années 90-00. Chan Marshall a sorti un premier album de reprises il y a huit ans, il s’appelait The Covers Record. Entre l’album de reprises et le jukebox, il y a la mise en boîte, la technique, quelque chose de machinal, Chan Marshall est passée de l’inspiration à la simple interprétation. Souvent méconnaissables, les reprises de Jukebox se déroulent sous forme de vocalises majestueuses, sur un tapis de musique millimétrée, jouée avec savoir-faire, feeling et compétence par un backing-band de bons zicos sans imagination. Jukebox est ce qu’il convient d’appeler l’album de la maturité : propre, carré, ouaté, oui, complètement ouaté. Son album le plus accessible, et pourtant le moins touchant. Si c’était un premier album, on pourrait saluer l’apparition d’une nouvelle chanteuse folk-soul consensuelle, façon Norah Jones ou Joss Stone. Malheureusement pour nous, on a trop aimé ses précédents disques pour accepter cette soudaine baisse du pouvoir de chat. Une bonne chanson de Cat Power, c’est une voix qui déchire le cœur, hérisse le poil, donne le frisson, crée de l’émotion, parle aux fantômes : une solitude à partager. Et ici, c’est globalement le calme plat, juste une belle voix anesthésiée par une musique impersonnelle. Cela (tristement) dit, on peut débrancher le Jukebox, en espérant la suite.(Inrocks)
Ils sont venus nombreux, ils sont contents et debout pour le montrer. Les gens applaudissent à tout rompre pour saluer la prestation de Cat Power & The Memphis Rhythm Band ce soir de novembre 2006 au Grand Rex. Amour aveugle pour une chanteuse attachante ou infini contentement de voir le prix des places largement amorti par la présence d’un véritable orchestre soul sur scène ? On laisse chacun à la joie d’être content pour s’éclipser avant la fin du dernier rappel, un peu consterné par le spectacle lisse et parfois grotesque d’une Chan Marshall faussement décontractée, mal entourée par de vieux requins qui assurent le job sans laisser place à une once d’émotion. Dans une certaine mesure, Jukebox réveille un peu cette sensation étrange de fausseté. Si The Cover Records (2000) était radical et minimaliste, ce nouveau recueil de reprises est tout en rondeurs, soigneusement orchestré et arrangé jusqu’à en être par moments assez pépère. Avec un côté pastiche fastoche un peu énervant : Aretha, Sing One For Me (rock mâtiné de soul sans âme), I Believe In You (petite génuflexion convenue aux pieds de Bob Dylan) ou New York (humeur de crooner) ont de jolies allures d’exercices de style un peu vains. Heureusement, la magie opère aussi et il y a dans ce Jukebox des merveilles : l’acoustique et délicate Silver Stallion, une reprise à couper le souffle du Woman Left Lonely de Janis Joplin ou la sublime Don’t Explain (où Chan Marshall marche sur les pas de Billie Holiday, accompagnée par une batterie à peine caressée, une basse parcimonieuse et un piano grave). L’heureuse constante du disque, c’est la voix de la jeune femme, qui n’a jamais été aussi belle et teintée de mille nuances magnifiques. Son chant a gagné en assurance, en profondeur et en sensualité. Nous n’aurions pas parié là-dessus il y dix ans, mais le fait est que Chan Marshall est devenue une grande interprète. L’autre bonne nouvelle, c’est que deux des meilleures chansons de Jukebox sont des compositions originales : une nouvelle version de Metal Heart très réussie et l’inédite Song To Bobby, merveille tressée d’arpèges de guitare et piano qui laisse grande ouverte la porte sur un avenir radieux. (Magic)
D'emblée, on ne sait pas trop quoi penser de ce déjà second album de reprises de Cat Power, qui arrive de surcroît dans un emballage un peu pute : une sérigraphie colorée de Chan Marshall posant dans un style "prête à tout depuis que je me suis découverte warholienne" qu'on peut légitimement trouver limite. Forte du succès de "The Greatest", devenue enfin une icône chic pour grands couturiers, la Miss americana du folk indé semble payer son tribut à la gloire, ou quelque chose comme ça. On a assez vite envie de jeter l'objet aux orties. Mais ce serait oublier que la trajectoire musicale de Cat Power est à la fois beaucoup plus cohérente et retorse que ce qu'on redoute.

Cohérence il y a, dans la mesure où cet album suit le tracé soul-rock du précédent album, de la même manière que "The Covers Record" raréfiait l'oxygène des compositions des Stones, Dylan, Reed et autres vénérables, comme si elles étaient toutes issues de chutes de studio lo-fi des premiers albums de Cat Power. Ayant largué les amarres de l'austérité anxiogène, les nouvelles reprises s'habillent de couleurs chamarrées et d'une nonchalance vocale qui rappellent que, définitivement, Chan Marshall s'en va voir ailleurs. Plus de refrains châtrés, de plongée dans l'intime, de sanglot vocal taillé dans le cristal de roche. En lieu et place, une grâce somnambulique, parfois au bord de l'absence, qui reste franchement charmeuse. Et parce qu'elle est aussi retorse, parce qu'elle doit un peu s'en foutre de sa carrière et en même temps, fine mouche, surfer sur la vague du succès pour se donner la liberté de chercher, à son rythme, une nouvelle inspiration musicale, la chanteuse propose, avec cet album, un divertissement récréatif sur le mode : "vous reprendrez bien un Martini olive le temps que j'aille changer de robe". Bref, elle nous laisse un message d'amitié un peu négligent le temps de se refaire (une santé, une fortune, on ne sait plus très bien). Alors, prenons ce disque pour ce qu'il est. Un apéritif gouleyant et léger. Un truc qui donnera envie de saveurs plus âpres par la suite. Et c'est déjà pas mal. Franchement, ça commence de façon relativement intéressante, avec un "New York New York" chanté du bout des lèvres et vite poussé vers sa fin, un "Ramblin' Woman'' ménageant de beaux contrastes, une reprise vocalement habitée de "Metal Heart" (la guitare vient tout de même un peu tout saloper, mais bon), et un pudique "Silver Stallion". La suite n'est pas indigne... On peut trouver çà et là les accompagnements un peu trop présents, trouver que Chan Marshall (après Bowie ou Bashung) ne rajoute pas grand-chose à la gloire de Dylan par sa chanson-hommage inédite ("Song to Bobby"), mais c'est véniel. Il reste une habileté, une patte, une manière de tirer vers la lumière même Billie Holiday ("Don't Explain") qui font tout l'intérêt de cette récréation. (Popnews)


Deux ans après la consécration de "The Greatest", où Chan Marshall laissait de côté ses atours d'écorchée vive sans délaisser l'émotion pour un grand numéro qui l'avait vue s'assumer comme une des plus belles plumes et voix du moment, la revoici pour la seconde fois dans l'exercice de l'album de reprises, après "The Covers Record" en 2000. Allions-nous avoir droit à un retour à des ambiances plus brutes ? A un disque vite expédié, surtout voué à faire patienter les foules ? Ou bien à la confirmation de la nouvelle direction prise par Cat Power ?C'est d'entrée cette dernière hypothèse qui s'impose. "Jukebox" confirme les choix faits sur "The Greatest", avec une instrumentation simple et soignée, qu lorgne aussi bien du côté de la soul que du folk. Chan Marshall vient poser sa voix sur ces morceaux d'autres grandes voix américaines (Sinatra, Billie Holliday) et leur fait honneur sans fausse note, scellant définitivement son statut. On notera surtout New York, avec un parti pris plus grave que l'original des plus pertinents, Don't Explain avec son chant fiévreux et ses notes récurrentes de piano. Mais plus encore, on se laissera transporter par Metal Heart, dont l'original avait pour auteur... Cat Power ! Le fait que Chan Marshall elle-même soit l'auteur du morceau le plus réussi de l'album est assez significatif. Car s'il serait mal venu de nier que Cat Power est une des personnalités les plus fortes du paysage musical américain actuel et qu'elle mérite le statut qu'elle s'est forgée, on a le sentiment qu'elle vient prendre place parmi ses pairs sans les bousculer, poliment, de manière un peu trop lisse. On ne relève pas de reprise maladroite ou réellement ratée sur "Jukebox", mais il pointe parfois un léger ennui, le sentiment que cet album a des allures de "musique de salon". Classe certes, mais le relief un peu en berne. C'est notamment le cas sur Lost Someone ou I Believe In You. On ne va donc pas chercher querelle à Cat Power, mais simplement lui dire que l'on préfère lorsqu'elle se livre sans fard avec ses mélodies et ses mots à elle, et ajouter gentiment qu'il serait dommage qu'elle découvre les vertus des pantoufles. (indiepoprock)
Cela fait plus de dix ans maintenant que Cat Power, Chan Marshall dans le civil, tient une place de choix sur la scène rock indépendante mondiale. Et pour cause, appuyée par une discographie à rallonge, la belle Américaine aura imposé une voix qui fait désormais l’unanimité, dont l’âme remplit l’espace à chaque fois qu’elle résonne, et cela qu’on apprécie ses choix en matière d’orchestration, de composition, ou non. En effet, ils sont quelques-uns à préférer ses premiers disques à ses derniers, mais Chan Marshall garde incontestablement son organe intact. Elle le prouve une nouvelle fois en ce début d’année avec “Jukebox”, un album de reprises, exercice auquel elle s’était déjà adonnée en 2000 avec “The Covers Record”.Sur le papier, pas de quoi faire frémir le grand public, du moins celui qui ne la connaîtrait pas encore. Sauf que lorsqu’on s’appelle Cat Power, on ne se plie pas bêtement à ce concept, on le flanque sans retenue de sa personnalité artistique, d’un minimalisme bien connu, au point qu’on en oublierait presque les originaux, parfois très éloignés de ce que Chan Marshall en a fait ici. Et cela, même si la belle, à la différence du premier volume, reprend des titres qui lui sont chers, entourée de musiciens et non plus en formations piano/voix ou guitare/voix (à l’exception de “Silver Stallion”) qui avaient l’avantage de jouer la carte non négligeable de l’intimité, de la proximité, relevant encore plus la beauté de sa voix . Ici et sur chaque titre, un semblant de mélodie est préservé tandis que le reste est rasé puis reconstruit. C’est pourquoi il n’est pas forcément évident de reconnaître le “New York New York” de Sinatra quand Cat Power s’y colle. Idem sur le “Ramblin Man” de Hank Williams (”Ramblin (Wo)man” ici) dont elle écarte l’entrain pour en faire une belle balade pop/soul, le “I Believe In You” de Bob Dylan soudainement électrisé, ou le “Don’t Explain” d’une Billie Holiday modernisée. Parfois pourtant, Chan Marshall se montre plus respectueuse, comme sur le “Lost Someone” de l’inégalable James Brown, les “Blue” de Joni Mitchell et “Silver Stallion” de The Highwaymen qu’elle rend pourtant légèrement plus soporifiques encore, ou le “Woman Left Lonely” de Janis Joplin.Ajoutez à cela une revisite de son “Metal Heart”, déjà au tracklisting de “Moon Pix”, l’inédit “Song To Bobby”, plus linéaire que ce à quoi elle nous avait habitué, et “Jukebox” s’inscrit autant dans la lignée de “The Greatest” que dans celle des plus vieux albums que les fans regrettent toujours. Incontestablement, il règne ici une osmose perceptible entre Chan Marshall et ses musiciens qui prouve qu’un album de reprises ne s’apparente pas forcément à un vulgaire karaoké. On parlera donc plutôt de performance, car “Jukebox”, bien que très inspiré, ne se hisse pas au rang d’un véritable album. (Mowno)
bisca
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le 19 mars 2022

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